Jaunay-Clan - Bourg Calin
Dans le cadre de l’aménagement de la Zone d’Aménagement Concerté des Grands Champs, un diagnostic en deux phases a été effectué par l’INRAP sur une superficie de 57,6 ha en 2009 (N. Connet) et 2010 (G. Pouponnot). Sur les six opérations d’archéologie préventive prescrites à l’issue du diagnostic, couvrant les périodes allant du Néolithique au Moyen Âge, trois ont été réalisées en 2010 et 2011. Celle réalisée par Archeodunum sur le site de Bourg Calin était donc la quatrième fouille. Prescrite sur une emprise de 9860 m² le long de la rue Étienne Moreau au nord-est près du bourg de Jaunay, elle a mis en évidence une occupation rurale médiévale comprise entre les Xe et XIIe siècles.
Les vestiges d’occupation gallo romains se limitent à un fossé parcellaire perpendiculaire à ceux mis en évidence dans le chantier de La Viaube 1 en 2010 (G. Lavoix), de l’autre côté de la rue Étienne Moreau. Les autres structures d’occupation, à savoir la quasi totalité, sont médiévales.
L’étude documentaire a permis d’établir que le territoire de Jaunay dépendait des comtes de Poitiers entre la fin du Xe siècle et la fin du XIIe siècle. Le domaine reste entre les mains des Plantagenets qui en font don à l’abbaye angevine de Fontevraud à la toute fin du XIIe siècle.
272 structures ont été fouillées sur les 558 reconnues à l’issue de la phase de fouille. Elles sont regroupées en ensembles formant une bande d’environ 25 m de large le long de la voie allant de Jaunay à Beaumont (rue Étienne Moreau). Cette organisation atteste l’ancienneté de cet axe de communication et sa permanence jusqu’à aujourd’hui. L’occupation se prolonge le long de ce même axe vers le nord et le sud, en dehors de l’emprise de fouille.
Mis à part la base d’un bâtiment en pierre, un muret parcellaire et quelques zones de combustion, l’écrasante majorité des vestiges correspond à des structures fossoyées.
Les silos constituent une aire d’ensilage dans la bande où se concentre l’essentiel de l’occupation. Ils se répartissent inégalement et forment six regroupements avec au centre, dans l’environnement proche du bâtiment, une zone de plus forte concentration. Au total, une soixantaine de silos ont été attestés parmi les structures fouillées. Les structures seulement nettoyées en surface permettent d’envisager une centaine d’individus, voire davantage. D’une façon générale, les silos étaient assez bien conservés avec encore parfois le col et plus rarement des vestiges du système d’obturation. Un des quatre silos non comblés contenait la dalle de pierre participant à sa fermeture, ainsi que des traces d’outils sur les parois. La forme des silos était principale- ment piriforme, plus rarement tronconique ou globulaire. Les dimensions étaient généralement assez modestes mesurant entre 1 m et 1,30 m de diamètre, quelques rares exemples montraient de plus gros volumes, entre 1,50 m et 1,90 m de diamètre. Dans la majorité des cas, leurs comblements se caractérisaient par un remblaiement rapide au moment de l’abandon. Ces comblements, résultant d’une action intentionnelle, provenaient vraisemblablement du creusement d’un nouveau silo à proximité.
Ces silos sont associés à des trous de poteaux et peuvent aussi être creusés au fond de vastes fosses. Selon toute vraisemblance les poteaux participent à un système pour couvrir les principales aires d’ensilage. Les vastes fosses asymétriques n’ont pas apporté d’élément de réponse satisfaisant quant à leur fonction, peut-être s’agissait-il de fosses de travail pour préparer le grain avant d’être stocké ? La proximité parfois de zones de combustion, probablement pour griller le grain, abondent dans ce sens.
Au centre de la fouille, les restes d’un bâtiment à vocation agricole ont été relevés. Seule la base de sa partie méridionale était préservée (6,80 x 6,15 m conservés), composée de plaquettes calcaires pour des murs ou des solins. Ce bâtiment contenait plusieurs zones de combustion sommairement aménagées, probablement pour le grillage, et une vaste fosse centrale pour le stockage ou pour travailler le grain. La chronologie relative démontre que l’espace était occupé avant son installation par quelques silos. Puis d’autres silos ont été aménagés pendant son occupation ou après. Enfin, une fois le bâtiment abandonné, l’espace a été réutilisé pour creuser plusieurs puits.
Deux fonds de cabane ont été fouillés, dont un montre des solins en pierre sur un de ses côtés. Comme le bâtiment précédemment décrit, il est recoupé par des structures qui lui sont postérieures, à savoir ici deux tranchées à ciel ouvert.
Huit galeries ont été relevées au total. Elles sont creusées dans le limon, dont la friabilité a conduit à l’effondrement des parois au point de créer des fontis importants. Trois d’entre elles étaient relativement bien préservées. Elles ne conduisaient à aucune salle, les propriétés du limon ne le permettant pas. En outre, elles sont étroites (0,80 m au plus large), de faible hauteur (1,20 à 1,50 m) et tortueuses. Le fond de ces galeries se terminait par un front de taille à fond plat, surcreusé au centre d’un trou cylindrique de 0,30 à 0,40 m de diamètre et 0,80 à 1,25 m de profondeur. Ces trous débouchaient soit sur le fond de silos, sur une autre galerie ou alors ils formaient la partie terminale de l’excavation. L’interprétation la plus plausible, serait d’être en présence de trous pour tester le sous-sol dans l’intention de poursuivre le creusement.
La fonction de ces galeries n’est pas claire, mais elle serait probablement à rapprocher de celle des structures profondes, ayant servi à exploiter le limon. Tel est le cas des fosses imposantes, au nombre de sept, qui présentent des parois verticales et un épaulement sur un côté. Une dizaine d’autres structures profondes se présentent sous la forme de puits, plus ou moins étroits, avec traces d’encrage de poutres dans les parois. Enfin, moins profondes mais caractéristiques d’une exploitation, trois tranchées à ciel ouvert ont été avérées. Toutes ces structures sont profondes, atteignant jusqu’à 4,50 m de profondeur, mais elles s’arrêtent au niveau du limon et aucune ne pénètre dans la couche d’argile située en-dessous. Cela traduit une volonté d’extraire le limon pour l’exploiter. Il est intéressant de noter que toutes ont été comblées intentionnellement et rapidement avec des apports de matières stériles provenant du creusement d’autres structures voisines. Dans le cas des galeries, le colmatage s’étant fait depuis les entrées, les parties les plus profondes ne sont que partiellement comblées ou effondrées.
Les rapports stratigraphiques et notamment les recoupements de structure au niveau du bâtiment, ainsi qu’à d’autres endroits de la fouille, démontrent que le site fut occupé durant une période minimum séculaire. Cependant, les deux types d’occupation, stockage des réserves de grain et exploitation du sous sol pour le limon, étaient concomitants: les silos succédèrent aux structures d’extraction et inversement selon les zones d’occupation.
L’opération de Bourg Calin enrichit les connaissances sur l’occupation rurale des terrasses alluviales du Clain pour le Moyen Âge classique. Elle complète les données collectées sur le chantier de La Viaube 1. Si les aires d’ensilage commencent à être pourvues d’une riche documentation dans la région, entre autres grâce aux données collectées par les opérations de fouille préventives, en revanche aucune autre fouille n’a permis de mettre en lumière sa concomitance avec une exploitation du sous-sol. Dans le contexte d’extraction du limon, les structures montrent des morphologies variées parmi lesquelles une typologie a été mise en évidence : galeries, puits, grande fosse à épaulement, tranchée à ciel ouvert. Elles s’adaptent au contexte friable et instable du matériau recherché, à l’instar des galeries étroites, tortueuses, qui ne débouchent sur aucune salle. Ce type de site est à ranger dans la catégorie des « exploitations de carrières », mais ce cas ci renseigne sur un matériau de nature différente et dont l’extraction à cette échelle était jusqu’alors inconnue. Les propriétés du limon permettent d’envisager plusieurs raisons à son exploitation, les plus plausibles seraient son utilisation comme matériau de construction (torchis, enduit, etc.) ou alors pour renouveler la fertilité des sols et donc pour l’exploitation agricole (lœss).
Revue de presse :
- Centre Presse (Vienne) 2012, " Jaunay Clan, Les tarifs de l'eau restent stables ", Centre Presse (Vienne), p.16 (09/02/2012)
Bibliographie scientifique :
- Lasnier 2012 : LASNIER T, « Jaunay-Clan – Bourg Calin (Vienne) », Bilan Scientifique Régional Poitou-Charentes 2012, pp. 200-203.
Commune : Jaunay-Clan
Adresse/lieu-dit : Bourg Calin
Département/Canton : Vienne
Année de fouille : 2012
Période principale d'occupation : Moyen Âge
Autres périodes représentées : Antiquité,Période moderne
Responsable d'opération : Thibaut LASNIER
Aménageur : Commune de Jaunay-Clan
Raison de l'intervention : Aménagement de ZA ou ZI
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)