Quelle responsabilité des archéologues dans le dérèglement climatique ?
Depuis une dizaine d’années, plusieurs publications ont jalonné la prise en compte de la problématique environnementale en archéologie. Pour l’heure, toutefois, les approches paraissent plutôt « victimaires », observatrices voire opportunistes1, en s’attachant essentiellement à mesurer l’impact du réchauffement climatique sur le patrimoine archéologique et sur les moyens à mettre en œuvre pour faire face à cette nouvelle menace. Sans dénier l’intérêt de ces réflexions, la question de l’impact environnemental de l’archéologie est nettement moins abordée2. En pleine élaboration de sa politique RSE3, Archeodunum a donc décidé de prendre en compte cette dimension cruciale pour l’évolution de ses pratiques.
Bilan carbone : mesurer et agir
À cette fin, l’entreprise a réalisé le bilan carbone de ses activités pour l’année 2023, dans le cadre du programme Décarbon’action de la BPI-France. Pour réaliser ce bilan, elle a été accompagnée par la société SAMI, qui a mis en place les outils de récolte des données et réalisé leur analyse4. Nous présentons ici les principaux résultats et esquissons de premières actions envisageables pour une trajectoire plus vertueuse. Il est encore trop tôt pour proposer une trajectoire de réduction des émissions dans les années à venir, mais l’identification de quelques leviers d’action montre que la marge de manœuvre est importante.
Méthodologie
Afin de couvrir l’ensemble de la chaîne, le calcul de l’empreinte carbone comprend les émissions directes et indirectes. Les données ont été recueillies par divers moyens : données physiques, informations comptables, questionnaire aux collaborateurs, enquêtes auprès des prestataires et fournisseurs. Le résultat repose sur des données brutes, sur des hypothèses et des extrapolations, ainsi que sur la notion de « facteur d’émission ». Le degré d’incertitude (15%) est considéré comme faible.
Résultats et indicateurs
En détail
La part du lion : les terrassements
(60% des émissions, 1065 t CO2e5)
Sans grande surprise, ce sont les terrassements qui constituent l’écrasante majorité de nos émissions, qui se répartissent en plusieurs catégories : l’énergie (GNR), les équipement (engins) et les achats de service (fonctionnement des entreprises sous-traitantes).
Un gros poste atténué par le télétravail : les déplacements
(18 % des émissions, 317 t CO2e)
La voiture thermique constitue le principal facteur d’émission.
Les déplacements domicile-travail sont majoritaires (60 %), malgré un accroissement du télétravail – lequel évite toutefois l’émission de 80 tonnes de CO2e.
Côté chantiers (36 %), le covoiturage systématique, quelques véhicules hybrides et les transports en commun permettent proportionnellement de modérer les émissions (- 3 %).
Numérique et consommables : peu impactant mais psychologiquement marquant
(4,3% des émissions, 46 tCO2e)
Le numérique (2,3 %) ne représente qu’une très faible part du bilan (proportion égale à la moyenne nationale).
Malgré un usage fréquent et massif, les consommables en plastique (bâches, sachets, seaux, étiquettes) pèsent très peu en termes d’émissions de GES (1,6 %), mais posent la question de leur recyclage et/ou de leur revalorisation.
Pour en savoir plus, Archeodunum met en libre accès l’intégralité de son bilan carbone et du diagnostic pour l’année 2023
Vers un plan d’action
Le bilan carbone 2023 a donné une première image de l’impact de notre activité. Il s’agira désormais d’en tirer un plan d’action permettant de diminuer nos émissions. Ce plan est en cours d’élaboration pour un lancement dès janvier 2025.
Une partie des résultats de la présente étude ont fait l’objet de présentation sous forme d’un poster aux 16e rencontres annuelles de l’ANACT (2024) : ” L’archéologie et ses métiers face aux enjeux climatiques et sociétaux “, Reims, 16-18 octobre 2024.
Notes.
1 – Par exemple, une tribune récente de Dominique Garcia parue dans le journal Le Monde (14/02/2024) illustre ce positionnement.
2 – Citons ici le texte de réflexion « Cher.es ami.es archéologues » (03/12/2022)
3 – Responsabilité Sociétale des Entreprises, équivalent de la RSO dans les services publics.
5 – Tonnes d’équivalent CO2.