Lausanne - Parc de la Brouette
Liée à la modification d’une partie du projet de mise en souterrain d’un tronçon de la ligne ferroviaire du LEB, cette intervention fait suite à celle réalisée en 2017. L’opération de cette année a abouti à la découverte de 75 sépultures supplémentaires réparties en deux secteurs séparés par une allée large d’environ 4,50 m. Elle permet ainsi d’enrichir nos connaissances sur les pratiques funéraires de la 1ère moitié du 19e s., mais aussi sur la gestion du cimetière de Saint-Laurent, rattaché à l’église et au quartier du même nom. Connu par les plans cadastraux et les archives, cet espace funéraire n’a été utilisé que de manière brève, entre 1832 et 1841, avec une seule phase d’inhumation. La fermeture du cimetière intervient donc moins de 10 ans après sa mise en fonction, vraisemblablement dictée par l’emploi de toute la surface de 6800 m2 environ. La présence permanente d’eau dans le terrain a peut-être aussi joué un rôle dans cette décision.
Dans les deux zones explorées, l’organisation des sépultures est identique. Les cercueils ont été disposés bout à bout dans des tranchées longitudinales, creusées en suivant la déclivité naturelle du terrain (entre 11 et 15%), selon un axe nord-est/sud-ouest, et distantes de 60 à 100 cm. Bien que des raisons démographique, sanitaire ou encore pragmatique aient déjà été évoquées, le recours à ce système, préféré à celui habituel de fosses individuelles, reste largement inexpliqué.
Les défunts ont été inhumés dans des cercueils en bois cloués, dont l’état de conservation est généralement très bon. La caisse est de forme rectangulaire, trapézoïdale ou anthropomorphe (base hexagonale), associée indifféremment à un couvercle plat ou à pans inclinés (deux ou quatre, plus rarement trois). Outre l’utilisation de clous et de crochets, différents types d’assemblage ont pu être mis en évidence : chevilles, rainure et languette, tenon et mortaise. Des couches plus ou moins épaisses de végétaux – herbes sèches, feuilles – garnissent le fond et parfois les parois de certains contenants, attestant la présence de capitonnage, natte ou coussin. Le mobilier accompagnant les défunts est rare et comprend essentiellement des objets liés à l’habillement : agrafes, boutons, chaussures.
Comme en 2017, la population inhumée appartient aux deux sexes et à toutes les classes d’âge. Quelques particularités similaires ont également pu être mise en évidence. En effet, une proportion inhabituellement élevée d’individus montre des manipulations post-mortem, comme la dissection ou l’autopsie. Celles-ci se traduisent par des ouvertures ou sectionnements de différentes parties du corps, des démembrements, des dispositions saugrenues ou encore le prélèvement de certaines portions. On peut encore signaler le cas d’un cercueil contenant, en plus du défunt en position primaire, les restes d’au moins trois autres sujets.
Ces pratiques interrogent bien entendu sur la composition de la population inhumée et l’éventuelle relation privilégiée du cimetière avec un hôpital. Elles dévoilent assurément un pan de l’histoire de la médecine à Lausanne et peut-être bien des balbutiements de son enseignement, alors que la faculté et l’école de médecine n’existent pas encore.
Ce site, singulier par bien des aspects, suscite de nombreuses interrogations, auxquelles la consultation des archives permettra sans nul doute d’apporter des éléments de réponses.
Quelques images du site :
Commune : Lausanne
Adresse/lieu-dit : Parc de la Brouette
Département/Canton : Vaud
Année de fouille : 2022
Période principale d'occupation : Période moderne
Responsable d'opération : Sophie THORIMBERT
Aménageur : Particulier
Raison de l'intervention : Projet de mise en souterrain d'une partie de la ligne ferroviaire LEB
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)