Epagny-Metz-Tessy - Le Château
Rue des Lucioles : château du bas Moyen Âge et son pont en bois
Le site du Château se situe à environ 5 km au nord-ouest d’Annecy, dans la plaine d’Épagny au sein des anciens marais. Il est établi entre les altitudes de 452 à 456m NGF sur un substrat composé de dépôts paléolacustres surmontés de dépôts marécageux.
La fouille de 2880m² a permis de dégager le flanc oriental d’un château, une douve de 16m de large en moyenne et la structure d’un pont en bois. La topographie des vestiges du château a mis en exergue la surélévation artificielle d’au moins 1,70m de la plate-forme sur laquelle le château a été bâti. Les vestiges maçonnés comprenaient la courtine, une défense avancée en son centre et deux tours, situées chacune à un angle. Les tours présentaient deux architectures dissemblables : la première était de forme circulaire et débordait sur la courtine, alors que la seconde, quadrangulaire, se situait dans le prolongement de l’enceinte. En face de la défense avancée, les restes bien conservés d’un pont en bois comportaient trois piles encore debout, une partie de son tablier et de son parapet tous les deux effondrés. Les différents éléments de mobiliers recueillis et les analyses dendrochronologique et radiocarbone, permettent d’établir une chronologie du site entre la fin du XIIe et la fin du XVe siècle.
Le château a été implanté dans une zone isolée au milieu d’un marais. Ce milieu inhospitalier renforçait la place forte d’une défense naturelle. Le lieu de son implantation a été déterminant pour garantir le contrôle de la plaine et plus particulièrement la route d’Annecy au niveau de Seyssel et de Frangy, située à quelques centaines de mètres au sud du site.
Il s’agissait d’un fief seigneurial qui, en dehors des périodes de guerre, n’était vraisemblablement tenu que par un ou deux chevaliers. Plusieurs chaussures en cuir d’enfant dont une de bébé, découvertes sur le site, laissent supposer que ce(s) chevalier(s) vivai(en)t sur place avec leur(s) famille(s). La qualité des mobiliers mis au jour sur le site, notamment ceux en cuir et en verre, témoignent d’une vie aisée.
Trois périodes d’occupation du site ont été identifiées sur la zone fouillée.
La première occupation concernait les niveaux anthropiques antérieurs à la mise en œuvre des constructions maçonnées du château. Cependant, à cause de l’exiguïté de l’emprise de la fouille à l’intérieur de la bâtisse, il n’a pas été possible de déterminer si ces niveaux correspondaient à une ou plusieurs phases d’occupation antérieure à l’installation des maçonneries, ou à des résidus liés aux différentes étapes de travaux de la construction du château. Ces niveaux sont matérialisés par un niveau de circulation, un niveau d’incendie daté des années 1217 à 1282 et deux niveaux de remblais.
La seconde période d’occupation correspond à l’édification du château maçonné et aux aménagements qui lui étaient liés, ainsi qu’à son occupation. Elle se subdivise en trois états d’édification établis sur la base de la chronologie relative du château. Il s’agit en effet d’une construction dont le chantier comprend plusieurs campagnes de travaux dont les arrêts se lisent dans les éléments conservés.
L’état 1 correspond à la construction de la tour carrée en pierres de taille en tuf, dont l’espace interne était compris entre 25m² et 30m². L’intérieur de la tour a conservé un des rares niveaux d’occupation identifiés sur le site, composé d’un radier en galets liés au mortier, recouvert d’une chape de mortier lissé et d’une dalle de calcaire de 85cm de long. L’édification de cette tour date d’avant la construction de la courtine et de la tour ronde (état 2, phases 1 et 3, cf. Infra) qui sont elles-mêmes antérieures à l’année 1268, date à laquelle a débuté celle du pont (état 2, phase 4, cf. Infra). Quelques bois d’architecture découverts sur le site, issus des arbres dont l’abattage se situe entre les années 1198 et 1235, pourraient constituer un indice chronologique de l’état 1.
L’état 2 est constitué de quatre phases de construction. En premier lieu, la fondation en galets de la courtine a été érigée sur 15,90 m de long environ. Ensuite, cette fondation a été remblayée avec les sédiments issus du creusement de la douve. Dans une troisième phase de chantier ont été construits la tour ronde en galets avec un possible habillage de pierres de taille en tuf, de 7m de diamètre, ainsi que le mur de jonction entre cette dernière et la courtine, portant la longueur de celle-ci à 20m. Enfin, dans une quatrième phase de chantier, une défense avancée, de 3m de large sur 6,80m de long pour une surface interne de 20,50m² environ et un pont en bois ont été aménagés. Le pont est divisé en quatre travées de longueurs inégales (2,45m, 3,55m et 4,90m), reposant sur trois piles en bois et sur deux culées maçonnées, situées de part et d’autre de la douve. Ce pont, dont le système d’assise est constitué de piles posées à même le sol par l’intermédiaire d’une sablière basse, contraste avec les rares exemples français, y compris iconographiques, mais se rapproche de nombreux ponts qui ont été découverts dans les douves des châteaux anglais. Par ailleurs, la restitution réalisée à partir des données archéologiques, révèle la présence d’un pont-levis à balancier. L’espace enclos, mais sans toiture, de la défense avancée, servirait en réalité à l’installation d’un système de grand portique destiné à supporter les balanciers du pont-levis.
La donnée la plus tangible pour la datation de cet état 2 est la date établie par l’analyse dendrochronologique de la construction du pont en bois (phase 4) qui débute en 1268. La phase 1 n’a pas pu débuter avant l’année 1217, qui correspond au terminus post quem de l’incendie sur les résidus de laquelle a été édifiée la courtine. Les aménagements qui se réfèrent aux phases 1 à 3 ont donc été exécutés au plus tôt en 1217, mais avant 1268, alors que ceux de la phase 4 ont commencé précisément en 1268.
L’état 3 concerne les aménagements liés à la gestion de la douve et la réfection du pont en bois. Ce dernier reprend le schéma structurel originel, puisqu’il s’intègre dans les éléments préexistants qui sont les sablières restées en place. Sur 522 pièces de bois dégagées lors de la fouille, 478 sont considérées comme des composantes du pont, dont la presque totalité correspond à cet état. Elles appartiennent à des éléments des piles (poteaux), du tablier (éléments porteurs horizontaux, planches et parapets) et éventuellement à la toiture (couverture en bardeaux). Du point de vue de la mise en œuvre (mode d’exécution, taille des pièces et essences utilisées), cet état présente un assemblage hétéroclite, voire incompatible avec ses besoins architectoniques. Sa dernière mise œuvre importante peut être datée de la toute fin du XIVe siècle ou du début du XVe siècle. Quant à son terminus ante quem, il peut être estimé à l’année 1458 au moins, par la datation d’une planche, accréditant l’hypothèse que le pont était encore en cours d’utilisation à cette période. Durant cet état 3, les comblements médians de la douve témoignent d’un raccordement à un système alluvial, dont deux aménagements, un fossé et une petite construction sur solins, auraient pu y contribuer.
La dernière période de fréquentation du site concerne l’occupation in situ après l’abandon du château, qui s’est vraisemblablement produit, selon les sources écrites, au plus tard au début du XVIIe siècle. Cet abandon est matérialisé par les couches de destruction du château présentes dans la douve, son colmatage ultime et enfin la spoliation de certains des murs du château. Dans les ouvrages les plus récents se trouvent quelques fosses, fossés et drains, ainsi qu’une fouille sauvage entreprise dans les années 50 du XXe siècle.
Revue de presse :
Bibliographie scientifique :
Commune : Epagny-Metz-Tessy
Adresse/lieu-dit : Le Château
Département/Canton : Haute-Savoie
Année de fouille : 2018
Période principale d'occupation : Moyen Âge
Autres périodes représentées : Période moderne
Responsable d'opération : Agata POIROT
Aménageur : Edifim promotion immobilière
Raison de l'intervention : Création de logements
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)
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