Saint-Vulbas - Rue des Claires fontaines A725
Une agglomération secondaire antique à Saint-Vulbas
La fouille prescrite se situe dans la partie nord de la commune. Ce secteur, dit du « Grand-champs » , est localisé en rive droite du Rhône, à environ 300m du fleuve. Cette opération a été menée conjointement à la fouille de la parcelle A726 voisine (Prioux, 2014) ; elle s’inscrit par ailleurs dans les mêmes problématiques scientifiques que l’opération réalisée en 2011 dans le cadre de l’extension du foyer d’accueil médicalisé de la commune de Saint-Vulbas (Latour-Argant , 2013). les vestiges mis au jour sur ces trois emprises révèlent l’existence d’un vaste site occupé dès l’âge du bronze ancien et de manière plus ou moins continue depuis la Tène finale jusqu’à l’Antiquité tardive.
Le substrat rencontré sur l’ensemble de la parcelle A725 correspond à la terrasse fluviatile du Rhône, sur laquelle des colluvions anciennes stériles viennent combler les irrégularités, aplanissant la topographie locale. C’est dans ces sédiments que les premières traces d’occupation du site ont été observées, datées de la fin de l’âge du Bronze ancien. Cette occupation de l’âge du bronze n’est représentée que par quelques structures en creux sporadiques. Deux horizons stratigraphiques, par ailleurs, identifiables à de possibles niveaux de circulation, renvoient à cette même période. leur datation, qui repose sur la base de quelques tessons de céramique, semble distinguer deux horizons : une fréquentation dès le Bronze ancien/Bronze moyen, puis une occupation des lieux à la fin du Bronze moyen/début du Bronze final. Comme l’occupation antérieure, l’occupation laténienne se présente sous une forme très erratique, soit que les structures ont été arasées au fil du temps par les phénomènes de colluvionnement ou les états de constructions postérieurs, soit qu’elles n’aient pas pu être rattachées à cette phase précise de l’occupation du site. De fait, seuls une fosse et un trou de poteau ont été datés de manière large de la fin du second âge du Fer (à partir de la Tène D1).
Les vestiges datés de l’époque augustéenne (état 3a) constituent les traces lacunaires d’une occupation dont il est là encore difficile de cerner la nature exacte. Ils se présentent sous la forme de structures en creux éparses et d’un niveau de circulation ou de colluvions. L’interprétation de ce dernier niveau reste difficile en l’absence d’aménagements connexes susceptibles de venir éclairer sa nature. Il est possible, en l’état, de proposer à titre uniquement hypothétique qu’il puisse s’agir d’un espace de voirie. Ces vestiges, qui ne permettent pas d’établir un plan d’occupation cohérent, sont associés à un réseau composé de quatre fossés, dont le comblement au moins semble également devoir être rattaché à cet état augustéen, et dont la vocation semble indéniablement liée à l’évacuation des eaux.
L’état 3b-c, daté entre 15 et 70 apr. J.-C. et qui succède directement à l’état augustéen, constitue le premier ensemble d’aménagements cohérents et lisibles en plan, tant du point de vue spatial que fonctionnel. la partie orientale de la parcelle est occupée par un vaste niveau de radier englobant le réseau constitué par les quatre fossés attribués à l’état antérieur. Composé pour l’essentiel de galets, ce radier qui présente une densité variable a vraisemblablement été mis en place pour pallier l’humidité de cette partie du terrain située légèrement en pente par rapport à la partie occidentale de l’emprise. Tandis que la zone centrale semble correspondre à un espace de cour, parsemé de quelques structures en creux éparses, la partie occidentale de la fouille a révélé la présence d’un premier bâtiment sur solins de pierres de 16 m de long pour 5 m de large, d’orientation nord-sud. Ce bâtiment est associé à un ensemble de structures et de niveaux de circulations, localisés aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de cet espace, et qui identifient cet espace comme un atelier de potier. Le corps principal du bâtiment est composé de solins non maçonnés, constitués de blocs calcaires équarris. Cette construction se découpe en deux nefs, de largeur sensiblement équivalente, elles-mêmes subdivisées en quatre travées, elles aussi de largeurs équivalentes. l’état de conservation des solins, inégal, est sans doute en partie imputable aux reprises et réfections successives qui affectent le bâtiment dès l’état suivant (état 3d), durant lequel une partie d’entre eux est recouverte notamment par des structures maçonnées. la présence de trou de poteau et de blocs calcaires de forme régulière et plate, disposés dans les solins au niveau des angles mais aussi au niveau de la partie médiane des pièces indique que les solins étaient reliés à des structures porteuses en bois. À l’intérieur des pièces, mais aussi à l’extérieur du bâtiment, une série de structures liées à une activité de production de céramique ont été mises en évidence : four, fosse de tournage, puits, fosse dépotoir et possibles structures de trempage, de séchage et espaces de traitement de l’argile. le four est construit entre 50 et 70 apr. J.-C., comme en témoignent la stratigraphie, mais également le dépôt de fondation particulier découvert à la base de la structure, composé de deux récipients entiers et de deux lampes à volutes et médaillon décoré. Ces éléments, ainsi que le mobilier céramique extrait du four et de la fosse de travail, mais aussi de la fosse dépotoir F643, livrent un faisceau d’indices plaidant en faveur d’une installation du four vers 50 apr. J.-C. Son utilisation perdure durant la seconde moitié du Ier siècle et l’arrêt du four a amené au comblement des fosses durant le dernier tiers du Ier ou le tout début du IIe siècle apr. J.-C.
Les vestiges rattachés à l’état suivant (état 3d, derniers tiers du Ier s. apr. J.-C. – début du IIe s. apr. J.-C.) correspondent, pour l’essentiel, à une phase de réfection ou de consolidation du bâtiment sur solins antérieur avec notamment la reprise de trois murs sous une forme maçonnée et l’implantation de poteaux massifs à la jonction des murs, qui viennent recouper les solins de l’état antérieur. le bâtiment est également bordé, à l’est par une série de dix trous de poteau qui forment un alignement de 16 m de long, situé à l’est à 3,5 m de la façade. Il est peu aisé, en regard du plan, de déterminer si cet alignement constitue un aménagement de type portique, ou s’il marque une clôture extérieure. la consolidation sous une forme maçonnée de certains des solins et l’ajout de poteaux massifs dans la façade pourraient répondre à une extension du bâtiment en direction de l’ouest. Il est certain en revanche que la plupart des espaces définis lors de l’état antérieur perdurent au moins jusqu’au début du IIe s. apr. J.-C. Outre les rehaussements des niveaux de sols, de nouveaux aménagements liés à l’activité de production de céramique sont mis en place : une probable structure destinée au séchage, ainsi que deux amphores hispaniques, installées dans des fosses, en guise de récipients destinés soit au trempage, soit au stockage. Entre la fin du Ier et le début du IIe s. apr. J.-C., le four de potier est colmaté et abandonné, à l’instar sans doute du reste de l’atelier.
L’état 3e (IIe s. apr. J.-C.) est peu tangible en termes de construction. Il semble marquer une pérennisation de l’état de construction antérieur, mais la clôture du four de potier qui intervient sans doute à la fin de l’état 3d indique que le bâtiment est dévolu à d’autres activités, qui n’ont pas été identifiées faute de structures particulières clairement rattachées à cet état. Seuls trois solins non maçonnés viennent marquer, au sud-est l’extension du bâtiment, au niveau de l’espace correspondant, pour l’état 3b-c, à l’emplacement du four de potier F605, construits sur un niveau de remblais qui recouvre ce dernier.
Les réaménagements du IIIe s. apr. J.-C. (3 état f) sont peu nombreux et attestent sans doute de l’état lacunaire du plan qui nous est parvenu pour cette période. un imposant foyer encadré de quatre trous de poteau et dont la vocation, artisanale ou domestique, n’est pas établie, vient s’appuyer contre le mur transversal qui marque la partie nord du bâtiment. En dehors de cette seule structure conservée et d’une canalisation, l’étude des mobiliers indique également que de nombreux espaces de circulation, en particulier aux abords du bâtiment, semblent également rechapés à cette période. l’ultime état de l’occupation antique du site (état 3g, IVe s. apr. J.-C.) n’est lui aussi tangible que sous une forme très lacunaire, qui semble néanmoins indiquer la présence des aménagements les plus récents à l’ouest, en dehors de l’emprise, sous la route actuelle. Seuls un niveau de sol et un niveau de démolition ont été rattachés à cet état, tous deux situés en limite ouest de l’emprise.
L’assemblage des trois plans relevés depuis 2011 apporte un éclairage nouveau quant à la question jusqu’à présente débattue de l’identification, durant l’Antiquité, de Saint-Vulbas en tant qu’agglomération secondaire. Il montre l’absence de constructions unitaires matérialisées par un mur enclos et un système de pavillons alignés. Il met au contraire en évidence la présence d’unités architecturales distinctes, avec des techniques de constructions distinctes, séparées par des systèmes de murs d’enclos, de palissade ou de fossés en plusieurs unités. les orientations divergentes des bâtiments ne semblent pas tant liées aux états de constructions auxquelles elles se rattachent qu’aux inflexions du tracé de la voie le long de laquelle elles s’alignent. Cet axe, partiellement dégagé sur l’emprise fouillée en 2011, est nettement visible sur les clichés aériens en direction du nord. Les unités qui se dégagent du plan présentent une forme linéaire qui renvoie à une configuration bien connue dans un certain nombre agglomérations secondaires non seulement en contexte régional (ludna-Saint-George-de-Reneins, Annecy-boutae), mais aussi supra régional (Beaune la Rollande, lousonna- Vidy). Sur l’ensemble de ces agglomérations comme sans doute à Saint-Vulbas, les unités se caractérisent de la même manière. un corps de bâtiment est implanté en bordure de voie, généralement dédié à des activités artisanales diverses (métallurgie, poterie) parfois associé à des espaces de vie (habitat, espaces culinaires) et prolongé à l’arrière par une vaste cour longiligne, correspondant soit à un espace de jardin planté (vignoble, cultures potagères) et parfois occupé par des structures légères (pergola, appentis), soit à un espace de cour pour les activités artisanales. Ces propriétés individuelles à plan longiligne (langhaüser ou Streifenhaüser) peuvent être considérées comme caractéristiques d’agglomérations secondaires de type vicus. Dans le cas présent, l’hypothèse d’une agglomération secondaire est corroborée par de nombreux éléments, des plans aux activités artisanales omniprésentes, mises en relief au sein des différents espaces et bien attestée sur les agglomérations de bord de voie comme à Annecy-boutae ou à AosteCommune : Saint-Vulbas
Adresse/lieu-dit : Rue des Claires fontaines A725
Département/Canton : Ain
Année de fouille : 2013
Période principale d'occupation : Antiquité
Autres périodes représentées : Age du Bronze
Responsable d'opération : Audrey PRANYIES
Aménageur : Particulier
Raison de l'intervention : Construction de logements/projet immobilier
Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)