Plénée-Jugon - Tracé RD59- Les Touches
Une nécropole de la transition entre le Campaniforme et l’âge du Bronze ancien et une occupation du second âge du Fer
Le site « Les Touches » est localisé dans le nord des Côtes d’Armor, à environ 30 km au sud de la côte de Penthièvre. La zone est connue grâce aux différentes campagnes de prospections aériennes et pédestres réalisées depuis les années 1980´. En effet, de nombreuses traces de sites ont été identifiées dont des enclos fossoyés. La prescription de fouille fait suite à une campagne de diagnostic qui a eu lieu en 2013. Elle a concerné l’ensemble du tracé du projet de rectification de la route départementale n°59. Le projet routier, dans une zone à fort potentiel archéologique, a permis de découvrir une série de sites d’époque historique et protohistorique. Au lieu-dit « Les Touches », plusieurs gisements ont été découvert, dont une nécropole Campaniforme/âge du Bronze ancien, une occupation du second âge du Fer et des vestiges du Haut-Empire. Il faut ajouter à cela une série de fossés appartenant à un parcellaire d’époque indéterminée. Le potentiel du site a conduit à la prescription d’une fouille pour la sauvegarde des vestiges. L’état de conservation du site était caractérisé par un fort arasement des structures où les horizons anciens ont été détruits. En effet, localisé sur un versant de colline à vocation agricole, le terrain a été fortement arasée suite aux phénomènes météoriques et aux activités agricoles.
Les traces les plus anciennes concernent une nécropole à inhumation de la transition Campaniforme/âge du Bronze ancien. La nécropole est composée de treize tombes couvrant une surface d’environ 170 m2. Regroupées sur un petit espace, au sud-est de l’emprise de fouille, elles consistent en des fosses quadrangulaires aux angles arrondis. Toutes ne possèdent pas la même orientation ni les mêmes dimensions. Aucun ossement humain n’est préservé, limitant la perception des gestes funéraires. Néanmoins, les structures présentent des architectures variées (coffre, coffrage, architecture composite ou non, condamnation des structures, marquage au sol), qui plaident en faveur d’inhumations (individuelles ?). Les éléments constitutifs des architectures ont tous été extraits localement. Le mobilier est rare ; si l’on excepte deux récipients complets issus chacun d’une sépulture, le matériel céramique est très fragmenté et le lithique indigent. Le corpus renvoie au Campaniforme (décor imprimé à la coquille et au peigne, armature à pédoncule et ailerons) et à l’âge du Bronze ancien (urne à cordon arciforme).
La fouille a révélé une hétérogénéité des traitements au sein de la nécropole. En effet, les caractères de certaines tombes peuvent correspondre à une inhumation d’enfant ou d’adulte en position fœtale. Les plus imposantes semblent correspondre à une inhumation d’adulte en position allongée. La diversité des traitements peut être mise en parallèle avec la longévité de la nécropole. En effet, une série de datation au radiocarbone a permis d’estimer une fourchette chronologique d’environ cinq siècles.
Ce type de nécropole reste peu connu en Bretagne, région connue pour les tumuli armoricains. Toutefois, les découvertes récentes sur les sites du « Mané-Mourin » au Bono dans le Morbihan et de « Kervouyec » à Quimper dans le Finistère, montrent certains parallèles.
Le second gisement concerne un établissement gaulois à double enclos fossoyés localisé dans la partie haute, au nord de l’emprise. L’occupation couvre une surface d’environ 1400 m2. Toutefois, l’emprise de fouille ne couvre pas l’ensemble de l’établissement. Les vestiges se poursuivent en direction de l’est, zone en partie détruite par l’activité en lien avec la carrière Lessard. L’état de conservation des vestiges n’a pas permis de distinguer des phases distinctes. En effet, l’absence d’horizon commun aux aménagements, caractéristiques des établissements ruraux, rend difficile voire impossible de mettre en place une chronologie relative. L’étude du mobilier céramique date l’occupation du site au cours du IIe siècle av. J.-C. sans pouvoir être plus précis. En effet, l’indigence du mobilier céramique ne permet pas de préciser la chronologie. Il semble refléter une occupation de courte durée.
L’établissement est caractérisé par une double enceinte fossoyée où l’espace entre les deux enclos a probablement servis à la mise en place d’un talus. L’emprise de fouille n’a pas permis d’identifier l’entrée du site gaulois, localisée sans doute à l’est (zone non prescrite). Les aménagements internes correspondent le plus souvent à des trous de poteaux, parmi lesquelles plusieurs bâtiments ont pu être identifiés. Une série d’ensembles à quatre poteaux semble concorder à des annexes de type structures surélevées pour le stockage. Un bâtiment est sans doute destiné à des activités domestiques. Des aménagements de fossés internes à la double enceinte semblent appartenir à la partition de l’espace. Néanmoins, la vision partielle due au tracé incomplet de certain fossés couplé au fort arasement général n’a pas permis d’établir une fonction certaine.
Le mobilier découvert se limite à un faible corpus céramique, avec de rares éléments de terre cuite indéterminée et d’un élément de mouture. Au vu des rejets découverts, il est difficile d’émettre des hypothèses sur la fonction du site. Toutefois, la présence d’au moins six annexes (non contemporaines) à vocation de stockage permet d’intégrer le site aux établissements ruraux à activités agro-pastorales
La mise en place de cet établissement a lieu à la période de multiplication des occupations avec une dominante de sites à vocation agropastorale. La fouille sur le site de la « Carrière Gouviard », localisé à 1200 m à l’est, a permis de mettre au jour un établissement à vocation agropastorale qui connaît de profonds réaménagements au cours de la création du site gaulois au lieu-dit « Les Touches ». Cependant, il est difficile d’établir des relations directes entre les deux établissements. Ce type d’implantation, caractérisé d’habitats dispersés, est bien connu dans la région et sur le territoire national. Ces habitats apparaissent au cours du IIIe siècle av. J.-C. et se développent au cours du IIe et du Ier siècle av. J.-C.
Une dernière occupation semble se mettre en place après un hiatus d’au moins 50 ans. Les vestiges d’aménagements datés du Haut-Empire sont découverts en périphérie sud de la double enceinte gauloise. Encore une fois, l’emprise n’a pas permis d’appréhender l’ensemble de l’occupation qui semble se poursuivre en direction de l’est et du nord-est. Les structures correspondent à des trous de poteaux délimitées à l’est et au nord par deux fossés orthonormés. Au sein de cet espace, une concentration de trous de poteaux est localisée au nord. Au sud, la zone présente peu d’aménagement à l’exception d’une structure de combustion et de rares trous de poteau isolés. Trois fours sont localisés à l’extérieur de cet espace.
Une construction semble correspondre à un bâtiment dont la surface couvre environ 140 m2. Ce type de construction est assez rare en Bretagne. Toutefois, certains exemples sont mis en lien avec une fonction de grange/halle. Dans notre cas, il est difficile d’être catégorique et d’exclure la possibilité d’une vocation différente. En effet, la présence d’élément en lien avec une activité domestique (vaisselle, récipient de cuisson, vase de stockage) laisse supposer la présence d’activité multiple.
Les artefacts découverts sont très rares. Ils se composent principalement de céramiques communes. Il faut ajouter à cela de rares fragments d’amphores et de tuiles. L’étude du mobilier indique une mise en place de l’occupation antique entre la période augustéenne et le Ier siècle ap. J.-C. Les rejets les plus récents sont datés du IIe siècle ap. J.-C. Toutefois, les éléments peu caractéristiques n’ont pas permis d’affiner la chronologie. Une datation au radiocarbone d’un charbon provenant d’un niveau de fonctionnement d’un des fours donne une date au cours du IVe siècle ap. J.-C. Les analyses anthracologiques témoignent d’un milieu diversifié. En effet, les essences identifiées proviennent d’espace ouvert (friches ou landes) ou de boisements de type futaie (hêtres, chênes). Les vestiges semblent correspondre à une occupation de durée moyenne. Le mobilier peu conséquent ne permet pas d’aborder les fonctions d’un tel site.
Bibliographie scientifique :
- Sassi 2015 : SASSI M., « Un établissement rural du second âge du Fer- Carrière Gouviard (Plénée-Jugon, Côtes d’Armor) », Bilan Scientifique Régional Bretagne 2015.
- Sassi 2016 : SASSI M., « Une nécropole du Campaniforme - un établissement rural du second âge du Fer - une occupation antique - Les Touches Projet RD59 (Plénée-Jugon, Côtes d’Armor) », Bilan Scientifique Régional Bretagne 2016.
- Blanchard, Dufournet, Leblé 2019
BLANCHARD A., DUFOURNET A. et LEBLE G. avec la collaboration de SASSI M. et POLINSKI A., « Un ensemble funéraire du Campaniforme / Bronze ancien : le site des « Touches » à Plénée-Jugon (Côtes d’Armor) », Bulletin de la Société Préhistorique Française, 20-2019, tome 116, 4, pp. 725-742.
Commune : Plénée-Jugon
Adresse/lieu-dit : Tracé RD59- Les Touches
Département/Canton : Côtes-d'Armor
Année de fouille : 2015
Période principale d'occupation : Néolithique,Age du Bronze,Age du Fer
Responsable d'opération : Mohamed SASSI
Aménageur : SAS Carrières de Gouviard
Raison de l'intervention : Aménagement de carrière
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)