Six mètres sous terre. Archéologie au cœur du futur musée Panoptique à Autun

Six mètres sous terre

Archéologie et étude de bâti au cœur du futur musée Panoptique à Autun

Dans le cadre du projet d’aménagement du musée Panoptique d’Autun (71), les archéologues d’Archeodunum et du Service Archéologique de la Ville d’Autun ont uni leurs efforts pour explorer un espace charnière du futur musée. Dans ces 50 m2 situés au sein de l’hôtel Lacomme, deux mille ans d’histoire sont en cours d’étude, avec comme découverte majeure un tronçon très bien conservé du rempart urbain de l’Antiquité tardive (fig. 1).

 

Fig.1 : Un chantier complexe pour les archéologues et les entreprises chargées de sécuriser les lieux. Au premier plan à gauche, le rempart de l’Antiquité tardive.
Fig. 2 : Aile nord de l’hôtel Lacomme : cotes à atteindre et types d’intervention.

Entre murs et butons : un défi technique

L’objectif assigné aux archéologues est d’atteindre une cote de six mètres sous le sol actuel (fig. 2). Fouiller sur une telle profondeur à l’intérieur d’un Monument Historique n’est pas une mince affaire. Cela nécessite une haute technicité et un travail en collaboration avec de nombreux intervenants : maîtrises d’ouvrage et d’œuvre, cabinets d’études géotechnique et structure, entreprises en charge du confortement du bâtiment. Au fur et à mesure de la fouille, la stabilité du bâtiment a été assurée par des butons et des étais (fig. 1).

Au pied du mur : le rempart, marqueur du castrum de l’Antiquité tardive

Nous sommes au sud de la ville romaine d’Augustodunum/Autun, en marge du centre économique et politique de la capitale des Eduens. Au tournant des IIIe et IVe siècles, la ville se rétracte et se replie sur sa partie haute. Pour protéger cet espace, appelé castrum, un nouveau rempart vient barrer une partie resserrée de la fortification initiale de l’agglomération. Jessy Crochay et son équipe ont pu mettre au jour une portion de cet ouvrage, conservé sur une hauteur de plus de quatre mètres ! Épais d’environ trois mètres, il est fondé sur une à deux assises de blocs de grand appareil (fig. 3 et 4).

Fig. 3 : Des blocs de grand appareil forment la base du rempart (à gauche). Le géomorphologue fait un sondage à la tarière pour mieux comprendre la nature du terrain.
Fig. 4 : Angle nord-est de l’hôtel Lacomme : vue schématique des principaux vestiges.

Du castrum à la ville médiévale

Durant l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, l’espace fouillé est hors des murs de la ville. Pour assurer une bonne défense, aucun bâtiment n’est construit contre le rempart. Seuls plusieurs niveaux de sol, et de nombreux rejets de céramiques et d’os d’animaux attestent d’une fréquentation régulière à cet endroit, situé à proximité d’une des portes majeures du castrum.

Durant l’époque carolingienne, des tours sont ajoutées contre le parement extérieur. Dans la zone explorée, un mur est peut-être à rattacher à ce remaniement (fig. 5). Le XIIe siècle voit une nouvelle modification des fortifications. Un rempart est édifié une cinquantaine de mètres en aval. Ayant perdu sa fonction d’origine, le mur du castrum sert de fondation à de nouveaux bâtiments. Donnant sur la rue des Bancs, une cave est installée contre le rempart (voir fig. 2). Plusieurs murs situés dans l’espace de la fouille correspondent également à cette réappropriation de l’espace urbain.

Fig. 5 : À gauche, mur d’une tour carolingienne (?), intégré à la fin du Moyen Âge dans une fosse maçonnée (à droite).
Fig. 6 : Écailles et arêtes de poissons. Largeur de l’amas, 5 cm.

Naissance et vie d’un hôtel particulier du XVe siècle

Construit dès le XVe siècle, l’hôtel Lacomme vient se substituer aux maisons médiévales. En vidant une fosse maçonnée, les archéologues ont découvert tout un ensemble de déchets culinaires (oiseaux, poissons, poteries, mortiers), dont l’analyse nous renseignera sur les menus de cette époque (fig. 5 et 6). Quant à l’analyse archéologique des murs, elle a mis en évidence de nombreux remaniements au XVIIe ou au XVIIIe s. (fig. 7).

Ensuite, l’espace a peu évolué jusqu’à la création du musée Rolin. Il est savoureux de noter qu’un aménagement muséographique avait entraîné le décaissement partiel de la salle étudiée ici. Un creusement qui a entamé le rempart du castrum, sans qu’on s’en soit rendu compte à l’époque !

Fig. 7 : Analyse du mur nord de l’hôtel Lacomme. Les informations sont enregistrées sur une tablette numérique.
Fig.8 : L’interruption du chantier est mise à profit pour engager les études spécialisées.

Une affaire à suivre…

Aujourd’hui, il reste encore plus d’un mètre à fouiller, mais le chantier a été interrompu (fig. 8). En effet, le bas de tous les murs de l’hôtel Lacomme a été atteint. Les acteurs en charge du projet sont en train d’élaborer une méthode de reprise en sous-œuvre permettant de répondre aux objectifs du projet architectural. Ces contraintes techniques nécessiteront d’adapter nos méthodes de fouilles : c’est la perspective d’un nouveau défi pour les archéologues. Alléchant !

Fig.9 :Vue générale : la prison panoptique (au centre), le palais de justice (à gauche) et les hôtels Lacomme et Rolin (à droite).

Opération d’archéologie préventive conduite en 2023 sur la commune d’Autun, dans l’angle nord-est de l’hôtel Lacomme, en vue de la création du musée Panoptique.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne-Franche-Comté

Maîtrise d’ouvrage : Ville d’Autun

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jessy Crochat)