Saint-Germain-la-Blanche-Herbe - Abbaye d'Ardennes
L'abbaye prémontrée d'Ardenne - Moyen Âge / époque moderne
Fouille du carré claustral et des abords
L’abbaye prémontrée d’Ardenne se trouve à 4 km au nord-ouest du centre de Caen, dans la commune de Saint-Germain-la-Blanche Herbe. Elle est construite dans une région de plaine (71 m NGF) qui ceinture et surplombe l’agglomération caennaise. Au départ, le site dépendant du diocèse de Bayeux, est pourvu d’une chapelle dont la gestion est confiée au chanoine Gilbert. Quelques années plus tard, le sanctuaire est agrandi et rattaché à l’abbaye de la Lucerne pour devenir un prieuré prémontré. Il faut attendre 1156 pour qu’il soit élevé au rang d’abbaye et intègre par conséquent le réseau des huit autres abbayes prémontrées du duché de Normandie. Même si l’abbaye a souffert des destructions post-révolutionnaires et de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux bâtiments sont conservés et retracent les différents programmes architecturaux que les religieux ont initiés depuis leur installation au milieu du XIIe siècle. L’abbatiale du XIIIe siècle a été transformée pour l’Imec en bibliothèque tandis que l’aile ouest du XVIIIe siècle, dont il reste seulement la partie sud, sert maintenant de réfectoire. Ce sont les seuls bâtiments conservés du carré claustral avec, dans la basse-cour, des porteries, une grange et d’autres bâtiments à vocation économique dont les constructions s’étalent du XIIIe au XVIIIe siècle.
Depuis les années 1980, l’abbaye d’Ardenne est un enjeu patrimonial pour les élus locaux, au point que la Région Normandie décide d’en devenir propriétaire pour en faire un site culturel. Depuis cette période, le complexe monastique a suscité de nombreuses campagnes archéologiques, comprenant : des fouilles programmées d’érudits – encadrés par le laboratoire du Craham –, et des fouilles préventives au préalable de l’aménagement de l’Imec durant la décennie des années 2000, toutes se trouvant dans le secteur du carré claustral. Aujourd’hui, la structure a besoin de s’agrandir et la Région Normandie, propriétaire de l’abbaye, a souhaité, en accord avec la DRAC Normandie, de récolter les informations indispensables à l’élaboration d’un concours d’architecte. Dans un premier temps une vaste étude documentaire a été commandée en 2018 qui consistait à examiner l’ensemble des sources d’archives relatives aux bâtiments monastiques et analyser tous les rapports de fouilles menées à différents endroits dans l’enclos entre 1980 et 2002. À partir de cette riche documentation, l’histoire architecturale de l’abbaye a pu être en grande partie restituée depuis le milieu du XIIe siècle jusqu’aux restauration/reconstruction après la Seconde Guerre mondiale.
Les plans restitués durant cette étude représentent un état de la recherche et comportent encore des zones d’ombre. C’est pourquoi, une campagne de sondages archéologiques a été enclenchée en 2020. Le cahier des charges scientifique réalisé par la DRAC (SRA en lien étroit avec la CRMH) préconisait d’ouvrir des sondages à différents endroits du carré claustral et qui, pour la plupart, n’ont encore jamais été fouillés. Le principal objectif de cette opération archéologique était de mieux identifier le dernier état de l’abbaye à la fin du XVIIIe siècle, tout en précisant la nature et l’état de conservation des différents vestiges enfouis.
Sur l’ensemble du carré claustral, sept sondages ont été ouverts pour une superficie globale de 725 m² avec des profondeurs d’investigation atteignant par endroit 3,80 m sans jamais percer des niveaux d’occupation. Les résultats sont très concluants et permettent d’affiner l’histoire architecturale de l’abbaye sur le temps long. Pour la période médiévale, nous avons pu préciser l’organisation de l’aile occidentale ainsi que la galerie du cloître qui la longeait. Nous avons pu établir un état sanitaire de la salle capitulaire qui a été fouillée dans les années 1980 et laissée à l’air libre une petite vingtaine d’année. Les vestiges sont par conséquent très mal conservés. Immédiatement à l’est de cette salle, une nouvelle zone funéraire comportant un minimum de huit individus a été découverte, dont une tombe se trouvant sous la fondation de la salle capitulaire. Enfin, d’autres maçonneries médiévales du carré claustral ont été retrouvées, lesquelles affinent la restitution de l’espace conventuel pour cette période.
Nous avons également précisé, en partie, le plan du nouveau dortoir construit au XVIIe siècle dans le prolongement de la salle capitulaire. L’édifice en forme de « L » mesure 11,60 m de large hors-œuvre, avec un corps de bâtiment de 5,60 m de large et un péristyle de 3,70 m de large. La seule longueur valable aujourd’hui est celle déterminée par les sources textuelles, soit un débattement de 53 m de long sur l’axe SO-NE. L’architecture du bâtiment est assez légère et se compose d’un enchaînement de piles de fondation rectangulaires, reliées les unes aux autres par des petites maçonneries. Cette conception avec un report de charge exclusivement sur les piles de fondations indique une architecture sur arcades ; les sources textuelles et iconographiques corroborent cette organisation.
Enfin, au XVIIIe siècle, le carré claustral est intégralement détruit, hormis l’abbatiale. La nouvelle abbaye est alors construite sur un plan différent du premier état, et le seul endroit commun est la partie nord-ouest du cloître ; l’aile occidentale et la galerie du cloître sont construites sur la même emprise que leurs homologues antérieures. Ce programme se fait par étape, sans mettre à terre en une seule fois les anciens bâtiments, mais le chantier s’interrompt à la Révolution française avec une aile orientale qui n’a jamais été achevée. Le plan général de l’abbaye est documenté par des sources textuelles et iconographiques, dont un précieux plan de Georges Bouet du XIXe siècle, ainsi que certains vestiges découverts par Michel Vico dans les années 1980. Les vestiges retrouvés durant notre opération archéologique modifient relativement peu les propositions de restitution de l’abbaye construite au XVIIIe siècle, hormis l’aile occidentale qui diffère de ce qu’avait représenté Georges Bouet. Enfin, la répartition interne des pièces a pu être révélée pour certaines ailes comme celle du réfectoire ou encore l’aile orientale édifiée sur une cave.
Quelques images du site :
Commune : Saint-Germain-la-Blanche-Herbe
Adresse/lieu-dit : Abbaye d'Ardennes
Département/Canton : Calvados
Année de fouille : 2020
Période principale d'occupation : Moyen Âge,Période moderne,Epoque contemporaine
Responsable d'opération : Jean-Baptiste VINCENT
Aménageur : Région Normandie
Raison de l'intervention : Fouille préalable à un concours d'architecte
Type de chantier : Sédimentaire/Etude du bâti (Prestation)