Dax - Village Alzheimer
Achevée au premier trimestre 2018, la fouille préalable à la construction du village Alzheimer de Dax intervient à la suite du diagnostic réalisé par N. Béague (Béague 2012) puis de la fouille conduite par J. Cousteaux (Cousteaux 2014). L’ensemble a livré les vestiges d’occupations rurales successives depuis le Néolithique jusqu’au bas Moyen Âge, répartis sur une surface de 2,5 ha dans une zone d’interfluve entre les vallées de l’Adour et du Luy. Au centre de l’emprise, un thalweg de période würmienne dont le comblement semble s’être achevé à la fin de la Protohistoire, a conditionné l’implantation des occupants du site tout au long de son histoire, déterminant également le réseau de fossés de drainage jusqu’à nos jours.
Outre quelques pièces paléolithiques, l’occupation la plus ancienne est caractérisée par quatre fosses à pierres chauffées du Néolithique récent/final qui, avec les découvertes de Dussin à Narosse (Sassi 2014) et de plusieurs gisements dans un rayon de 5 km, par prospection pédestre, tendent à souligner l’existence d’un habitat proche (Chopin et al. 2018).
Le site se structure véritablement au premier âge du Fer à travers deux locus répartis de part et d’autre du thalweg (Lemaire et Lemaître 2019, Lemaire et al. 2021).
Côté ouest, un petit secteur d’habitat se signale par quatre fosses comblées par un même dépotoir. Les vestiges d’une structure de chauffe associés à des jarres en terre crue, des graines de millet brûlées, de la vaisselle, ainsi qu’à deux pesons, tendent à définir les contours d’un contexte domestique des VIIe – VIe s. a.C.. Ce type d’assemblage est bien connu dans le sud-est de la France, notamment par le biais des découvertes des habitats de l’Île à Martigues (Nin 2003), mais également représenté en Aquitaine par deux exemplaires à Vil Mortagne (Landreau et Maratier 2008). Il semble dévolu à la préparation culinaire de mets à base de millet, peut-être de la bière.
À l’est du thalweg, se développe une petite nécropole à crémations composée de 25 fosses dont 5 pourvues d’une urne, 14 comblées par du charbon et de rares os crémés et 6 par du charbon uniquement. La distribution des fosses et leur taphonomie permet de restituer la présence d’au moins un tertre, ce qui permet d’envisager une organisation soit tumulaire, soit mixte, associant tertre(s) et tombes « plates ». Les éléments de datation disponibles, par la céramique et le radiocarbone, tendent à centrer l’usage de la nécropole sur les VIe et Ve s. a.C., avec toutefois un prolongement dans le second âge du Fer, matérialisé par trois structures datées entre la fin du Ve et la fin du IIIe s. a.C.. Il semble qu’un contenant périssable ait été utilisé à l’intérieur des urnes et l’absence de charbon dans les récipients signale le nettoyage des ossements. Le mobilier d’accompagnement est rare et les quelques résidus d’objets en alliage cuivreux trop dégradés par le feu pour être identifiés. L’étude carpologique signale l’utilisation probable de litières en poacées sur le bûcher.
Bien que les vestiges d’habitat soient très mal conservés, ils s’intègrent très bien dans un corpus connu principalement sur des habitats importants (Martigues, Coudounèu, Oppidum de La Cloche, Les Courtinals à Mourèze, Saint-Blaise, Lattes ou Vil Mortagne pour n’en citer que quelques-uns), ce qui laisse présager que l’occupation ne devait pas être anecdotique. La présence de la nécropole à proximité immédiate de l’habitat appuie encore l’importance de l’occupation, témoignant de sa fixation dans le temps. Notons que l’association habitat/nécropole constitue un cas rare à l’échelle régionale puisque, pour une chronologie centrée sur le VIe s. a.C. (Ha D1-2), nous n’en connaissons que trois autres : Montamat, Chastel/Grand Jean à Aiguillon et Saint-Sylvestre-sur-Lot (Dumas 2016). Pour autant, le déficit de connaissances sur le site de hauteur fortifié du Castra d’Arles, à Narrosse, à moins d’un kilomètre de distance du Village Alzheimer, ne permet pas de préciser les liens que les deux sites pouvaient entretenir.
À la charnière de notre ère, entre La Tène finale et le début du Haut-Empire (IIe s. a.C. – Ier s. p.C.), le site présente de nouveau une structuration importante. Le thalweg achève son comblement et l’occupation du site est désormais marquée par un enclos fossoyé approximativement rectangulaire dont seulement trois branches sont connues. La surface de l’espace enclos atteint les 4710 m² au minimum et peut dépasser les 5800 m². Un dépotoir localisé sur la branche sud témoigne d’activités domestiques et/ou artisanales. Dans l’angle sud-est de l’enclos, un bâtiment sur module porteur de six poteaux de 4 m² correspond probablement à un grenier, et l’existence d’au moins un autre bâtiment se signale par des rejets de torchis brûlé dans la moitié orientale de l’enclos. Au sud-ouest de l’emprise de fouille, hors de l’espace enclos, se trouvent trois bâtiments supplémentaires. Deux sont sur module de quatre poteaux porteurs, de 3,20 et 1,70 m², et le dernier sur six poteaux, pour une surface d’environ 3 m², ce qui oriente à nouveau vers une fonction de greniers. L’un d’entre eux a livré des restes de céréales et de glands.
Bien que principalement structurée autour de l’enclos, l’occupation apparaît uniformément répartie sur l’ensemble de l’emprise de fouille. Les travaux de drainage, manifestés par de grands fossés qui convergent vers une zone marécageuse, signalent également une occupation étendue dont les résultats des diagnostics du secteur du Gond, à l’ouest (Moreau et Gé 2007), et de Broy-de-Haut, au nord (Cavalin 2016), peuvent se faire l’écho. Ce sont donc au moins 15 ha qui semblent occupés entre La Tène finale et le Haut-Empire, et il n’apparaît pas improbable que ce secteur entier de l’interfluve entre vallées de l’Adour et du Luy ait été occupé à la charnière de notre ère, dans un maillage d’aménagements relativement dense. Comme pour l’occupation du premier âge du Fer, la mise en perspective de cette ou ces occupations reste toutefois difficile faute de données suffisantes sur les sites proches du Castra d’Arles à Narrosse et du Bigné à Tercis-les-Bains, dont les datations sont mal assurées mais qui semblent, au moins dans le cas de Narrosse, être encore occupés durant La Tène finale. Les relations entre l’abandon du Village Alzheimer et la fondation de Dax sont difficiles à établir, mais il apparaît qu’au moment du développement de la cité, autour des complexes thermaux du IIe s. p.C. notamment, notre site n’est plus occupé.
L’occupation pérenne du Village Alzheimer durant La Tène finale et le début du Haut-Empire s’inscrit très bien dans les formes d’occupation du sol typiques de la période à l’échelle de la Gaule et même de l’Europe celtique et s’éloigne ainsi d’un modèle mettant en scène des occupations temporaires liées au pastoralisme transhumant entre les Pyrénées et la plaine landaise. La rareté des occupations encloses en Aquitaine, avec seulement neuf autres enclos laténiens connus répartis sur cinq sites dans le triangle Bordeaux-Agen-Périgueux et dans les Landes, tient plus probablement d’un état de la recherche limité par la forêt landaise que d’un particularisme culturel régional.
La suite de l’occupation du Village Alzheimer n’est finalement plus marquée que par des traces de fréquentations ponctuelles tout au long du Moyen-Âge et de l’Époque moderne, avec comme élément notable un chemin de campagne du bas Moyen Âge qui traverse le site d’est en ouest.
Retrouvez ici une actualité détaillant les premiers résultats de l'opération :
Revue de presse :
- Village Landais Alzheimer : une mobilisation hors du commun (10/06/2020)
- Web TV du Département des Landes - Fouilles préventives sur le site du futur Village Landais Alzheimer (14/02/2018)
- Sud Ouest 2018, Dax : des découvertes archéologiques sur le site du futur Village Alzheimer (24/01/2018)
Bibliographie scientifique :
- Lemaire, Lemaître 2019: LEMAIRE A., LEMAÎTRE St., avec la collab de CAMAGNE G., RUZZU Fl. et JOLLY V., "Résultats préliminaires sur l'occupation du premier âge du Fer de Dax, Village Alzheimer (40)", Bulletin de l'AFEAF, 37, 2019, p. 15-18.
- Lemaire et al. 2021 : LEMAIRE A., ANCEL M.-J., BEAGUE N., CAMAGNE G., COUSTEAUX J., FLOTTES L., LEMAÎTRE St. et RUZZU F., "Une nécropole à crémation et un dépotoir du premier âge du Fer à Dax (Landes), "Village Alzheimer", rue Pascal Lafitte"", In. ADROIT St., DUMAS A. et MISTROT V. Actualités de la recherche archéologique en Protohistoire dans le sud-ouest de la France et dans le nord de l'Espagne, Actes de la journée d'étude de Bordeaux du 13 décembre 2019, Aquitania 2020, 2021, pp.51-71.
Commune : Dax
Adresse/lieu-dit : Village Alzheimer
Département/Canton : Landes
Année de fouille : 2017
Période principale d'occupation : Age du Fer
Autres périodes représentées : Néolithique,Antiquité,Moyen Âge,Période moderne
Responsable d'opération : Alexandre LEMAIRE
Aménageur : Département des Landes
Raison de l'intervention : construction d'un village Alzheimer
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)