Rempart, crimes et botanique

Rempart, crimes et botanique

Résultats de l’accompagnement archéologique à l’Orangerie de Montbard

L’ambitieux projet de réhabilitation du parc Buffon et de ses abords, porté depuis juin 2019 par la municipalité de Montbard, se poursuit. De juillet 2020 au printemps 2021, il s’est attaché à la création du pôle pédagogique et récréatif de l’Orangerie, en contrebas de l’ancien château. À la demande du Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne-Franche-Comté, les archéologues de la société Archeodunum, sous la responsabilité de Cécile Rivals, ont accompagné ces travaux.
L’intervention archéologique a été plurielle : un suivi de travaux, pour accompagner le creusement de tranchées de réseaux et de fosses de plantation et documenter les vestiges archéologiques ; une étude du bâti, pour analyser deux caves aux singuliers graffiti ; enfin, une étude documentaire, pour faire dialoguer résultats archéologiques et sources historiques. Sur les surfaces explorées, les résultats sont spectaculaires, avec notamment l’identification du rempart nord de la ville médiévale et la découverte d’une prison contemporaine de Buffon.

 

Les traces de la fortification urbaine médiévale

Cécile Rivals et son équipe ont commencé par découvrir une portion de la fortification urbaine de Montbard, dont le tracé était encore méconnu. Un tronçon du mur de courtine de cet ouvrage défensif, large de 1,50 m, ainsi qu’une tour semi-circulaire accolée ont été mis au jour en limite nord de l’emprise. Les sources écrites nous permettent de savoir que ce rempart a été édifié avant le milieu du XIVe siècle, puis largement reconstruit au début du XVIIe siècle.

Plan phasé des vestiges superposé à une vue aérienne de 2017. Fond Geoportail
Plan phasé des vestiges superposé à une vue aérienne de 2017. Fond © Geoportail
Vestiges de la tour semi-circulaire médiévale et du rempart
Vestiges de la tour semi-circulaire médiévale et du rempart

Chez Bogureau et compagnie : un îlot d’habitation de l’époque moderne

Dans l’espace intra-muros, les murs de plusieurs maisons sont apparus sous les remblais. Ces murs formaient les caves enterrées d’un îlot urbain de la fin du Moyen Âge ou de l’époque moderne. La trace de ces bâtiments a également été retrouvée dans des actes de vente de la seconde moitié du XVIIIe siècle. On dispose ainsi d’une brève description de ces maisons avant leur destruction, et on connait les noms des familles qui y ont vécu : Bogureau, Berthuot, Cochat et Varret – des ancêtres de Montbardois d’aujourd’hui ?

Un lieu d’incarcération au temps de Buffon

Nos spécialistes de l’archéologie du bâti ont étudié deux caves enterrées, découvertes fortuitement avant le début des travaux. Il s’agit de deux espaces voûtés superposés, une organisation qui témoigne de l’adaptation à la forte pente marquant ce secteur de la ville. Une troisième cave a été entrevue lors du suivi de travaux, mais il n’a pas été possible d’y pénétrer.
Ces trois caves appartiennent à un bâtiment disparu, qui a servi de prison entre 1726 et 1774. Sur les murs, les prisonniers ont laissé des traces émouvantes de leur passage, sous la forme d’un impressionnant enchevêtrement de graffiti, dessinés ou incisés. Les représentations sont très variées : portraits, bateaux, inscriptions, peignes de comptage du temps ; à la vue de quelques dessins de plantes en pot, il est difficile de ne pas penser à la proximité des grands travaux botaniques de Buffon, contemporains de ces sinistres cachots.

Bateau et comptages de temps dessinés sur le mur d’un des cachots (fausses couleurs)
Bateau et comptages de temps dessinés sur le mur d’un des cachots (fausses couleurs)
Portrait incisé dans l’enduit de la cave haute. Le personnage porte un bonnet typique des marins du XVIIIe siècle
Portrait incisé dans l’enduit de la cave haute. Le personnage porte un bonnet typique des marins du XVIIIe siècle
Plante en pot dessinée sur l’enduit de la cave haute (fausses couleurs).
Plante en pot dessinée sur l’enduit de la cave haute (fausses couleurs).

L’Orangerie de Buffon

Après avoir transformé l’ancien château de Montbard en jardin botanique, le naturaliste Georges-Louis Leclerc de Buffon s’est attaché à installer une Orangerie. Celle-ci, mentionnée à partir de 1742, se compose dans un premier temps d’une serre, d’un puits et de parterres. En 1780, elle est agrandie vers le nord, à l’emplacement de l’îlot d’habitation découvert. C’est également dans ce cadre que Buffon échange une de ses propriétés contre l’ancienne prison, à la pointe sud-est de l’Orangerie.
Ces aménagements successifs sont attestés tant par les documents anciens que par les vestiges archéologiques. L’ensemble donne l’image d’un jardin soigné, où les orangers et les citronniers plantés en pots étaient rentrés l’hiver dans des serres chauffées. Des statues et de nombreuses fleurs agrémentaient les allées plantées de sycomores.

Et après ?

Au cours du XXe siècle, les serres de l’Orangerie servent de gymnase pour l’école primaire de Montbard, tandis qu’une partie des jardins devient un parking. Aujourd’hui, le seul bâtiment encore conservé accueille le service de médiation culturelle du Musée Buffon et le siège de la Société naturaliste du Montbardois. Et, avec l’aménagement d’une aire de jeux dans un écrin de verdure, c’est une nouvelle page de l’histoire de ce secteur qui est en train de s’écrire.
Côté archéologie, nos experts étudient l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, archives) afin de comprendre au mieux comment on a vécu, libre ou enfermé, dans ce secteur de Montbard au cours des siècles. Tous les résultats sont rassemblés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Travail en cours sur les vestiges de l’Orangerie
Travail en cours sur les vestiges de l’Orangerie

Opération d’archéologie préventive conduite entre juillet 2020 et mars 2021 sur la commune de  Montbard (Côte-d’Or), au lieu-dit Parc de l’Orangerie, en préalable à la création du pôle pédagogique et récréatif de l’Orangerie.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bourgogne Franche-Comté