Familles, pierres et feux. Un habitat de bâtisseurs de mégalithes à Locmariaquer ?

Familles, pierres et feux

Un habitat de bâtisseurs de mégalithes à Locmariaquer ?

C’est à l’automne 2023 qu’une équipe d’Archeodunum a réalisé une fouille archéologique sur la commune de Locmariaquer (Morbihan ; Fig. 1). Cette opération, prescrite par le Service Régional de l’Archéologie de Bretagne, était motivée par la création d’un lotissement au sud de la rue Er Hastel. Les archéologues ont mis au jour les vestiges d’une vaste et complexe occupation datée du Ve millénaire avant notre ère, qui pourrait bien avoir abrité des bâtisseurs de mégalithes.

 

Fig.1 : Les archéologues fouillent et documentent des foyers dits "à pierres chauffées".
Fig. 2 : Plan général des vestiges.

Au cœur du Morbihan néolithique

Le site prend place dans le bourg de Locmariaquer, à seulement 250 m du port s’ouvrant sur le golfe du Morbihan. Le contexte archéologique est riche, puisque de nombreux sites mégalithiques datés du Néolithique sont recensés dans le secteur, dont le célèbre ensemble du Grand Menhir et de la Table des Marchands, situé à seulement 700 m au nord.

La fouille s’est déroulée sur une surface de près de 8 000 m² (Fig. 2). L’équipe, sous la direction d’Audrey Blanchard, a exploré plus de 450 aménagements, appartenant pour leur grande majorité au Néolithique moyen (Fig. 3).

Fig. 3 : Outils en silex (g.) et fragments de poteries (d.)
Fig. 4 : Retrait des terres de recouvrement à l'aide d'une pelle mécanique. Une fois repérés, les vestiges archéologiques sont balisés à l'aide d'une peinture fluorescente.

Un habitat à l’abri d’une enceinte

La fouille a tout d’abord révélé l’existence d’un habitat, regroupant au moins sept bâtiments quadrangulaires de dimensions variables (Fig. 2). Au sud, quatre constructions s’organisent autour d’un espace central de 600 m², occupé par une quinzaine de grands foyers (Fig. 1, 4). Ces derniers sont constitués de nombreuses pierres rougies par la chaleur installées dans des fosses, sur des lits de charbons. Ces dispositifs dits « à pierres chauffées » sont utilisés pour des cuissons alimentaires. D’autres fosses contiennent de nombreux fragments de céramiques, du silex taillé et des fragments de meule, qui confortent l’idée d’une occupation domestique (Fig. 5). Ce probable village est limité au sud par une enceinte composée d’un double fossé et d’une palissade. Une interruption au sud-est permet d’accéder à l’habitat via un chemin empierré.

Des stèles et des foyers par dizaines

À l’est de l’habitat, les archéologues ont identifié une dizaine de fosses contenant des dispositifs de calage de stèles, ou menhirs (Fig. 2, 6). Des trous de poteau (pour aider à la mise en place des blocs ?) et une impressionnante série d’une trentaine de foyers à pierres chauffées semblent associés à ces aménagements. Un peu comme pour le site du Grand Menhir, ultime témoin d’une ligne de 18 pierres dressées dont ne subsistent que les fosses d’installation, les stèles d’Er Hastel ont aujourd’hui disparu (prélevées pour d’autres constructions au Néolithique ou plus récemment ?), mais un ou plusieurs alignements (nord/sud notamment) peuvent être envisagés.

Fig. 5 : Quelques-uns des foyers à pierres chauffées.
Fig. 6 : Fosse contenant des pierres de calage pour une stèle aujourd'hui disparue. La zone sans pierre marque son emplacement.

Il y a 6 000 ans, au temps de la Table des Marchands

Les premiers éléments de datation sont principalement issus de la production céramique. Ils renvoient tous à la période du Néolithique moyen, autour de 4 200 à 4 000 avant notre ère. En particulier, des coupes-à-socle (Fig. 7), vases typiques de cette période, sont analogues à celles découvertes à la Table des Marchands et au Grand Menhir. Cette proximité chronologique et géographique est tout à fait remarquable. Sommes-nous en présence d’un lieu où habitaient les populations qui ont bâti ces mégalithes ? Le cas échéant, une telle association serait une première, ce qui confère un intérêt majeur à ces découvertes.

Et après ?

Sur le terrain, le site a été rebouché et restitué pour la création du lotissement. Côté archéologie, nos experts vont analyser les données et étudier l’ensemble des éléments recueillis (objets en céramique, en pierre, etc.). Les nombreux charbons de bois prélevés lors de la fouille seront soumis à des datations par le radiocarbone, ce qui permettra d’affiner la chronologie des vestiges et de préciser les relations entre les différents aménagements : bâtiments, enceinte, foyers, calages de stèle. S’agit-il des composantes d’une même occupation, ou des témoins d’une fréquentation étalée sur plusieurs siècles ? Tous les résultats seront rassemblés dans un rapport de fouille abondamment documenté, qui permettra d’enrichir encore la longue histoire de Locmariaquer et de sa région.

7 : Coupe-à-socle, fragment et restitution graphique.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’automne 2023
sur la commune de Locmariaquer, au lieu-dit “Er Hastel”,
en préalable à la création d’un lotissement.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bretagne

Maîtrise d’ouvrage : SAS Acanthe

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Audrey Blanchard)