Alzonne - Secteur Cayrol
Achevée au mois de mars 2019, la fouille préalable à la construction de la ZAE du Cayrol, à Alzonne, est intervenue à la suite d’un diagnostic réalisé par C. Da Costa (Da Costa 2017).
Une occupation sur le temps long au Néolithique
Sur les 6768 m² ouverts, le site témoigne d’une première structuration durant le Chasséen (fin du Ve – début du IVe millénaire), sous la forme de cinq fosses, dont une à pierres chauffées. Une seconde structuration néolithique intervient ensuite en période vérazienne (deuxième moitié du IVe millénaire), marquée, dans l’angle sud-est de l’emprise de fouille, par trois segments d’un ensemble fossoyé interrompu légèrement arqué, semble-t-il creusé pour l’édification d’une palissade, ce qui apparaît comme une originalité dans la région. Trois fosses se trouvent à proximité de l’enceinte, ainsi qu’une quatrième plus éloignée – peut-être un silo – dans l’espace qui semble être extérieur. Un deuxième ensemble fossoyé interrompu, abordé à travers quatre segments de dimensions plus importantes et qui semblent cette fois avoir fonctionné ouverts, traverse le site du nord au sud. Ce dernier est assurément néolithique, mais il ne peut être associé avec précisément à l’occupation chasséenne ou vérazienne. S’il devait être chasséen, hypothèse séduisante, quatre des cinq fosses se trouveraient alors dans l’espace enceint. Dans le cas contraire, l’occupation chasséenne apparaîtrait dispersée et l’occupation vérazienne plus complexe, peut-être sur un modèle de type « fossés interconnectés ». En l’état de la documentation, les deux options restent possibles au regard de ce que l’on connaît pour la région, mais la présence des ces deux ensembles fossoyés interrompus implique, quoi qu’il en soit, que la fouille n’a constitué qu’une petite fenêtre ouverte sur des sites néolithiques bien plus vastes.
Fouille d'un enclos gaulois
Outre l’attestation d’une fréquentation durant le Bronze final IIIa/b, à travers une unique fosse, le site ne livre ensuite plus aucun vestige jusqu’à La Tène finale qui voit l’édification d’un enclos fossoyé, objet de la prescription de fouille.
Après une première phase peu significative, marquée par un fossé et une fosse qui s’inscrivaient peut-être dans une trame parcellaire agricole, deux fossés d’un enclos probablement quadrangulaire, qui se développait hors emprise vers le nord et l’ouest, définissent une surface enclose minimale d’environ 3900 m². Malgré une fenêtre réduite sur un site là encore plus vaste, dont rien ne nous permet d’évaluer l’étendue totale, les résultats sont assez éloquents.
Quatre ensembles bâtis sur poteaux, tous incendiés, se développent selon un axe sud-ouest nord-est parallèle à l’un des fossés d’enclos. Les deux premiers correspondent à des greniers sur modules de quatre poteaux, de 7,30 et 7,50 m² de surface au sol, marqués par des ancrages de grandes dimensions. Le mieux préservé des deux a permis le piégeage des reliefs incendiés de son élévation, lors de l’arrachement des restes de poteaux calcinés. Plus de 15 000 graines brûlées, dont environ 11 600 d’orge vêtue, confirment la fonction de l’édifice. Plus inattendue, une grande quantité de fragments de terre crue brûlée, dont l’étude n’a pu être que partielle, permet d’envisager le recours à de minces cloisons de torchis ainsi qu’à un revêtement de sol en terre crue. Les deux derniers bâtiments sont accolés, en limite nord de l’emprise de fouille. Le premier correspond à deux alignements perpendiculaires de poteaux, tous caractérisés par l’emploi de dalles de support de poteau en calcaire déposées sur le fond du creusement, qui semblent s’articuler avec le second bâtiment dont seule l’extrémité sud se trouve dans l’emprise de fouille. La surface ainsi délimitée, 31,5 m², apparaît ouverte côté ouest. Au centre de cet espace, un silo à profil en bouteille intégralement conservé, vide au moment de l’incendie des bâtiments, a été comblé par un dépotoir post-incendie. Immédiatement au nord, le dernier bâtiment, abordé uniquement à travers deux ancrages de poteaux plus conséquents et distants d’environ 5 m, marque peut-être l’extrémité d’une unité d’habitation. C’est en effet dans l’axe de cet ensemble que l’on trouve l’unique zone de concentration de mobilier au sein des fossés d’enclos, ce qui signale généralement la proximité d’un secteur préférentiel de génération de déchets, ici à caractère domestique, et/ou la proximité d’une entrée de l’enclos (aucune n’a été reconnue sur l’emprise de fouille). Bien que les données soient très partielles, il est tentant de restituer au nord un bâtiment principal, peut-être une unité d’habitation, auquel était accolé une structure plus légère, sous la forme d’un appentis ou d’une clôture, destiné à abriter le silo.
Plus à l’ouest, un alignement de petites structures en creux, développé sur environ 34 m de longueur dans la même orientation que l’enclos mais malheureusement non daté, pourrait correspondre à un système de cloisonnement de l’espace interne, isolant le secteur bâti du reste de l’enclos. De l’autre côté de cette limite se trouvaient notamment un puits, au comblement monotone, ainsi qu’un trou de poteau isolé dont le comblement a livré un catillus complet de moulin rotatif manuel. Le trou de poteau pourrait, à titre d’hypothèse, participer de la mise en place de ce moulin. Enfin, deux fossés de mêmes orientations que les fossés d’enclos et situés à l’intérieur de l’espace enceint peuvent être interprétés de plusieurs manières. Leur distribution planimétrique peut évoquer un système de couloirs d’accès comme on en rencontre parfois sur des sites de même nature. Toutefois, et bien que le mobilier qu’ils ont livré se rapportent aux deux derniers siècles a.C., il n’est pas assuré que ces fossés soient synchrones des fossés d’enclos, et il pourrait tout aussi bien s’agir d’une trame parcellaire postérieure à l’occupation enclose.
L’occupation enclose apparaît inscrite dans la sphère agro-pastorale et principalement tournée vers la production agricole, ce que confirme la bonne représentation du mobilier de mouture. Rien dans le mobilier et la structuration ne constitue un indice de rang élevé ou intermédiaire et l’enclos du Cayrol apparaît plutôt, sur la surface décapée, comme une ferme élémentaire classique, plus proche de l’enclos de Béragne 2, à Trèbes (Rascalou 2014) que de celui de La Cavayère, à Carcassonne, qui livre des indices de statut plus élevé (Rascalou 2008).
Si la datation des couches, largement tributaire du mobilier amphorique, peut rarement être précisée au sein des IIe et Ier s. a.C., le faciès céramique global du site tend à définir une occupation très courte, ramassée sur la deuxième moitié du IIe s. a.C., qui prit peut-être fin avec l’incendie des bâtiments.
Bibliographie :
Da Costa 2017 : DA COSTA (C.) (dir.) – Alzonne, « secteur Cayrol », Rapport final d’opération de diagnostic archéologique, Inrap Méditerranée, novembre 2017, 84 p.
Rascalou 2008 : RASCALOU (P.) – Carcassonne (Aude), La Cavayère, Les Résidences du Lac (tranches 1 et 3), Fouille archéologique préventive, Nîmes : INRAP Méditerranée, 2008, 231 p.
Rascalou 2014 : RASCALOU (P.) – Aude (11), Trèbes, PRAE Paul Sabatier, Béragne 2 – Ferme à enclos républicaine. Un établissement rural à enclos fossoyé dans le Carcassès à la période tardo-républicaine (IIe s. – Ier s. av. J.-C.), Rapport final d’opération de fouille préventive, Montpellier, INRAP méd, 2014, 196 p.
Commune : Alzonne
Adresse/lieu-dit : Secteur Cayrol
Département/Canton : Aude
Année de fouille : 2018
Période principale d'occupation : Néolithique,Age du Fer
Responsable d'opération : Alexandre LEMAIRE
Aménageur : Carcassonne Agglo
Raison de l'intervention : Création d'une zone d'activités
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)