Vienne - Cathédrale Saint-Maurice
La seconde phase du chantier de restauration du massif occidental de la cathédrale de Vienne a donné lieu à une opération d'archéologie du bâti menée entre 2021 et 2022. L'emprise de cette intervention comprend le parement occidental du portail nord de la façade de la cathédrale et l'ensemble des élévations du portail sud et de la tour sud. L’intervention concerne un édifice étudié depuis le XIXe siècle, et s’inscrit plus récemment dans le cadre des chantiers de restaurations que connaît ce dernier au XXIe siècle. Ceux-ci ont tantôt fait l'objet d'accompagnement archéologique (côté nord de la cathédrale, travées 5 à 13), tantôt non (niveaux supérieurs de la tour nord, travées 1 à 4 côté nord). Cette situation crée une discontinuité dans la documentation scientifique entre les élévations concernées par cette étude et celles des études antérieures.
La cathédrale Saint-Maurice constitue le chœur d’un groupe épiscopal attesté au plus tard au Ve siècle. L'édifice actuel conserve en partie les élévations de la cathédrale romane du XIIe siècle. La partie concernée par l'étude correspond quant à elle à l'aboutissement des chantiers gothiques qui transforment la cathédrale et l’agrandissent à partir de la première moitié du XIIIe siècle sous l’archevêque Jean Bernin. Fermant quatre travées ajoutées à l'ouest de l’édifice du XIIe siècle, le massif occidental constitue l’aboutissement du chantier de la cathédrale et se termine au début du XVIe siècle.
La phase la plus ancienne correspond au sous-bassement du massif occidental et des premières travées du côté sud. Les mentions de chapelles dans les sources permettent de dater cette construction de la première moitié du XIVe siècle. Elle se caractérise par le remploi systématique de calcaire (choin) issu des monuments antiques viennois et réalise un plan à l'échelle 1:1 de la construction à venir, avec un hiatus de plusieurs décennies, voir un siècle pour certaines parties, entre le soubassement et l’élévation.
Les premiers chantiers faisant suite aux soubassements ont été identifiés dans le mur sud de la cathédrale et au niveau du portail sud. Ils s’inscrivent dans la seconde moitié du XIVe siècle. Dans le premier, on identifie une succession de chantiers progressant de façon régulière depuis l'est vers l'ouest, au fur et à mesure de l’élévation des nouvelles travées gothiques. Les chantiers successifs sont marqués par des harpes d’attentes et par le découpage des éléments architecturaux, baies notamment, sur plusieurs chantiers. Le portail sud est quant à lui érigé jusqu’à hauteur de sa rose dans les dernières décennies du siècle. Ce chantier est particulièrement intéressant pour le montage de son programme sculpté, avec l’emploi de nombreux éléments rapportés articulé de chevilles en bois.
Le portail sud est érigé au siècle suivant. Son antériorité au portail central avancée par l’historiographie est remise en cause par les observations de terrain qui semblent inscrire les deux portails dans le même chantier, qui seraient ainsi daté de la seconde moitié du XVe siècle. Ces chantiers emploient des calcaires fins et tendres pour les sculptures et une molasse orange pour les parements. La sculpture de ce portail est particulièrement fine, et présente de nombreux indices sur son érection (marques de stéréotomie, réparations contemporaines du chantier, etc.). À l’exception d’un aplat sur un contrefort, aucun des portails n’a livré de traces de polychromie médiévale. Un énigmatique mouchetage rouge tardif est toutefois présent de façon indifférencié sur l’ensemble des parties inférieures de la façade.
La fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle voient la construction du reste de l’élévation sud comprenant la partie supérieure du portail et la tour. Ces chantiers sont relativement homogènes, dans leurs matériaux (molasse majoritairement) et leur mise en œuvre. Le garde-corps coiffant le premier niveau se distingue par l’emploi d’un système de cheville en fer lié au plomb pour le solidariser à son support. La construction nécessite la dépose d’une partie du mur érigé précédemment pour fermer le comble de la première travée côté sud, indice d’un possible changement de projet. Le clair étage de la seconde travée semble quant à elle construit en même temps que la tour. La fin du XVe siècle voit également le percement d’un accès et la construction d’une chapelle au sud de la tour.
Enfin les phases les plus récentes observées par l'archéologie du bâti correspondent aux chantiers de restauration qu'a connu la cathédrale à la période contemporaine. Ceux-ci sont particulièrement massifs en raison de la forte dégradation des parements en molasse et des destructions occasionnées par un incendie au milieu du XIXe siècle. Plusieurs chantiers sont ainsi identifiés sur la façade, alternant dépose d’éléments et reconstruction. Leur discrimination se base plus volontiers sur les sources documentaires que sur l'observation archéologique du bâti, chaque chantier de restauration ayant eu à cœur d'uniformiser les parements concernés (usage d’une même pierre, rejointoiement).
Cette opération d'archéologie du bâti vient compléter nos connaissances sur les étapes les plus tardives du chantier gothique de Saint-Maurice de Vienne, qui sont amenées à être complété par l’étude à venir du portail central. L'opération apporte également quelques éléments sur l'occupation médiévale et moderne du terrain situé au sud de la cathédrale à l'époque médiévale, comprenant le cimetière des pauvres ainsi que deux chapelles dont les traces sont identifiables dans les parements du mur sud. Il permet également une mise en perspective de cet édifice avec d’autres constructions de la fin du Moyen Âge comme les cathédrales de Nantes, Lyon ou Lausanne, mais plus encore avec l’abbatiale de Saint-Antoine l’Abbaye dont le projet architectural comme le programme sculpté présentent de nombreux parallèles avec Saint-Maurice de Vienne.
Quelques images du site :
Commune : Vienne
Adresse/lieu-dit : Cathédrale Saint-Maurice
Département/Canton : Isère
Année de fouille : 2021
Période principale d'occupation : Moyen Âge,Période moderne
Responsable d'opération : Quentin ROCHET
Aménageur : Ville de Vienne
Raison de l'intervention : Restauration de l'édifice
Type de chantier : Etude du bâti (Fouille préventive)