Dans le village de Sainte-Eulalie, la ferme de Clastre, avec sa couverture en genêts, est représentative de l’architecture vernaculaire du plateau ardéchois. Sa fonction agricole a perduré jusque dans les années 1970, puis elle a fait l’objet d’un classement au titre des Monuments Historiques en 1984. Dans les années 1990, ce bâtiment a été étudié par l’ethnologue Michel Carlat, qui fit réaliser de nombreuses datations dendrochronologiques. Une étude d’archéologie programmée (sondages archéologiques, étude du bâti et étude d’archives) a été menée de 2014 à 2016 sous la direction de Pierre-Yves Laffont. Dans le cadre de la restauration du bâtiment pour un aménagement muséographique, une prescription de fouille archéologique préventive a été prescrite en 2020. À cette occasion, l’ensemble des élévations intérieures et une partie des élévations extérieures ont été étudiées. Le sous-sol du bâtiment a été fouillé, tandis que le creusement de tranchées d’installation de drains a fait l’objet d’un suivi de travaux.

L’étude des détails des éléments bâtis, l’analyse des structures enfouies mises au jour dans le bâtiment et à l’extérieur et la mise en perspective des résultats ont permis de dégager les étapes de construction et de reconstruction de la ferme de Clastre. Grâce aux diverses études réalisées sur cet ensemble architectural, nous sommes aujourd’hui en mesure de proposer une chronologie relative des chantiers de cet édifice aux multiples facettes. Cette chronologie peut être précisée grâce aux dates d’abattage obtenues sur les bois des planchers et charpentes lors des études antérieures et à l’analyse du mobilier céramique. L’étude archéologique de la ferme de Clastre a mis en évidence cinq états de construction de périodes différentes et qui donnent la physionomie de la ferme telle qu’on la connait aujourd’hui. Le premier état correspond à une occupation médiévale, antérieure à la construction de la ferme de Clastre et appréhendé uniquement par le biais de mobilier archéologique issu de fosses et de trous de poteaux. À cette occupation médiévale très faiblement éclairée par l’étude archéologique de 2020-2022, succède la construction d’une grange, en lien avec la maison claustrale dans la seconde moitié du XVI^e siècle. Les indices de ce premier bâtiment ont été reconnus dans les parements des murs est, sud et nord, ainsi que dans les poutres du plancher de la grange. De profondes transformations ont affecté le bâtiment dans un troisième état, daté XVIII^e siècle, avec notamment la reconstruction complète de la charpente et du plancher de la grange et la construction d’un logis à l’ouest. Ces mutations ont été circonscrites grâce à l’analyse des indices archéologiques observés sur les parements des murs sud, ouest et nord, ainsi que sur les bois de la charpente et du plancher et les vestiges enfouis. La fonction d’étable est attestée, notamment par la présence d’une canalisation qui traverse le rez-de-chaussée et permettait d’évacuer les déjections animales vers l’extérieur du bâtiment. Dans un quatrième état, l’agencement du complexe logis / grange a été transformé dès la première moitié du XIX^e siècle par la construction d’un cave voûtée au nord-ouest, puis par la reconstruction du logis en 1864. Ces transformations ont été identifiée par la lecture des indices archéologiques sur les parements du mur sud et des murs de refend. Par ailleurs, les sources écrites nous apprennent que l’église voisine fut reconstruite au même emplacement en 1856, mais selon un axe nord/sud et que la maison claustrale, abandonnée depuis 1828, fut détruite à partir de 1867. Enfin, durant un cinquième état, au XX^e siècle, la ferme de Clastre a évolué, notamment avec la reconstruction partielle du pignon est et l’extension du logis vers l’ouest.