Chessy - ZAC des Studios et du Congrès
Du mois de février au mois d’avril 2019, l’opération d’archéologie préventive réalisée sur le site de la ZAC des Studios et Congrès de Chessy a permis de mettre au jour, d’observer et de documenter plusieurs vestiges depuis l’âge du Bronze jusqu’au Moyen Âge. Ces découvertes, associées aux fouilles plus anciennes, permettent de préciser la connaissance de ce secteur.
Des indices d’une fréquentation du site durant la Préhistoire
Les périodes préhistoriques représentées sur le site ne proviennent pas d’une occupation, mais au mieux, d’une fréquentation du site. Les occupations tant paléolithiques que néolithiques se situent donc hors emprise. Compte tenu de la densité des vestiges, une occupation paléolithique pourrait se situer à proximité du sondage 1 du diagnostic. En ce qui concerne la période néolithique, les occupations peuvent se situer dans les secteurs 1 et 2 identifiés durant le diagnostic ou bien au lieu-dit le Bois des Livrains qui a livré un gisement de silex.
Phase 1 : Premiers témoins d’une occupation du site à la fin de l’âge du Bronze
Les premiers éléments tangibles d’une occupation du site proviennent de contextes datés de la fin de l’âge du Bronze. Un possible bâtiment a été identifié, le bâtiment BAT2009 composé de sept trous de poteaux. Il n’est pas possible de caractériser la fonction de celui-ci faute de mobilier suffisant et de niveau de sol conservé. Quelques fosses, également datées de l’âge du Bronze, sont situées à proximité de ce bâtiment. Le mobilier recueilli, quantitativement faible, ne permet pas non plus de statuer sur leurs fonctions. Seule la fosse FS2066 semble présenter un caractère détritique.
En l’état, il apparaît que cette occupation est en lien avec la mise en valeur du terroir environnant durant l’âge du Bronze final. Le bâtiment BAT2009 pouvant alors être perçu comme un bâtiment relais pour la culture du finage. L’établissement, dont dépend celui-ci se situe manifestement hors emprise. Enfin, un segment de fossé attribué lui aussi au Bronze final a été mis en évidence. Il constitue le premier marqueur d’une trame parcellaire sur le site.
Ces différentes traces d’une occupation anthropique durant l’âge du Bronze sont en adéquation avec l’état des connaissances en Seine-et-Marne. Ces vestiges constituent les premiers témoins d’une structuration du paysage, tant à l’échelle du site que de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée.
Phase 2 : Organisation et structuration de l’espace
La première organisation spatiale identifiée sur le site est intégrée à la phase 2. Cette phase est antérieure aux vestiges de la fin de l’antiquité mais postérieure à certains vestiges attribués à la protohistoire. La faiblesse quantitative, ou l’absence, de mobilier datant recueilli dans les comblements de ces structures ne nous permet pas de les rattacher à une période de la protohistoire ou au début de l’antiquité. Elles peuvent appartenir à l’une ou l’autre de ces périodes. Cette phase correspond tout de même à la mise en place d’un premier système parcellaire qui deviendra structurant à l’échelle du site durant la phase 3.
Ainsi, l’ensemble ENC2050 correspond à un système fossoyé traversant le site du sud-ouest vers le nord-est. Cet ensemble se compose de plusieurs fossés dont les fossés FO2050 = FO1202 = FO1239 ≈ FO1155 forment un vaste enclos parcellaire se développant hors de l’emprise au sud-ouest et à l’est et occupant le tiers sud du site. L’interruption visible et documentée entre les fossés FO1202 et FO1155 constitue probablement le ou l’un des points d’entrée au sein de la parcelle formée par ces fossés. Un autre fossé, non daté et non phasé, pourrait appartenir à cet ensemble. Il s’agit du fossé FO1160 qui présente une orientation similaire à celle du fossé FO1155. Ce fossé pourrait alors correspondre à une subdivision de l’enclos ENC2050.
Aucune structure ponctuelle, fosse ou trou de poteau, ne peut être rattachée à cet ensemble parcellaire. De plus, l’indigence du mobilier recueilli dans les fossés ne permet pas d’envisager une occupation de type habitat enclos. L’enclos ENC2050 semble donc devoir être interprété comme un marqueur physique dans le paysage d’une spatialisation parcellaire.
L’organisation générale de cette première trame parcellaire est confortée par la présence du fossé FO2052 = FO1241 dont l’orientation sud-ouest – nord-est est conforme à celle du fossé FO2050. Le parcours parallèle des fossés FO2050 = FO1239 et FO2052 = FO1239 pourrait être interprété comme un chemin dont les fossés feraient office de fossés bordiers. Notons toutefois que cette hypothèse demeure ténue compte tenu du faible écart entre les deux fossés. Cependant, l’hypothèse d’un chemin est appuyée par la présence du chemin creux VO2054 qui coupe partiellement les fossés FO2050 et FO2052. Ainsi, le chemin creux VO2054, situé dans le quart sud-ouest du site, reprend l’orientation générale (sud-ouest – nord-est) donnée par les fossés et enclos cités précédemment. L’interprétation de cette structure comme un possible chemin réside dans ses caractéristiques morphologiques. Le chemin VO2054 dis-pose d’un fond plat marqué par des irrégularités prenant la forme de creusements légèrement plus profonds, pouvant être interprétés comme des ornières. Enfin, la composition et la disposition du comblement peuvent s’apparenter à une chaussée empierrée, désagrégée durant son utilisation ou démantelée lors de son abandon. Cette structure pourrait correspondre à une forme de pérennisation de l’axe de circulation formé par les fossés FO2050 et FO2052.
Ces différents ensembles fossoyés constituent les premiers éléments tangibles d’une organisation spatiale du site. L’orientation de ces structures semble déterminer les implantations postérieures. Les différents vestiges fossoyés mis au jour témoignent d’une intensification des marqueurs anthropiques sur le paysage. Ils peuvent ainsi relever soit d’une volonté de différencier des parcelles agricoles en fonction des tenanciers, soit de subdiviser un espace parcellaire ou bien encore de différencier les différents modes de mise en valeur du terroir. Ces hypothèses ne s’excluant pas l’une l’autre. On assiste donc à une densification du réseau parcellaire subordonné à des unités d’habitat. Ces ensembles productifs accompagnant ou résultant de l’exploitation grandissante des terroirs.
Phase 3 : Densification et abandon de la trame parcellaire durant l’antiquité
Les vestiges reconnus sur le site Chessy et appartenant à la période antique sont datés entre le IIe et le IIIe siècle ap. J.-C. Certains éléments de mobilier céramique semblent pouvoir, mais de façon ponctuelle et avec précaution, repousser cette datation du Ier au IVe siècle ap. J.-C. Il faut garder à l’esprit que, à l’image des phases précédentes, le mobilier est quantitativement faible.
L’organisation générale de la trame parcellaire initiée durant la phase 2 est maintenue et densifiée pendant cette troisième phase. On observe la création de trois enclos distincts qui prennent place à l’est et au sud-ouest de l’emprise de fouille en reprenant l’orientation sud-ouest – nord-est des vestiges de la phase 2 et sud-est – nord-est de la partie ouest de l’enclos ENC2050 qui est abandonné au moment où est creusé l’enclos ENC1088. L’ENC1088 prend place dans la moitié sud-est tandis que l’enclos ENC1142 est créé directement au nord de ce dernier. Enfin, l’enclos ENC2048 prend place dans le quart sud-ouest du site.
La création de ces enclos, qui s’inscrivent partiellement dans l’emprise de fouille, répondent manifestement à une volonté de conserver l’orientation parcellaire précédemment mise en place. Les fossés FO1142 et la branche ouest de l’enclos ENC2048 adoptent l’orientation donnée par les fossés FO2050 et FO2052 tandis que les fossés FO1145, les branches nord des enclos ENC1088 et ENC2048 reprennent l’orientation fournie par les fossés FO1202 et FO1155. Seule la branche ouest de l’enclos ENC1088 rompt l’organisation générale en adoptant une orientation nord-sud. L’orientation parcellaire donnée par les structures fossoyées de la phase 2 est donc reprise de façon pérenne, et l’organisation spatiale qui en découle est maintenue et complexifiée. Les enclos semblent être abandonnés entre la fin du IIe s. ap. J.-C. et le courant du IIIe s. ap. J.-C.
Parallèlement à cette partition de l’espace, deux structures, le fossé FO2056 et la mare MA1003, tout en s’intégrant à l’organisation parcellaire générale, semblent compartimenter l’espace entre nord et sud, ou du moins, définir une limite supplémentaire à l’occupation au-delà de la limite formée par l’axe des fossés FO2048 et FO1142. L’aspect monumental du creusement de MA1003 trouve de nombreuse similarité avec des structures mises au jour dans le secteur de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée. Ces vastes structures, souvent interprétées comme des mares, sont essentiellement datées de l’antiquité même si certaines semblent être plus anciennes. Dans le cas de Chessy, il est difficile de savoir si le système fossoyé MA1003 – FO2056 a joué un rôle déterminant dans l’établissement des enclos ou bien si c’est l’inverse. L’absence de terminus post-quem ne nous permet pas de statuer sur une période de creusement. Néanmoins, l’abandon de cet ensemble se situe entre le début du IIIe et la fin du IVe ap. J.-C. Il a donc fonctionné de façon concomitante avec tout ou partie des enclos.
Le phénomène de densification de la trame parcellaire observé sur le site durant l’antiquité, est commun aux observations réalisées lors des fouilles sur le territoire de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée.
Phase 4 : Un cimetière de « plein champ »
La trame parcellaire mise en place durant la phase 2 a perduré jusqu’à la fin de l’antiquité. À partir des IIIe et IVe siècles, on observe à Marne-la-Vallée un abandon progressif des établissements antiques. La fin de l’antiquité marque donc une déprise sinon un recul de nombreux domaines cultivés. Les modalités de mise en culture et d’exploitation des terres ont évolué et les centres d’exploitations se sont déplacés pendant le haut Moyen Âge. Le changement de destination des exploitations ou, a minima, des modes d’exploitation est bien identifié sur le site. Passé le IVe siècle, on ne recense plus aucun vestige fossoyé trahissant une continuité ou bien une rupture de la trame parcellaire pré-existante. C’est bien en réalité une rupture dans l’exploitation des sols que révèle la phase 4.
Cette phase est représentée par quatorze sépultures renfermant 17 individus, dont quinze adultes et 2 immatures. Les tombes sont orientées selon deux axes principaux : ouest -est et nord – sud. Hormis l’orientation des sépultures, aucune organisation particulière n’a été mise en évidence. Deux de ces sépultures sont postérieures au fossé FO1142, donc elles postérieures à la fin du IIIe s. ap. J.-C. On note la superposition entre la sépulture SP1094 et SP1139 ainsi que la présence d’une réduction dans la sépulture SP9. Ces éléments nous permettent d’identifier au moins deux phases au sein de cet ensemble funéraire.
Si l’on tient compte de la proximité géographique entre le site du Bois de Paris et celui de la « Zac des Studios et des Congrès » et de la similarité des modes d’inhumations, il est possible que les sépultures mises au jour dans le cadre de cette opération d’archéologie appartiennent au haut Moyen Âge et soient liées à l’exploitation carolingienne.
L’ensemble funéraire découvert sur le site de la « Zac des Studios et des Congrès » présentent des caractéristiques propres aux groupes sépulcraux du haut Moyen Âge : sépultures situées à l’écart des lieux de cultes, orientations majoritaires des individus avec la tête à l’ouest ou encore la faiblesse quantitative du nombre d’inhumés.
Compte tenu de ces éléments, il est possible de proposer une datation de l’ensemble funéraire entre le IVe siècle et le IXe siècle. La fin du haut Moyen Âge voit un abandon progressif des inhumations isolées au profit de lieux d’inhumations possédant à la fois un lieu de culte et un espace funéraire consacré.
La phase 4 constitue l’épilogue des différentes occupations reconnues et datées du site de « Zac des Studios et des Congrès » à Chessy. Le terroir est évidemment occupé et travaillé, mais les actions humaines n’ont pas laissé de traces identifiables d’un point de vue archéologique avant la fin du XIXe siècle et l’entreprise de drainage de la plaine de Chessy.
Commune : Chessy
Adresse/lieu-dit : ZAC des Studios et du Congrès
Département/Canton : Seine-et-Marne
Année de fouille : 2019
Période principale d'occupation : Age du Bronze,Antiquité,Moyen Âge
Autres périodes représentées : Paléolithique,Néolithique
Responsable d'opération : Michaël GOURVENNEC
Aménageur : EPA France
Raison de l'intervention : Aménagement d'une ZAC
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)