Fleurs peintes et feuilles sculptées : Histoire et décors d’une maison du Vieux Lyon

Fleurs peintes et feuilles sculptées

Histoire et décors d’une maison du Vieux Lyon

Le quartier lyonnais du Vieux Lyon porte bien son nom, grâce aux nombreuses maisons  qui contiennent encore des vestiges de l’époque médiévale. Le Service régional de l’archéologie est donc particulièrement attentif à ce secteur et prescrit des études archéologiques lors de chantiers de restauration. C’est ainsi le cas de l’immeuble situé au n°6 de la rue Lainerie, dans le quartier Saint-Paul, qui a été examiné par des spécialistes d’Archeodunum. Avec de nouvelles datations et des découvertes de décors peints, les résultats sont substantiels.

Fig.1 : Plan scénographique de Lyon vers 1550, quartier Saint-Paul, où se trouve la maison de la rue Lainerie, anciennement rue Boucherie-Saint-Paul (©Archives de Lyon).
Fig. 2 : Relevé numérique de l’élévation (Archeodunum) et plan du rez-de-chaussée (©BY Architectes)
Fig. 3 : Réalisation d’un sondage dans l’enduit et enregistrement des données sur tablette

Un plan typique des maisons lyonnaises de la fin du Moyen Âge

La maison, étroite, mesure 8,30 m en façade et s’enfonce dans l’îlot sur 19,60 m de long (fig. 1 et 2). Elle se compose de trois corps de bâtiment agencés autour d’une cour centrale. En élévation, elle se développe sur quatre étages au-dessus des caves et du rez-de-chaussée. Un escalier en vis et des galeries voûtées d’ogives desservent les salles des différents étages.

Après 1462 : des éléments de datation grâce à la dendrochronologie

L’étude archéologique a porté conjointement sur les murs (fig. 3) et sur les planchers de la maison. Des datations dendrochronologiques ont été réalisées sur une sélection de pièces de bois (fig. 4). Il en ressort que les épicéas utilisés pour les planchers de la maison ont été abattus au plus tôt en 1462 : le chantier de construction s’est donc déroulé vers la fin du xve siècle.

Fig. 4 : Grâce à des prélèvements dans les bois, le laboratoire C.E.D.R.E peut procéder à des analyses dendrochronologiques.
Fig. 5 : Culot sculpté avec motif végétal et escargot

Des décors sculptés

La galerie de la maison relie l’escalier en vis et le bâtiment ouest. Elle est couverte par des voûtes d’ogives qui, au 1er et au 2e étage, retombent sur des culots sculptés. Ces derniers arborent des motifs végétaux, dans lesquels se trouvent des escargots (fig. 5).

Des plafonds joliment fleuris

L’étude des bois nous renseigne également sur les décors de la maison. Côté rue, deux salles se distinguent par leur plafond peint. Celui du 1er étage arbore des fleurons qui présentent trois motifs, disposés selon une alternance régulière et scandés par des rinceaux végétaux en sousface des solives (fig. 6). Il semble avoir été fait au pochoir ou à l’aide d’un poncif. Au 2e étage, le plafond, peint à la main, est orné d’un damier composé de deux types de fleur : une à pétales fins (marguerite ?) et une à larges pétales (oeillet ou rose ?) (fig. 7).

Fig. 6 : Décor peint de fleurs en damier sur un plafond
Fig. 7 : Décor peint de fleuron sur un plafond, avec relevé superposé.

Des murs du Moyen Âge central, antérieurs à la maison

Dans les deux longs murs nord et sud, les archéologues ont identifié des maçonneries antérieures à la maison de la fin du Moyen Âge. Faites de moellons de granite liés par un mortier grossier,elles se distinguent des murs plus récents, dont l’appareil est constitué de matériaux calcaires liés par un mortier sableux. Par la méthode du carbone 14, on a pu dater ces mortiers anciens entre 1044 et 1220. La maison a donc été construite entre deux murs préexistants du parcellaire médiéval.

Une maison remaniée par ses occupants

Les murs de la maison conservent aussi les traces de remaniements postérieurs, qui indiquent que la maison a évolué selon les besoins de ses occupants. Dans le bâtiment ouest, au 2e étage, on trouve par exemple les traces de deux cheminées successives (fig. 8). Les pierres en ont été démontées au cours de l’actuel chantier de restauration, faute d’intérêt dans le nouveau projet hôtelier. D’autres modifications de ce type ont été réalisées lors du chantier : ajout ou suppression de baies, reprise des planchers. Cette maison du Vieux Lyon n’a pas fini de se transformer !

Fig. 8 : Mur du 2e étage. On y distingue l’arc en briques d’une première cheminée, ensuite remplacée par une cheminée plus étroite encadrée par des piédroits en pierres dorée moulurées.
Fig. 9 : Étude d’une planche de plafond ornée de fleurons.

Opération d’archéologie préventive conduite de janvier à mai 2023 sur la commune de Lyon 5e, en préalable à la réhabilitation de l’immeuble situé au n°6 rue Lainerie

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : SCI Résidence Saint Paul / SA Celtic Hotel

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsables : Camille Collomb)

Équipe de terrain

  • Camille Collomb (RO)*
  • Alice Borel
  • Laura Darmon
  • Jessy Crochat
  • Émilien Bouticourt
  • Guilhem Turgis
  • Nawelle Trad
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • Jean-Baptiste Kowalski