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Valence - Mauboule. Le Champ du Pont


Le site de Valence – Mauboule / Le champ du Pont, fouillé sur près de 2 ha, entre octobre et décembre 2008 par une équipe d’Archeodunum, prend place dans la plaine alluviale du Rhône au sud de la ville et en face du site de Soyons. Il a révélé plusieurs phases d’occupation et d’exploitation dont la principale se situe au cours de l’Antiquité.

Une première phase correspond à une occupation de berges d’un chenal du Rhône, dont ne subsiste que les zones de dépotoirs. Cette occupation se concentre au nord de la zone fouillée et a été essentiellement traitée lors d’une opération précédente (Hénon et al. 2003). La présence de nombreux nodules de terre cuite dans ce secteur laisse supposer la proximité des zones d’habitat. Le mobilier, abondant, permet de situer cette première occupation à la transition entre l’âge du Bronze et le premier âge du Fer, au VIIIe siècle avant notre ère. Repérés lors du diagnostic et à l’occasion de notre fouille, d’autres secteurs semblent avoir été exploités. Ils correspondent à des microreliefs de la plaine alluviale, dus au modelé du substrat graveleux. L’état de conservation de ce mobilier épars fait penser à un amendement agricole.

Dès la période augustéenne, aux alentours du changement d’ère, une importante exploitation à caractère agricole s’implante dans le secteur, d’ores et déjà drainé par un important fossé est-ouest localisé au sud de l’emprise et se développant probablement sur toute la largeur de la plaine de Mauboule. Ce fossé, comblé rapidement, laisse la place à un autre réseau de fossés plus petits orientés selon le cadastre B de Valence. Un ensemble de bâtiments prend place dans ce cadre, suivant plus ou moins la même orientation, voire même adoptant la cadastration A de la colonie. La reprise récente de la documentation originale permet de situer la fondation de celle-ci sous César ou Octave, entre 46 et 36 avant notre ère, hypothèse confirmée par les fouilles récente de la rue d’Arménie (Archeodunum, 2008). La cadastration mise en évidence dès les années 1950, s’étend sur toute la plaine sur une vingtaine de kilomètres d’est en ouest et d’une cinquantaine de kilomètres du nord au sud, englobant toute la plaine de Valence et la basse vallée de la Drôme. Sa mise en valeur est attestée par la découverte de quelques villae et divers habitats ruraux, au demeurant peu nombreux pour la période augustéenne (Royet 2006).

Quelques indices, comme la présence d’éléments de costume militaire (fibules d’Aucissa, attache de baudrier, applique et pendant), mais aussi l’utilisation du pied drusien dans l’aménagement d’un jardin, pourraient suggérer que le propriétaire des parcelles ait été un vétéran installé ici dans le cadre de cette mise en valeur du territoire colonial de Valentia.

L’architecture des différents bâtiments du site fait intervenir une fondation de galets de fort diamètre (décimétrique au moins), avec un premier niveau disposé en fond de tranchée, sur deux rangées dont l’intervalle se trouve comblé par des modules plus faibles et parfois des fragments de tuiles ou d’amphore. Le niveau suivant est constitué d’autres galets pris dans un bain de mortier beige à sable grossier, plus exceptionnellement par des blocs de roches métamorphiques importés de la rive droite du Rhône. L’élévation n’est pas connue, mais fait probablement intervenir la terre et le bois. Les nombreuses dépressions entourant les différentes unités de constructions semblent en tout cas étayer cette hypothèse. Quant à savoir, s’il s’agit de pisé ou de torchis et pan de bois, différents indices suggèrent que ces différentes techniques étaient probablement utilisées conjointement.

Un bâtiment en L s’installe au centre de la zone, développant une surface au sol d’au moins 130 m2, et ouvert à l’est sur une cour gravillonnée. Celle-ci est fermée en façade par un muret équipé d’un portail et au nord par un petit hangar déconnecté du corps principal et venant parfaire l’aspect symétrique de cet habitat. L’aile sud, s’appuyant sur le corps principal mais néanmoins construite au cours de la même phase, est recoupée en son milieu par un petit caniveau dont le déversoir traverse le mur de façade sud. A l’opposé, la fondation nord de cette aile présente une robustesse plus importante que celle des autres murs, en lien probablement avec une élévation plus importante ou l’accueil de superstructures lourdes. Au devant du bâtiment un ensemble de calages de poteaux et d’aménagements divers évoquent fortement l’existence d’une pergola, et de plantations visant à embellir les abords de l’habitat.

En définitive, l’ensemble de ces aménagements amènent à penser ce bâtiment comme la maison d’habitation principale du site, celle du « maître des lieux ». La présence d’un as de Nîmes dans la cour vient confirmer la datation augustéenne de la mise en valeur de ce terrain par l’implantation d’une ferme.

Pour l’exploitation du terroir, et dès l’origine, deux bâtiments d’exploitation sont construits, au nord (bâtiment E) et au sud (bâtiment C) de la maison principale. Leur plan est identique et leurs dimensions très proches : un corps de 13 m par 5 m est devancé par une galerie de façade orientée, large de 3 m. Un muret protège partiellement cette entrée à quelques distances. Ces bâtiments sont dotés d’un étage, suggérant soit la coexistence d’un habitat et de zones de stockage, soit de fenils au-dessus d’écuries. Toutefois, l’importance prise par la cage d’escalier, notamment sur la façade sud du bâtiment E, permet de pencher plutôt pour la première hypothèse.

Différents autres aménagements gravitent autour de ces deux satellites. Immédiatement autour des bâtiments, on observe des constructions annexes, évoquant des cabanons ou des locaux pour les animaux, des hangars ouverts, peut-être une aire de battage,… Quelques radiers composés de galets et de fragments de tuiles, par la présence de négatifs circulaires, suggèrent la présence de mobilier ou de structures en bois posées à l’extérieur des bâtiments. Situé dans la plaine alluviale du Rhône, sur un terrain limoneux, cet habitat est également marqué par le souci constant de drainer l’eau autour des bâtiments. Cela se traduit par des drains partant des murs, ainsi que des fossés.

Plus exceptionnellement, on est tenté de voir dans un aménagement cruciforme au nord du bâtiment C, la présence d’un lieu de culte domestique dédié à une divinité familiale représentée par une effigie en bois plantée en terre et protégée par un petit toit sur le modèle d’une chapelle de la villa de Richebourg dans les Yvelines.

Les indices manquent pour qualifier la nature de l’activité agricole. La présence de très nombreux fragments de meules très usées, tant metae que catilli, fournit un indice en lien avec la production de farine dans le cadre familial. De même, les quelques objets métalliques renvoient essentiellement à un artisanat domestique. Dans le bâtiment B, deux petits calages de poteaux pourraient correspondre à l’implantation d’un possible métier à tisser vertical.

D’autres structures sont encore moins facilement identifiables. On est tenté de voir dans la plupart des fosses peu profondes mais riches en galets et tessons de tuiles, des chablis de plantation d’arbres destinés à drainer les racines de ces derniers dans une terre peu perméable. Divers alignements de calages suggèrent des palissades. Enfin, les quelques murets plus ou moins isolés des secteurs H, I et J, n’ont pas vraiment d’explication. Il peut tout aussi bien s’agir de cabanes destinées à abriter les outils, ou de murs de culture, ou de toute autre construction indéterminée. La vacuité des espaces situés entre les bâtiments A et E et au sud du premier indique, par défaut, la probable présence dans ces zones de terres cultivées.

Cette ferme, établie probablement par un vétéran dès l’époque augustéenne, que l’on pourrait qualifier de petite exploitation agricole à vocation vivrière, semble être abandonnée au début du IIIe siècle, au moment même où l’on observe dans certains quartier de la colonie proche de Valentia, une nouvelle phase d’urbanisation. Les dépressions formées par la prise de matériaux se trouvent en tout cas définitivement comblées à cette époque, de même que les fossés. Le bâtiment principal semble même être délaissé plus précocement, dans le courant du IIe siècle. La présence de petit monnayage du IVe siècle, auprès des bâtiments C et E, évoque, quant à elle, une période de récupération des matériaux dans les ruines de l’exploitation.

Bibliographie scientifique :

  • GILLES A., Vivre et produire dans les campagnes de la colonie de Valence (IIe av. - VIe s. apr. J.-C.), Autun : éd. Mergoil, coll. Archéologie et Histoire Romaine ; 34, 2016, 683 p.

  • MAZA G., avec la collab. de BATIGNE C, BRUN C, ARGANT T., Faciès valentinois du Ier siècle de notre ère. Le cas de la ferme coloniale de Mauboule (Drôme). in : SFECAG, Actes du congrès de Lyon, 24-27 septembre 2020, Marseille, SFECAG, 2020, 317-330.


Quelques images du site :




Commune : Valence

Adresse/lieu-dit : Mauboule. Le Champ du Pont

Département/Canton : Drôme

Année de fouille : 2008

Période principale d'occupation : Antiquité

Autres périodes représentées : Age du Bronze,Age du Fer

Responsable d'opération : Thierry ARGANT

Aménageur : Leroy-Merlin

Raison de l'intervention : Aménagement d'un bâtiment commercial

Type de chantier : Sédimentaire (Fouille préventive)