Histoire d’os et d’eau sous la clinique du Parc

Histoire d’os et d’eau sous la clinique du Parc

C’est au cœur d’Autun, au 6 avenue du Morvan, qu’Archeodunum a réalisé une fouille en préalable à l’extension de la Clinique du Parc. L’équipe, dirigée par Mélanie Lefils et Jérôme Besson, est intervenue durant 10 semaines au cours de l’été 2019, sous les fenêtres de la clinique (fig. 1). Sur 4 mètres de profondeur, les archéologues ont exploré un point singulier de la ville romaine, articulation entre son rempart, une de ses rues principales et l’angle d’un îlot construit. Des masses considérables d’ossements témoignent d’activités de boucherie et d’artisanat.

 

Fig. 1 : Vue générale du chantier © A. Maillier – Bibracte
Fig. 2 : Emplacement de la fouille dans le contexte de la ville romaine. © Archeodunum d'après Service archéologique de la ville d'Autun.

Les raisons de l’intervention

C’est l’extension de la Clinique du Parc qui a motivé l’intervention des archéologues, sur prescription du Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne-Franche-Comté. Un diagnostic préalable à l’opération a confirmé l’organisation de la ville antique, telle qu’on l’envisageait dans ce secteur depuis des fouilles réalisées en 1989 et 2001 (construction de la Clinique du Parc et de l’Hôpital). Nous nous situons ainsi à l’intérieur du rempart d’Augustodunum, à l’extrémité occidentale d’un grand axe de circulation structurant la ville.

La principale problématique scientifique résidait dans l’articulation entre cette voie majeure et une bande de terrain dite « non constructible » longeant le rempart. La fouille devait également permettre d’appréhender l’angle d’un îlot d’habitation, dont une partie avait déjà été explorée en 2001, et de confirmer ou non la présence d’une tour sur le tracé de l’enceinte (fig. 2).

Fig. 3 : Examen d'un remblai © A. Maillier - Bibracte
Fig. 4 : L’angle de l’îlot VIII/IX 3 © A. Maillier – Bibracte

Petit mais costaud

La fouille a concerné une emprise de 440 m², pour une épaisseur totale de 4 m. Cette profondeur importante a nécessité la présence constante d’une mini pelle mécanique, pour gérer les déblais, et l’aménagement de paliers successifs, pour garantir la sécurité. Au plus bas, la fouille s’est ainsi réduite à 100 m². L’équipe n’en a pas moins identifié 750 couches archéologiques, qui témoignent de l’évolution constante de ce secteur de la ville durant l’Antiquité, entre le Ier et le IVe siècle après J.-C. (fig. 3).

Un angle et des bases

Au nord de la fouille, l’équipe a identifié l’angle de l’îlot urbain déjà largement fouillé en 2001 sous l’hôpital (îlot VIII/IX 3 selon le découpage scientifique en vigueur). Plus précisément, il s’agit d’un mur scandé tous les 4 m par des blocs monumentaux en grès, destinés à accueillir des colonnes (fig. 4). L’ensemble devait former une galerie couverte, comparable par exemple aux arcades de Louhans. Dans un second temps, ce dispositif est abandonné et la façade de l’îlot est reculée de quelques mètres.

Fig. 5 : États successifs de la rue, sillonnée de canalisations © A. Maillier – Bibracte
Fig. 6 : Objets trouvés dans les remblais de la rue : fragments d’enduits peints, assiette et colonnette.

Une des plus grandes rues d’Augustodunum

L’essentiel du site est occupé par la rue nommée decumanus D9, un axe majeur et central de la ville romaine. L’emprise totale de façade à façade, documentée ailleurs dans la ville, approche les 20 m. À la Clinique, l’épaisseur de la chaussée atteint 1,30 m, résultat de multiples réfections. Des remblais, très riches en mobilier, y alternent avec des surfaces de roulement, pavées de cailloux (fig. 5-6).

Que d’eau, que d’eau

Un autre élément remarquable est la grande quantité de dispositifs liés à la gestion de l’eau. Une vingtaine de structures ont été reconnues, se transformant ou se succédant : caniveaux à ciel ouvert entre la rue et les bâtiments, canalisations en bois enterrées pour l’eau propre. Cette profusion rappelle que les rues romaines, à l’instar de nos rues d’aujourd’hui, ne servent pas qu’à la circulation, mais sont également sillonnées de multiples réseaux techniques.

Fig. 7 : Amas d’ossements animaux provenant d’une activité de boucherie.
Fig. 8 : Les ossements sèchent après lavage.

Inconstructible mais colonisé

Au pied du rempart, la bande de terrain non constructible est large de 12 m. Sur notre emprise, ce secteur a livré là aussi des revêtements successifs, indices d’un espace de circulation se rehaussant au fil du temps. Cette zone de marge a également servi de dépotoir, comme en témoignent notamment des masses considérables d’ossements animaux (fig. 7). Ces restes proviennent d’activités de boucherie. Pour partie, ils sont récupérés pour fabriquer des objets (tabletterie).

La tour invisible

Les paliers de sécurité n’ont pas permis d’approcher la potentielle tour. On peut la restituer dans l’axe de la rue et de plan circulaire (diamètre d’environ 11 m), à l’instar de la tour vue au nord vers l’hôpital ou de celle encore conservée dans le parking souterrain de l’Hôtel des Ursulines.

Fig. 9 : Vue générale du chantier au petit matin.

Après la fouille

À l’issue du chantier, le terrain a été investi par les travaux d’extension de la Clinique du Parc. Côté archéologie, nos experts ont étudié l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu et circulé dans ce secteur de la ville romaine d’Augustodunum (fig. 8). Au terme de plusieurs mois de travail, tous les résultats ont été synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’été 2019 au 6, avenue du Morvan à Autun, en préalable à l’extension de la Clinique du Parc.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté.

Maîtrise d’ouvrage : SAI du parc

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jérôme Besson)