Bourges - Couvent de l'Annonciade
L'étude d'une charpente peinte du XVIe siècle
La charpente de l’Église de l’Annonciade à Bourges a fait l’objet, en 2017, d’une importante restauration de sa structure et de son décor peint. Ce projet ne concernait que la moitié est de l’ouvrage, situé au-dessus de la nef et de l’abside, qui fut particulièrement malmenée lors de réaménagements récents. Ces derniers ont consisté à l’installation, au début du XVIIIe siècle, d’un plafond dans l’emprise de la charpente d’origine entraînant la destruction complète de sa voûte lambrissée, l’ablation de ses entraits et de ses poinçons. La seconde moitié de la structure, installée au-dessus du chœur des religieuses et ostensiblement séparée par un mur, n’a pas subi de modifications particulières depuis sa construction au XVIe siècle et demeure globalement en bon état (ill. 4). Cette polarité visible au niveau de l’état de conservation entre les deux parties de la charpente n’est pas anecdotique, elle s’inscrit directement dans l’histoire de l’édifice. Elle reflète l’usage des espaces dédiés au culte, entre celui réservé aux moniales et celui dédié aux fidèles. Cette organisation spatiale, perceptible dès les premières assises des murs, s’observe en fin de compte jusqu’au faîte de la charpente. L’un des objectifs de cette étude archéologique était d’arriver à mieux faire connaître les spécificités de la charpente de l’église de l’Annonciade, avec ses similitudes et ses dissemblances, en tenant compte également de son décor peint.
L’intervention archéologique s’est ainsi inscrite directement dans le processus de conservation et de restauration de la charpente de la nef de l’Annonciade, mais elle intègre également, dans un souci de connaissance globale, le secteur de l’ouvrage situé en dehors de la zone de travaux.
Au XVIe siècle, l’église de l’Annonciade a été conçue à dessein avec deux espaces distincts, l’un à l’ouest réservé aux moniales et un second à l’est où se tenait l’office et l’accueil des fidèles. Cette répartition des volumes se lit dans l’architecture des murs de façon évidente et se poursuit, ainsi que le montre cette étude, jusqu’au faîte du toit. La charpente a, en effet, été réalisée à partir de chênes abattus en automne-hiver 1502-1503, ce qui suppose que l’église a été achevée quelques années avant la disparition de Jeanne de France (1464-1505) à l’origine de cette fondation religieuse. L’étude de cette charpente et sa datation apportent plusieurs éléments de réponse aux questions que soulevait sa structure encore méconnue et transformée au début du XVIIIe siècle. Ainsi, on est en mesure de dire aujourd’hui que la charpente de l’église relève d’un même programme architectural, malgré des différences de conception entre celle du toit du chœur des religieuses et celle de la nef. Ce traitement différencié est à mettre en lien avec l’organisation de l’espace ecclésial, selon qu’il accueille la communauté des religieuses ou celle des laïcs. Les fermes sont caractéristiques des ouvrages de cette période, comme celle du logis du château de Bannegon (Cher).
L’étude démontre aussi que le plancher, installé sur les entraits de la charpente située au-dessus de l’espace des moniales, forme un plafond lambrissé au-dessus du grand espace situé au second niveau de l’église. Quant à la charpente du comble des religieuses, elle n’a jamais été lambrissée en dépit des rainures aménagées à cet effet.
Le travail sur la charpente a été aussi l’occasion de retrouver les vestiges du campanile de plan hexagonal qui s’élançait au-dessus du toit. De même, l’étude des quelques restes de décors peints sur les fermes donne une idée plus sûre des couleurs employées pour orner la voûte de bois. Ce résultat a permis de venir en appui aux choix de restauration lors des travaux engagés sur cette charpente en 2017 et ainsi de retrouver la couleur de chaque pièce de charpente ainsi que celle des engoulants des entraits. En revanche, si l’on sait que les lambris étaient peints en rouge sombre, grâce aux débordements du pinceau sur les pièces encore en place, il est aujourd’hui impossible de dire si cette même couleur ornait toute la surface des lambris. Il ne s’agissait peut-être que d’un cadre enfermant d’autres motifs, d’autres couleurs. Les plus gros dommages causés sur cette voûte peinte remontent aux travaux du début du XVIIIe siècle.
À cette date, un plafond intermédiaire a été installé au pied des fermes de la charpente lambrissée. Sa mise en œuvre a causé la perte des entraits ornés d’engoulants, celle des poinçons à l’exception de ceux de la ferme la plus à l’ouest de la nef et sans doute l’arrachement de tous les lambris du XVIe siècle. Ces travaux ont été datés par dendrochronologie des années 1698-1701, période au cours de laquelle des chênes ont été abattus en prévision de la réalisation du plafond. La structure de celui-ci était recouverte d’un lattis plâtré, dont un élément de décor peint a été découvert pendant les travaux et le suivi archéologique. L’œuvre peinte sur ce plafond pourrait être attribuable à l’italien Giovanni Gherardini (1655-1723), mais des recherches dans les sources historiques donneraient la possibilité d’en apprendre davantage sur cette attribution.
Quelques images du site :
Commune : Bourges
Adresse/lieu-dit : Couvent de l'Annonciade
Département/Canton : Cher
Année de fouille : 2017
Période principale d'occupation : Moyen Âge
Autres périodes représentées : Période moderne
Responsable d'opération : Emilien BOUTICOURT
Aménageur : Conservation régionale des Monuments Historiques
Raison de l'intervention : Restauration/Réhabilitation d'un bâtiment historique
Type de chantier : Etude du bâti (Prestation)