Archives de catégorie : chantiers

Des archéologues à l’assaut de Guérande

Des archéologues à l’assaut de Guérande

Des remparts exceptionnels

Guérande est l’une des rares villes bretonnes, avec Concarneau, Dinan et Saint-Malo, à avoir conservé l’intégralité de son enceinte urbaine. Cette fortification a pris sa forme définitive au 15e siècle, mais certaines parties pourraient dater du 13e siècle.

Elle servait à protéger les habitants en cas d’attaque tout en ayant un rôle politique, économique et symbolique. Les conflits étaient nombreux, comme la guerre de succession de Bretagne au 14e siècle, ou les guerres de religions au 16e siècle.

L’enceinte est longue de 1 250 m. Actuellement, elle se compose de six tours, de quatre portes monumentales et d’une poterne. Le tout est relié par des murs imposants, munis d’un chemin de ronde.

Vue aérienne de l'enceinte urbaine et de la porte de Saillé
Vue aérienne de l'enceinte urbaine et de la porte de Saillé
Plan de l’enceinte urbaine de Guérande (BOESWILLWALD - 1878)
Plan de l’enceinte urbaine de Guérande (BOESWILLWALD - 1878)

Enrichir les connaissances grâce à l’archéologie

Guérande, Ville d’art et d’histoire, soucieuse de conserver ce patrimoine architectural qui fait sa renommée, a lancé depuis quelques années un vaste programme de restauration de ses monuments historiques. La Direction Régionale des Affaires Culturelles a demandé que des archéologues accompagnent ces travaux pour étudier l’ensemble des maçonneries et procéder à des fouilles lorsque des terrassements sont prévus. Les études compléteront celles menées depuis 2016 à d’autres endroits de la ville pour retracer, à terme, l’histoire architecturale de l’enceinte urbaine de Guérande.

Travaux en cours sur les remparts
Travaux en cours sur les remparts
Déambulation sur les échafaudages
Déambulation sur les échafaudages
Relevé en cours
Relevé en cours

Les missions des archéologues

Les archéologues, sous la direction de Jean-Baptiste Vincent ont pour missions de déterminer les phases chronologiques (notamment les origines) et les modalités d’accès au sommet des remparts. Ils vont également étudier les dispositifs défensifs (archères, bouches à feu), pour analyser l’évolution de la fortification en lien avec celle des armements (développement de l’artillerie à partir du 15e siècle).

La tranche de travaux en cours porte sur deux secteurs : au nord de la ville, une longueur d’environ 100 mètres de la Porte Vannetaise, traditionnellement qualifiée comme étant la porte la plus ancienne de l’enceinte, à la Tour de Kerbenet ; et au sud, la Porte de Saillé et un tronçon d’environ 75 mètres à l’est de la porte.

Nuage de points photogrammétrique
Nuage de points photogrammétrique
Relevé de l'élévation extérieure par photogrammétrie de l'enceinte urbaine de Guérande
Relevé de l'élévation extérieure par photogrammétrie de l'enceinte urbaine de Guérande

Une multiplicité d’approches

Pour obtenir les relevés nécessaires à l’étude architecturale, les archéologues recourent à des méthodes numériques. Grâce à des méthodes recourant au laser et à la photographie, avec l’assistance d’un drone, on obtient des documents de haute précision.

Ce sont ensuite toutes les composantes de la construction qui sont passées en revue : les matériaux et leur mise en œuvre, les programmes techniques, les recouvrements successifs des enduits, les charpentes, les sols. Ces données sont confrontées aux archives historiques, afin de retracer, autant que faire se peut, l’histoire architecturale des constructions.

Qu’est-ce que l’archéologie du bâti ?

Des mégalithes préhistoriques à l’architecture contemporaine, des milliers de constructions sont les témoins de notre histoire. Elles conservent les traces de celles et ceux qui les ont édifiées, habitées, transformées.

L’archéologie du bâti est une discipline de l’archéologie qui étudie les élévations des édifices. Elle consiste à « lire les murs » afin de retrouver les phases de travail, les traces de reprise ou de transformation. Elle cherche également à comprendre les chantiers de construction. Cette connaissance scientifique est indispensable pour accompagner la conservation et la mise en valeur du patrimoine bâti.

Reportage de France TV réalisé à l’occasion de ces travaux de restauration

Opération d’archéologie préventive de mars 2021 au printemps 2022 en accompagnement de la restauration des remparts.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie des Pays de la Loire.

Maîtrise d’ouvrage : Mairie de Guérande

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jean-Baptiste Vincent)

Plouharnel-fouille du Plasker

Plouharnel, le Plasker : fenêtre ouverte sur le Néolithique

Plouharnel, le Plasker : Fenêtre ouverte sur le Néolithique

C’est en automne 2020 qu’une équipe d’Archeodunum a procédé à une fouille archéologique sur la commune de Plouharnel (Morbihan). Cette opération, prescrite par le Service Régional de l’Archéologie de Bretagne, était motivée par l’extension du parc d’activités du « Plasker » commandée par la communauté de communes d’Auray Quiberon Terre-Atlantique. Conformément aux attentes, divers vestiges vieux de plusieurs millénaires ont été découverts : cairn, menhirs et foyers.

Au cœur du Morbihan néolithique

Le site est localisé à l’entrée nord de la commune de Plouharnel, sur le littoral sud du Morbihan. Le contexte archéologique est riche, avec de nombreux sites mégalithiques datés du Néolithique, dont les célèbres alignements de Carnac situés à 3 km au sud-est.
L’opération s’est déroulée entre octobre et décembre 2020, sur une surface de 7 100 m². L’équipe, sous la direction d’Audrey Blanchard, a exploré des vestiges de plusieurs natures. Tous appartiennent au Néolithique (du 6e au 3e millénaire av. J.-C.), sans qu’on puisse pour l’instant connaître leur répartition durant cette longue période.

La fouille et son environnement.
La fouille et son environnement.
Plan général des vestiges sur vue aérienne (fond © Google Earth)
Plan général des vestiges sur vue aérienne (fond © Google Earth)

Une tombe monumentale

La fouille a tout d’abord révélé un site à vocation funéraire (au sud-ouest), conservé sur à peine 15 cm d’épaisseur. Il s’agit d’un cairn (masse de pierres couvrant une sépulture) de forme subcirculaire et de 5 mètres de diamètre. Cette architecture de pierre était délimitée par des blocs verticaux fichés dans un petit fossé périphérique. Au centre, un coffre funéraire quadrangulaire était aménagé pour recueillir le ou les défunts. Hélas, comme il est très arasé, aucun vestige mobilier ou osseux n’a été retrouvé ! L’ensemble était recouvert de petits moellons de granite. Tout autour, des pierres (dressées ou couchées), des empierrements et de possibles calages de menhirs devaient contribuer à renforcer son aspect monumental

Le cairn : forme générale et négatif du coffre central.
Le cairn : forme générale et négatif du coffre central.
Fouille du cairn.
Fouille du cairn.

Vingt-huit foyers à pierres chauffées bien conservés

Audrey et son équipe ont découvert pas moins de vingt-huit structures de combustion. Ces foyers sont installés dans des fosses creusées dans le sol. Ils sont tapissés d’une couche charbonneuse et remplis de nombreuses pierres rougies par la chaleur. Leur fonction demeure pour l’heure énigmatique : cuire des aliments pour des repas collectifs ? ou fournir de l’éclairage ? Nos archéologues comptent sur des analyses pour obtenir des éléments de réponse.
Ces foyers s’organisent en différents ensembles (dont deux batteries de quatre) et se répartissent sur toute la moitié orientale de la zone de fouille. Bien que situés loin des habitations, ces aménagements sont fréquents sur les sites de cette époque, notamment en association avec des mégalithes.

Une ligne de menhirs ?

Dernier élément remarquable, trois grandes fosses s’organisent selon un alignement nord/sud. De forme circulaire, d’un diamètre d’environ 2 mètres, ces fosses sont remplies de blocs pouvant dépasser les 40 kg. On pense que ces structures ont pu accueillir de grandes stèles (menhirs), aujourd’hui disparues.
Les pierres dressées devaient être de dimensions importantes. Elles ont probablement été réutilisées pour la construction de monuments mégalithiques (dolmens notamment). Ce phénomène est fréquent et ces réemplois sont constatés dès le Néolithique, ainsi que l’illustre par exemple le site de La Table des Marchands à Locmariaquer.

Fouille des foyers(cliché J.-N. Guyodo).
Fouille des foyers (cliché J.-N. Guyodo).
Batterie de foyers.
Batterie de foyers.
Fosse contenant les pierres de calage d’un menhir.
Fosse contenant les pierres de calage d’un menhir.

Et après ?

La Communauté de communes a désormais récupéré son terrain et poursuit son aménagement. Côté archéologie, nos experts vont étudier l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.). Des analyses par le radiocarbone permettront d’affiner la datation de tous ces aménagements. Tous les résultats seront rassemblés dans un rapport de fouille abondamment documenté, qui permettra de mieux comprendre la longue histoire de Plouharnel et de sa région.

Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2020 sur la commune de Plouharnel (Morbihan), en préalable à l’extension du parc d’activités du Plasker

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bretagne.

Maîtrise d’ouvrage : Communauté de communes Auray Quiberon Terre-Atlantique

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Audrey Blanchard)

Chambery-musee-savoisien

Chambéry : Du couvent franciscain au Musée savoisien

Du couvent franciscain au Musée savoisien : premières découvertes d’une fouille médiévale à Chambéry

Le Musée Savoisien, musée départemental d’histoire et des cultures de la Savoie à Chambéry est installé dans l’ancien couvent des cordeliers, un ensemble classé aux Monuments Historiques accolé à la Cathédrale Saint-François-de-Sales de Chambéry. Il fait actuellement l’objet d’un ambitieux projet de rénovation porté par le département de la Savoie. Dans le cadre de ce chantier, le Service Régional de l’Archéologie a prescrit une opération d’archéologie préventive, concernant une partie du bâti et le sous-sol de plusieurs bâtiments du Musée. Cette opération a été menée pendant plusieurs mois en deux grandes phases, de 2018 à 2020, par une équipe Archeodunum sous la direction de Quentin Rochet.

Huit cents ans d’histoire chambérienne

Le couvent de Chambéry appartient à l’ordre des frères mineurs (franciscains) fondé par Saint François d’Assises (†1226), et plus tard à sa branche conventuelle. Il est construit à l’extérieur de la ville à une date difficile à préciser dans la première moitié du XIIIe siècle, avant sa première attestation en 1253. La ville, devenue capitale de la Savoie, l’englobe dans son extension et sa nouvelle enceinte urbaine dès la fin du siècle suivant. La première église conventuelle, attestée dès 1282, est remplacée au XVe siècle par une église plus imposante, l’actuelle Cathédrale Saint-François de Sales, dont le chantier principal s’étend sur près d’un siècle.

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, d’importants travaux remanient profondément les bâtiments conventuels pour leur donner leur configuration actuelle autour du grand cloître bien connu des Chambériens.  À la fin du XVIIIe siècle, la ville devient enfin siège d’évêché – le décanat de Savoie participait jusque-là de l’évêché de Grenoble – mais la place manque pour y installer cathédrale et palais épiscopal. Le choix se porte vers le seul ensemble urbain à même d’accueillir le nouvel évêché : le couvent des franciscains. Ceux-ci sont expropriés en 1777 et vont s’installer dans l’ancien couvent des Jésuites. Avec une interruption durant la période révolutionnaire, l’évêché reste dans les murs jusqu’en 1905 tandis que l’église conventuelle conserve son rôle de Cathédrale jusqu’à nos jours. L’ensemble est classé au titre des Monuments Historique en 1906 et 1911. Les bâtiments conventuels sont attribués au musée Savoisien qui ouvre ses portes en 1913.

Vue générale du cloître
Vue générale du cloître
Localisation du couvent dans le parcellaire d'ancien régime (intra muros)
Localisation du couvent dans le parcellaire d'ancien régime (intra muros)
Le couvent sur une gravure de Chambéry au XVIIe siècle
Le couvent sur une gravure de Chambéry au XVIIe siècle
Plaque de foyer aux armes de l'ordre franciscain, découverte dans un mur de la cuisine
Plaque de foyer aux armes de l'ordre franciscain, découverte dans un mur de la cuisine

Dans les murs et dans le sous-sol : le couvent du XIIIe siècle

Avant l’opération archéologique, nos connaissances sur le couvent du XIIIe siècle étaient minces, limitées principalement à quelques éléments architecturaux parmi lesquelles les baies de la salle capitulaire retrouvées dans les années 1980. L’opération a permis de reconnaître dans la construction moderne les murs érigés au Moyen Âge. Mieux encore, elle a vu la découverte des niveaux de circulations du couvent médiéval, relativement bien conservé, entre 1 m et 1,40 m sous les sols actuels.

Ainsi le sous-sol de la salle capitulaire (aile orientale – ancien accueil du musée) conservait son sol en mortier de chaux et ses enduits sur les murs gouttereaux. Le relatif bon état de conservation s’explique en partie par la brièveté d’usage de cet aménagement : dès la fin du XIIIe siècle cet espace intérieur est remblayé sur près d’un mètre de hauteur d’une épaisse couche d’argile étanchéifiant pour lutter contre les problèmes d’humidité récurrents à Chambéry. Une contrainte qui explique également le creusement après la construction du couvent de plusieurs drains sous les bâtiments. Rehaussée, la salle capitulaire communiquait avec le cloître par une porte flanquée de deux paires de baies. La pièce était équipée de banquettes latérales contre ses murs où s’asseyaient les frères pour assister au chapitre et délibérer.

À une même profondeur, l’aile nord du couvent a vu la mise au jour des aménagements du réfectoire. De grande dimension (plus de 20 m de long), celui-ci accueillait – au moins depuis le XIVe siècle – les assemblées de la ville en plus de son usage par la communauté religieuse. Un espace d’environ 1,30 m le long de ses murs périphériques était occupé par des estrades en bois et peut-être par des stalles, tandis que le centre de la pièce présente un solide sol en mortier de tuileau rouge. Sans qu’on puisse attester de leur présence dès la première construction, de hauts piliers viennent soutenir les poutres du plafond comme dans d’autres grands réfectoires franciscains (Paris, Troyes, etc.). La pièce est amputée au XVIIe siècle d’une partie de son emprise par l’agrandissement du cloître.

À la charnière des ailes nord et est, la fouille a permis de découvrir les cuisines de la communauté, au moins pour l’époque moderne : une grande pièce dotée d’une forte pile centrale pour soutenir son plafond, est équipée en cheminée et potagers. D’autres espaces du couvent ont également été fouillés (« Libraria », cour nord-ouest, etc.) et permettent d’identifier les aménagements anciens, les nœuds de circulations, et les modifications successives dans l’organisation spatiale du couvent.

Dans les élévations aussi les maçonneries témoignent des états successifs du couvent. Pour le couvent primitif, elles nous permettent d’envisager un ensemble dépourvu de ses extensions tardives (aile nord-est, escaliers de la période moderne, extension maximale de l’aile occidentale peut-être, etc.) et organisé autour d’un cloître de plus petite dimension que celui du XVIIe siècle. L’articulation de ce premier couvent avec l’église du XIIIe siècle – probablement situé à l’emplacement de l’actuelle cathédrale – nous est toutefois inconnue, la fouille n’ayant que marginalement concerné les secteurs proches de celle-ci.

Plan général des vestiges
Plan général des vestiges
Vue du sol en mortier de tuileau du réfectoire du couvent
Vue du sol en mortier de tuileau du réfectoire du couvent
Vestiges d'une probable tour interne au bâti (escalier ou clocher)
Vestiges d'une probable tour interne au bâti (escalier ou clocher)
Fouille de la petite cour nord-ouest du couvent
Fouille de la petite cour nord-ouest du couvent

Des inhumations dans les bâtiments du couvent

L’aile orientale du couvent est occupée par la salle capitulaire, la « Libraria » – une pièce voutée que la tradition érudite identifie comme bibliothèque de la communauté – et l’ancienne chaufferie du XXe siècle. Ces espaces ont livré durant la fouille un nombre important de sépultures. Une centaine d’entre-elles concernées par le projet d’aménagement ont fait l’objet d’une fouille, mais on peut estimer qu’elles ne représentent qu’une fraction des inhumations dans cette aile, peut-être un sixième. On sait également que d’autres espaces du couvent accueillent des sépultures qu’on devine nombreuses : la galerie du cloître ornée de dalles funéraires, la nef de l’église conventuelle et une partie de l’actuelle place métropole (parvis de la cathédrale).

La majorité des sépultures découvertes l’ont été dans la salle capitulaire, un espace relativement privilégié au sein de l’ensemble conventuel. Si l’église des franciscains n’est pas une église paroissiale, elle accueille parfois les laïcs, plus encore après leur mort. C’est également le cas de la salle capitulaire, dernière demeure d’une population mixte comprenant tous les âges et tous les sexes, dont un nombre significatif d’individus présentant des indices de stress de nature carentielle. Les inhumations y ont lieu entre la fin du XIIIe siècle (après rehaussement du niveau de sol) et le début de l’époque moderne. Elles se font selon deux orientations distinctes, probablement contraintes par les dalles de pavement de la pièce. L’étude des sépultures tend à montrer que la majorité des défunts, si ce n’est la totalité, a été inhumée habillée ou enveloppée d’éléments textiles comme le prouve notamment la mise au jour d’épingles de « linceul », d’autres conservent les vestiges de cercueils en bois. Les sépultures les plus tardives comportaient en outre des chapelets de facture soignée. La « Libraria » se distingue par l’inhumation dans un angle de la pièce d’un groupe constitué uniquement d’enfants et d’adolescents, sans qu’on puisse encore trancher sur les différentes hypothèses expliquant ce phénomène.

En plus des sépultures individuelles, trois caveaux ont été identifiés dans cet espace. Il s’agit de construction de grande dimension couvert de voutes en pierre et desservies par des escaliers d’accès, parfois même par un petit couloir. Seul un de ces caveaux a été concerné par l’intervention archéologique, les deux autres n’étant que très superficiellement concernés par l’aménagement du nouveau musée. L’étude anthropologique, encore largement en cours, permettra de mieux connaître cette population inhumée et d’en rechercher les logiques de recrutement.

Vue d'un des caveaux de la salle capitulaire
Vue d'un des caveaux de la salle capitulaire
Inhumations médiévales et modernes dans la Libraria
Inhumations médiévales et modernes dans la Libraria
Sépulture en cercueil d'un très jeune enfant, XVIIe siècle
Sépulture en cercueil d'un très jeune enfant, XVIIe siècle
Échantillon du mobilier mis au jour dans la salle capitulaire. Chapelet en bois, jeton de compte et sifflet de flute en os
Échantillon du mobilier mis au jour dans la salle capitulaire. Chapelet en bois, jeton de compte et sifflet de flute en os

Des latrines médiévales sous l’aile nord-est

L’aile nord-est du couvent est une construction de la période moderne, attestée au XVIIe siècle et parfois désignée comme logis de l’abbé. Sans indices sur l’occupation de cette espace avant cette construction, la découverte sous cette aile d’un bâtiment médiéval indépendant du couvent constitue une des principales surprises de la fouille. De cet édifice nous ne connaissons que la limite occidentale et les fondations, les élévations et les niveaux de sols ayant été détruits par la construction de l’aile. L’angle situé dans l’emprise de fouille comprenait toutefois une fosse de latrine maçonnée particulièrement bien conservée, scellé dans des niveaux humides par la démolition du bâtiment.

Plusieurs corpus mobiliers particulièrement intéressants ont été découverts dans cette fosse. En premier lieu les restes biologiques : graines et ossements animaux qui, à travers les études archéozoologiques et carpologiques, permettent de restituer « par le menu » l’alimentation des habitants du lieu aux XVe-XVIe siècle. La table dressée pour cette alimentation se décline dans le corpus en cruche en céramique, verres de table et écuelles en bois tournées. Ces dernières, très rarement conservées, car constituées d’un matériau périssable, constituent une découverte exceptionnelle par leur état de conservation. La fosse conservait également une partie des carreaux en céramique d’un poêle domestique de grande dimension. Ces carreaux présentent un riche décor dont chaque motif se répète sur plusieurs carreaux : casque orné d’un cimier et d’armoiries imaginaires, créatures mythiques, dames et troubadours jouant de la musique dans un jardin, décor de muraille et de tour coiffant le poêle, etc. Cet ensemble mobilier, guère conforme à l’idéal de pauvreté franciscain, désigne un habitat élitaire, bénéficiant d’une certaine aisance économique. La relation entre celui-ci et le couvent lui-même reste à définir.

Vue de la fosse de latrines médiévale en cours de fouille
Vue de la fosse de latrines médiévale en cours de fouille
Vue brut de fouille d'une des écuelles en bois découvertes dans les latrines
Vue brut de fouille d'une des écuelles en bois découvertes dans les latrines
Fragment d'un carreau de poêle figurant une dame noble jouant de l'orgue portatif devant une fontaine et un arbre
Fragment d'un carreau de poêle figurant une dame noble jouant de l'orgue portatif devant une fontaine et un arbre

Si la fouille est terminée depuis plusieurs mois, l’étude de ce site est encore très largement en cours. Elle permettra à terme de mieux comprendre l’évolution du couvent et à travers lui tant l’histoire de Chambéry que celle des établissements franciscains. Une partie significative des découvertes sera intégrée au musée Savoisien et à son parcours muséographique, qu’il s’agisse du mobilier archéologique mis au jour sous le musée ou des connaissances sur l’histoire des bâtiments dans lesquels évoluent les visiteurs du musée.

Des vestiges de l’âge du Bronze à Oudalle

Des vestiges de l’âge du Bronze à Oudalle

C’est à la pointe nord du village d’Oudalle (Seine-Maritime) que cinq archéologues d’Archeodunum ont réalisé une fouille de 4 500 m², avant l’aménagement du lotissement « La Plaine » par la société AMEX.
L’équipe est intervenue sur prescription du Service régional de l’archéologie de Normandie. Elle a mis au jour les vestiges d’un site de l’âge du Bronze, dont une magnifique hache à talon.

Des vestiges de l’âge du Bronze moyen

Arthur Tramon et son équipe ont découvert des vestiges datés d’une période appelée par les spécialistes « âge du Bronze moyen », soit vers 1500 av. J.-C. Ce sont des restes de fossés, de fosses, de foyers ou de fours. Ils sont disséminés un peu partout sur les 4 500 m² explorés. Plusieurs fosses ont servi de dépotoir.

Terrain (jadis) construit, accès à l’est

Un élément remarquable est un enclos quadrangulaire, dont l’équipe n’a exploré qu’une partie. Ce sont plusieurs fossés qui en dessinent les contours : largeur de 60 m, superficie de plus de 3000 m², avec des subdivisions internes. C’est probablement sur ce terrain que se situaient les habitations, hélas irrémédiablement disparues. Dans l’angle nord-est, une interruption dans le tracé des fossés marque une entrée.
Cet ensemble s’inscrit dans une période où, en Normandie, on passe de petites exploitations agricoles ouvertes à des établissements bien délimités par un fossé souvent profond.

Plan général des vestiges
Plan général des vestiges
Fragments de foyer au fond d’une fosse
Fragments de foyer au fond d’une fosse
Vestiges d’un four
Vestiges d’un four

Une belle surprise !

En dégageant l’accès de l’enclos, nos archéologues ont fait une très belle découverte : une hache en bronze, très peu oxydée et parfaitement conservée après 3 500 ans ! Cet objet est vraisemblablement lié à un dépôt volontaire, réalisé à l’entrée de l’enclos, mais l’hypothèse d’une perte dans cet espace de passage ne peut être totalement écartée à ce jour.
Si cette hache à talon est caractéristique de productions normandes de l’âge du Bronze moyen, c’est un des rares exemplaires régionaux à avoir été trouvé en contexte. D’autres exemples du même type ont notamment été découverts dans le Calvados ou au sud de l’Angleterre.

Et après ?

La société AMEX a désormais récupéré son terrain pour y installer le lotissement « La Plaine ». Côté archéologie, nos experts vont étudier l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu ici au IIe millénaire avant J.-C. La hache recevra les meilleurs soins au laboratoire Arc’Antique. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Hache à talon en bronze (vers 1500 avant J.-C.)
Hache à talon en bronze (vers 1500 avant J.-C.)
La hache au moment de sa découverte
La hache au moment de sa découverte
L’équipe au travail
L’équipe au travail

Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2020 sur la commune d’Oudalle,
Route de la Plaine et rue de l’église, en préalable à un lotissement.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Normandie.

Maîtrise d’ouvrage : société AMEX

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Arthur Tramon)

Clermont_Hotel_Dieu-couv

Recherches archéologiques en cours à l’Hôtel-Dieu

Recherches archéologiques en cours à l’Hôtel-Dieu

Avant la future Bibliothèque métropolitaine, Archeodunum écrit une nouvelle page du passé de Clermont-Ferrand

Clermont Auvergne Métropole : A livres ouverts #2 : Feuilleter la terre

Après la Place des Carmes, c’est de l’autre côté du cœur historique de Clermont-Ferrand que les archéologues d’Archeodunum ouvrent une nouvelle fenêtre sur le passé de la capitale auvergnate sous la responsabilité de Marco Zabeo.

La transformation de l’Hôtel-Dieu en Bibliothèque métropolitaine est à l’origine d’une fouille archéologique de près de 5 000 m².

Clermont Auvergne Métropole en assure la maîtrise d’ouvrage, et le contrôle scientifique est réalisé par le Service régional de l’archéologie.

La deuxième tranche de travaux est en cours, à l’emplacement du futur « jardin de lecture ». On y découvre principalement la frange ouest de la ville gallo-romaine, avec rue, portique et constructions, ainsi que des vestiges plus récents qui font le lien avec l’Hôtel-Dieu.

Le site en images

L’Hôtel-Dieu et les zones archéologiques vus du ciel. En jaune, la fouille en cours. (Google Earth et Archeodunum)
L’Hôtel-Dieu et les zones archéologiques vus du ciel. En jaune, la fouille en cours. (Google Earth et Archeodunum)
Le chantier a démarré en hiver
Le chantier a démarré en hiver
En plein décapage
En plein décapage
L’équipe au travail au pied de l’Hôtel-Dieu
L’équipe au travail au pied de l’Hôtel-Dieu
Rue antique et école ultra-moderne
Rue antique et école ultra-moderne
Canalisations en bois, dont seuls subsistent les joints en fer.
Canalisations en bois, dont seuls subsistent les joints en fer.
Canalisations en bois, dont seuls subsistent les joints en fer.
Canalisations en bois, dont seuls subsistent les joints en fer.
Une entrée de cave
Une entrée de cave
Manque de pot : d’un vase antique, seul a survécu ce décor de Bacchus
Manque de pot : d’un vase antique, seul a survécu ce décor de Bacchus
Découvert à Pâques (ou peu s’en faut), un faux œuf en terre blanche
Découvert à Pâques (ou peu s’en faut), un faux œuf en terre blanche

Opération d’archéologie préventive conduite début 2021 sur la commune de Clermont-Ferrand, sur le site de l’Hôtel-Dieu, en préalable à sa transformation en bibliothèque.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Clermont Auvergne Métropole

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Marco Zabeo)

Fig. 7 : Les cinq torques de l’âge du Bronze ancien.

A Tomblaine, les colliers sont éternels

A Tomblaine, les colliers sont éternels

Découvertes des âges du Bronze et du Fer dans le bassin de Nancy

Au cours de l’automne 2020, Archeodunum a réalisé une fouille archéologique au lieu-dit « Bois la Dame », sur la commune de Tomblaine (54). Cette opération, prescrite par le Service régional de l’archéologie de Grand Est, était motivée par l’extension de la ZAC « Bois la Dame », pilotée par la société SOLOREM. Sur 30 000 m², Amaury Collet et son équipe ont exploré des vestiges des âges des Métaux, au cours des deux derniers millénaires avant J.-C.

Aux portes de Nancy, un riche environnement archéologique

Le site est localisé à l’est de Nancy, non loin du plateau de Malzéville et du Pain de Sucre. Le contexte archéologique est riche, avec en particulier des sites des âges du Bronze et du Fer, contemporains de ceux trouvés ici.

XIXe – XXe siècles : des drains, des puits, des arbres

Nos archéologues ont commencé la fouille en retirant la terre végétale à l’aide de pelles mécaniques. Au-dessous, ils ont découvert de nombreuses traces de la mise en valeur des terres agricoles entre le XIXe et le XXe siècle. Trois réseaux de drains en terre cuite strient toute la zone (fig. 1-2). Plusieurs puits et des fosses de plantations d’arbres rappellent la présence de jardins ouvriers, créés dans les années 1960.
C’est au milieu de toutes ces traces que se nichent des vestiges nettement plus anciens, puisqu’ils datent des deux derniers millénaires avant J.-C.

 

Fig. 1 : Plan général des vestiges sur vue aérienne (fond © Google Earth)
Fig. 1 : Plan général des vestiges sur vue aérienne (fond © Google Earth)
Fig. 2 : Drains récents.
Fig. 2 : Drains récents.
Fig. 3 : Vestiges des trois bâtiments superposés.
Fig. 3 : Vestiges des trois bâtiments superposés.
Fig. 4 : Plan des trois bâtiments superposés.
Fig. 4 : Plan des trois bâtiments superposés.

IIIe – Ier siècles av. J.-C. : agriculture gauloise

A l’instar des traces plus récentes, ce sont des indices d’exploitation agricole qui émergent. Le sud du site est ainsi parcouru par une série de fossés peu profonds, probables limites de champs ou d’enclos. Ils signalent la proximité d’une ferme des derniers siècles avant J.-C., repérée lors d’une fouille voisine en 2012.

VIe – Ve siècles av. J.-C. : de l’architecture et des poubelles gauloises

La destination agricole des lieux s’ancre dans un passé plus ancien encore. L’équipe a ainsi découvert des éléments architecturaux datés du milieu du premier millénaire avant J.-C. – une période encore mal connue dans la région. Au sud de la fouille, des bâtiments se sont succédé au même emplacement. Leur architecture recourt à des poteaux ancrés dans le sol, dont seuls les emplacements ont été reconnus (fig. 3). Nos archéologues pensent reconnaître trois constructions : deux habitations de 12 à 20 m², et un grenier de 5 m² (fig. 4).
Dans l’environnement de ces bâtiments, trois grandes fosses aux formes irrégulières ont été creusés pour extraire de l’argile – peut-être destinée à la construction (fig. 5). Elles ont ensuite servi de dépotoirs. Dans leur remplissage, toute sorte de déchets qui reflètent la vie domestique – et qui font le bonheur des archéologues : restes de foyer, vases brisés, fragments de meules, ossements animaux (fig. 6).

 

Fig. 5 : Fosse complexe en cours de fouille.
Fig. 5 : Fosse complexe en cours de fouille.
Fig. 6 : Fragments de poterie dans une fosse.
Fig. 6 : Fragments de poterie dans une fosse.

Début du 2e millénaire av. J.-C. : cinq colliers pour un dépôt mystérieux

C’est au sud-est de la fouille qu’Amaury et son équipe ont découvert un lot exceptionnel de cinq colliers en bronze. Ces tours de cou, ou « torques », étaient soigneusement empilés du plus grand au plus petit (fig. 7). Ils sont faits d’un jonc rigide, ouvert, dont les extrémités sont repliées. Leur forme, très courante, permet de les dater à l’âge du Bronze ancien, entre 2000 et 1600 avant J.-C.

Quant à la raison de leur enfouissement, elle reste énigmatique. Les colliers de ce type ont été souvent trouvés dans des tombes, mais telle n’est pas la situation ici. Les autres hypothèses fréquemment avancées par les archéologues sont le stockage de métal en vue de le refondre, des cachettes de marchands, des trésors associés à une personne particulière, ou encore des dépôts rituels.

Fig. 7 : Les cinq torques de l’âge du Bronze ancien.
Fig. 7 : Les cinq torques de l’âge du Bronze ancien.

Et après ?

À l’issue du chantier, la société SOLOREM a repris possession des lieux pour la suite de l’aménagement de la ZAC « Bois la Dame ». Côté archéologie, nos experts étudieront l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu dans ce secteur du bassin de Nancy durant les derniers millénaires avant J.-C. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Quant aux cinq colliers métalliques, ils ont été envoyés dans un laboratoire spécialisé. Ils y seront nettoyés et stabilisés, en vue d’une conservation optimale. Les bijoux sont éternels, ou c’est du moins à quoi s’emploient les archéologues et les services de l’Etat.

Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2020 sur la commune de Tomblaine,
au lieu-dit « Bois la Dame », en préalable à l’extension d’une ZAC.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Grand-Est

Maîtrise d’ouvrage : SOLOREM

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Amaury Collet)

Fig. 8 : Pot miniature sans doute lié à un défunt

Avant les gendarmes, des Romains !

Avant les gendarmes, des Romains !

C’est à la construction d’une nouvelle gendarmerie, et sur prescription de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes (SRA), que l’on doit la plus vaste fouille archéologique jamais ouverte sur l’agglomération antique d’Aquae Segetae (secteur de Moingt à Montbrison). Au cours de l’été 2020, non loin des fameux thermes de Sainte-Eugénie, c’est tout un pan de la cité romaine qui a émergé, sous les pioches et les truelles des archéologues d’Archeodunum, coordonnés par Camille Nouet (fig. 1).

Fig. 1 : Vue aérienne de la fouille
Fig. 1 : Vue aérienne de la fouille
Fig. 2 : Vestiges romains traversés par une canalisation moderne
Fig. 2 : Vestiges romains traversés par une canalisation moderne

Mèches, pièces détachées et mâchefer : un peu d’archéologie industrielle…

Nous nous situons à l’angle de la Rue Centrale et de la Rue du Repos. Tout au long du XXe siècle, la parcelle a vu se succéder des entreprises industrielles : fabrique de mèches et tarauds, scierie, peinture, équipement automobile, etc. Les dernières installations ont été démantelées en 2012. Si, au sol, il n’en demeure qu’une dalle de béton, les archéologues ont mis au jour toute une série de vestiges modernes : canalisations, gaines électriques, fondations en béton armé ou en mâchefer. Fort heureusement, ces constructions n’ont que partiellement détruit les vestiges antiques (fig. 2).

 

Une ville romaine qui n’est pas inconnue

La ville à laquelle a succédé Moingt s’appelait Aquae Segetae au temps des Romains. Ce nom nous est connu grâce à la célèbre Table de Peutinger, copie médiévale d’une carte routière romaine. La configuration de cette ville thermale se dessine par plusieurs monuments, découverts à partir du XVIIe siècle : un théâtre, des thermes, un probable sanctuaire, des habitations.

Fig. 3 : Plan général des vestiges
Fig. 3 : Plan général des vestiges

Une succession de bâtiments romains

Camille Nouet et son équipe ont découvert plusieurs bâtiments appartenant à différentes époques de l’antiquité romaine, entre le Ier et le IIIe siècle (fig. 3). Les murs, qui sont les premiers repères, sont pour la plupart très érodés. Certains ont conservé l’enduit et la peinture qui les recouvraient. Les sols qui dessinent les pièces des bâtiments sont faits de différentes manières. La plupart du temps, ils sont en mortier de chaux, parfois agrémentés d’éclats de tuiles ou de briques. D’autres sont simplement en terre battue : le mobilier, les poteries principalement, écrasé à leur surface, facilite leur repérage.

Une foule d’objets riches d’enseignements

Les nombreuses poteries sont déterminantes pour les archéologues, car elles permettent de dater les couches dans lesquelles elles ont été trouvées (fig. 4). Les couches de démolition et les remblais, riches en objets et en matériaux brisés, apportent de précieux renseignements sur l’architecture et la vie quotidienne (fig. 5). Une mention spéciale pour les enduits d’une colonnade décorés de motifs végétaux ! (fig. 6)

Fig. 4 : Poteries
Fig. 4 : Poteries
Fig. 5 : Spatule en bronze
Fig. 5 : Spatule en bronze
Fig. 6 : Fragments d’enduits décorés appartenant à une colonne
Fig. 6 : Fragments d’enduits décorés appartenant à une colonne

Un chauffage par le sol, emblématique du monde romain

Un élément remarquable a été dégagé au nord-est de la fouille. Il s’agit d’un hypocauste, un dispositif destiné à « chauffer par en-dessous » une pièce (fig. 7). La chaleur d’un feu dessert, grâce à un canal, un espace souterrain. Ici, des petites colonnes en briques supportent le sol de la pièce chauffée. La chaleur remonte le long des parois par des briques creuses. L’espace peut être une simple pièce chauffée, ou bien une salle de bain. Ce chauffage par le sol est bien connu à l’époque romaine et largement utilisé dans tout l’Empire romain.

Fig. 7 : Vue aérienne de l'hypocauste
Fig. 7 : Vue aérienne de l'hypocauste

Forgerons et sépultures

Au nord de la fouille, l’équipe a trouvé de nombreuses fosses remplies de déchets métallurgiques et de charbons. Cela suggère la présence d’une forge. Au sud, ce sont plusieurs petits pots intacts qui ont été découverts (fig. 8). Ils accompagnaient probablement un défunt. Plus tard, lorsque le quartier antique est abandonné, quelques sépultures sont installées ici et là, sans doute au Moyen‑Âge.

Fig. 8 : Pot miniature sans doute lié à un défunt
Fig. 8 : Pot miniature sans doute lié à un défunt

Ouverture au public : un beau succès malgré les contraintes sanitaires

L’équipe s’est largement mobilisée pour ouvrir le chantier lors des Journées Européennes du Patrimoine, dans le cadre des manifestations organisées par la mairie de Montbrison. Le vendredi 18 et le samedi 19 septembre, ce sont deux classes élémentaires et près de 190 personnes qui ont été accueillies sur le site. Au programme, visites guidées et stands thématiques, sans oublier masques, gel hydroalcoolique et un petit orage qui n’ont en rien réfréné l’enthousiasme des visiteurs…

Et la suite ?

Depuis, le terrain a été rendu à l’aménageur afin qu’il puisse édifier la nouvelle gendarmerie. Côté archéologie, c’est un long travail d’analyse des données recueillies sur le terrain (dessins, photographies, objets, prélèvements) qui démarre. Nos spécialistes vont se livrer à de minutieuses études, afin de comprendre au mieux comment on a vécu dans ce secteur de la ville romaine d’Aquae Segetae. Tous les résultats seront réunis dans un rapport final abondamment documenté et argumenté.

Opération d’archéologie préventive conduite entre juillet et octobre 2020
sur la commune de Montbrison (Loire), Rue du Repos, avant la construction d’une gendarmerie

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : SCI Caserne Montbrison

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Camille Nouet)

Fig. 2 : Restes organiques dans un paléochenal

Et au milieu coulait une rivière

Et au milieu coulait une rivière

Des Gaulois et des Romains dans la plaine des Tilles.

Au cours de l’été 2020, l’entreprise Archeodunum a réalisé une fouille archéologique au lieu-dit « les Grands Pâtis », sur la commune de Champdôtre (21). Cette opération, prescrite par le Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté, était un préalable à l’extension d’une carrière de sable exploitée par la société Maggioni SA. Sur 15 000 m2 au cœur de la plaine des Tilles, Elio Polo et son équipe ont exploré les traces de communautés agricoles gauloises et romaines installées de part et d’autre d’un cours d’eau disparu.

Une rivière disparue, mine de données pour les scientifiques

Bien avant les occupations gauloises et antiques, le site est traversé par une rivière qui semble active vers 10 000 avant J.-C. (fin du Tardigalciaire / début de l’Holocène) (fig. 1). Ce cours d’eau serpentait dans le vaste couloir alluvial actuellement parcouru par la Tille et l’Ouche. Son passage a creusé de nombreux sillons entre des buttes situées au nord et au sud du site.
Une fois colmatés, les anciens chenaux sont restés très humides. Leur comblement tourbeux a piégé et conservé énormément de restes organiques, bois, graines et pollens, qui livrent de précieux renseignements sur l’environnement et le climat (fig. 2). Pour approfondir l’analyse, une collaboration a été mise en place avec le laboratoire Chrono-Environnement de l’Université de Besançon (fig. 3).

Fig. 1 : Vue aérienne de la fouille.
Fig. 1 : Vue aérienne de la fouille.
Fig. 2 : Restes organiques dans un paléochenal
Fig. 2 : Restes organiques dans un paléochenal
Fig. 3 : Le laboratoire Chrono-Environnement de Besançon au travail
Fig. 3 : Le laboratoire Chrono-Environnement de Besançon au travail

Les Gaulois puis les Romains sont dans la plaine

Hormis quelques indices du Néolithique (5000-2000 av. J.-C.), une première fréquentation des lieux semble intervenir à la fin de l’Âge du Bronze (1000-800 av. J.-C.), au sud de la fouille, sous la forme d’un fossé de plan courbe – peut-être un enclos circulaire ?
Ensuite, c’est à la fin de la période gauloise et principalement à l’époque romaine que l’on retrouve des occupants au contact de la zone humide (fig. 6) .
Au Ier siècle avant J.-C., des fosses sont ainsi creusées dans un des bras de l’ancienne rivière – peut-être pour en extraire de la tourbe ? Un fer de hache y a été trouvé (fig. 4).

Fig. 4 : Fer de hache
Fig. 4 : Fer de hache
Fig. 5 : Squelette de chien
Fig. 5 : Squelette de chien
Fig. 6 : Plan général des vestiges.
Fig. 6 : Plan général des vestiges.

Au nord, des enclos pour le bétail 

Au début de l’époque romaine (Ier siècle après J.-C.), un chemin relie le paléochenal à un réseau de fossés situés au nord de la fouille. Ceux-ci dessinent de vastes enclos, que l’on pense destinés au bétail. À l’intérieur, des empreintes de poteaux évoquent des clôtures, des palissades ou des bâtiments. Plusieurs dizaines de fosses émaillent la zone, creusées dans le sable et le gravier. L’une d’elles contenait le squelette d’un chien (fig. 5).

Franchir l’ancienne rivière

Entre la fin du Ier siècle et le début du IIe siècle de notre ère, un nouveau chemin traverse le chenal principal. Large de près de 6 mètres, il est bordé par deux grands fossés, dont l’un renvoie les eaux vers l’ouest. De nombreux objets en poterie et en métal en sont issus (fig. 7).
Plus tard, un apport massif de graviers comble les fossés et le chemin. Pour Elio et son équipe, il s’agit d’opérations d’assainissement facilitant le franchissement de la zone humide.
Ici également, le contexte est favorable à la conservation d’objets, qui ailleurs n’auraient pas résisté aux outrages du temps : éléments organiques (noisettes, glands…), ou témoins des activités humaines, tels que des fragments de pieux (fig. 8) ou une semelle en cuir encore munie de ses clous (fig. 9).

Fig. 7 : Fibule en bronze
Fig. 7 : Fibule en bronze
Fig. 8 : Fragment de pieu
Fig. 8 : Fragment de pieu
Fig. 9 : Fragment de semelle en cuir encore munie de ses clous
Fig. 9 : Fragment de semelle en cuir encore munie de ses clous

Au sud, des puits et un habitat ?

Au sud de l’ancien cours d’eau, nulle trace de chemin, mais un enclos quadrangulaire, qui s’implante sur le fossé de l’Âge du Bronze. On retrouve comme au nord des groupes de poteaux et des fosses, mais en plus grand nombre. L’équipe suppose que c’est ici, ou à proximité, qu’habitaient les gens qui exploitaient ce secteur de la plaine. Un élément qui nourrit cette hypothèse est la présence d’une vingtaine de puits, des fosses circulaires larges de 1,70 m et profondes de 1,80 m (fig. 10). Au fond d’un de ces ouvrages rudimentaires, l’équipe a trouvé un pot complet (fig. 11) et des lames de forces à tondre. Ces objets viennent compléter les éléments de vie quotidienne, mais aussi l’outillage agricole ou artisanal (ciseaux à bois, pierre à aiguiser), recueillis ailleurs sur le site.

Fig. 10 : Un puits vu en coupe
Fig. 10 : Un puits vu en coupe
Fig. 11 : Pot en cours de fouille en laboratoire
Fig. 11 : Pot en cours de fouille en laboratoire

Et maintenant ?

À l’issue du chantier, le terrain sera exploité en carrière. Côté archéologie, nos experts étudieront l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu dans ce secteur de la plaine des Tilles entre le Ier siècle avant J.-C. et le IIIe siècle après J.-C. Plus particulièrement, les données paléo-environnementales alimenteront l’analyse du climat et du paysage sur le temps long. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite en été 2020 sur la commune de Champdôtre, en préalable à une extension de carrière

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne Franche-Comté

Maîtrise d’ouvrage : Ets L. Maggioni SA

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Elio Polo)

Fig. 8 : Prélèvement en cours des galets

Jours de fête il a 2800 ans à Corbas (Rhône)

Jours de fête il y a 2800 ans ?

Premiers résultats des fouilles archéologiques à Corbas, Les Grandes Verchères

C’est au nord de Corbas que cinq archéologues d’Archeodunum ont réalisé une fouille en  préalable à un projet immobilier. L’équipe est intervenue en juin et juillet 2020, sur 2 500 m². La découverte principale est un ensemble de six imposants foyers, ultimes vestiges d’un ou de plusieurs repas collectifs, qui se sont tenus il y a environ 2 800 ans.

Un projet de construction à l’origine de la fouille archéologique

La fouille s’est inscrite dans la cadre du projet de construction O’VOL, porté par la société Alila. L’instruction du dossier a déclenché un diagnostic archéologique sur 5 500 m². À la suite de résultats positifs, le Service régional de l’archéologie a prescrit la fouille de 2 500 m² (fig. 1)

Ce qui était attendu : des vestiges de l’âge du Bronze

Des vestiges de la fin de l’âge du Bronze et du début de l’âge du Fer (vers 800 av. J.-C) étaient déjà connus dans le secteur. Le diagnostic préalable a confirmé cette présence, avec de nombreux fragments de poteries et, surtout, deux grands foyers rectangulaires. Si aucune trace d’habitations n’a été détectée aux alentours, cela restait un point à examiner.

Fig. 1 : Alors que le décapage est toujours en cours, la fouille des foyers débute.
Fig. 1 : Alors que le décapage est toujours en cours, la fouille des foyers débute.
Fig. 2 : Les six foyers
Fig. 2 : Les six foyers

Des foyers alignés, au milieu de nulle part ?

La fouille a duré quatre semaines. L’équipe, dirigée par Clément Moreau, a découvert quatre grands foyers supplémentaires, pour un total de six foyers (fig. 2-3). Fait remarquable, ces six structures sont situées sur une même ligne, orientée nord-sud. En revanche, peu d’indices du contexte dans lequel ils s’insèrent : de nombreux fragments de céramique, mais pas de bâtiment attesté.
De telles batteries de foyers de ce type ne sont pas rares à la fin de l’âge du Bronze, ou à des époques plus anciennes. Il arrive souvent qu’elles soient situées à l’écart de tout aménagement domestique, dans des confins.

Fig. 3 : Fouille en cours de l'alignement de foyers
Fig. 3 : Fouille en cours de l'alignement de foyers
Fig. 4 : Dégagement des galets d’un foyer.
Fig. 4 : Dégagement des galets d’un foyer.

Un peu de Polynésie à Corbas

Un autre élément frappant est la construction standardisée des foyers. Fosses de 2 m x 1,20 m, restes de bûches carbonisées sur le fond, surmontées d’une couche de galets ayant chauffé (fig. 3 et 4, 5). Au total, c’est près de 1,5 tonne de galets qui était conservée dans les six fosses.
Ce type de foyer est bien connu en archéologie. On le qualifie de « four polynésien », en référence à un dispositif de cuisson encore très fréquent en Polynésie, où il est nommé « ahi ma’a ». Le principe est une cuisson à l’étouffée. Le feu en fond de fosse chauffe les pierres qui deviennent brûlantes. On y dépose alors la nourriture, que l’on recouvre de branchages et de terre, et qu’on laisse cuire pendant plusieurs heures.

Fig. 5 : La fosse d’un foyer, avec les bords rougis par le feu et la couche charbonneuse qui apparaît sous les galets
Fig. 5 : La fosse d’un foyer, avec les bords rougis par le feu et la couche charbonneuse qui apparaît sous les galets
Fig. 6 : Sous les galets, les bûches et les charbons.
Fig. 6 : Sous les galets, les bûches et les charbons.

Quelle occasion, quels convives, quel menu ?

Un seul des foyers de Corbas suffit à nourrir un groupe nombreux. Comme on les a vraisemblablement allumés de concert, il est donc séduisant d’imaginer que les six fours aient servi dans des circonstances exceptionnelles (rassemblement, cérémonie, fête, mariage, etc.), qui resteront hélas dans l’ombre.
Qu’y a-t-on mangé ? Isolée à 15 mètres au sud, une jeune vache a été enterrée entière (fig. 7). Outre le fait que l’absence de découpe ne soit guère compatible avec le fonctionnement des foyers, on ne peut pour l’instant pas dire si l’animal en est contemporain. En revanche, par des analyses chimiques des résidus sur les pierres issues des foyers, on tentera d’identifier les restes des aliments réellement consommés.

La suite des évènements

Sur place, le terrain est désormais disponible pour la suite des aménagements. En souvenir des festins de l’âge du Bronze, un barbecue collectif y sera-t-il aménagé ?
Côté archéologie, les investigations se poursuivent en laboratoire. Les spécialistes d’Archeodunum exploitent les informations recueillies sur le terrain (Fig. 8). Pendant plusieurs mois, une quinzaine de personnes vont se relayer pour décrire et analyser au mieux les vestiges. Hormis les analyses chimiques déjà évoquées, on s’intéressera aux bois brûlés, à la fois pour les dater et pour connaître l’environnement boisé du site. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport final abondamment documenté et argumenté.

Fig. 7 : Jeune vache enterrée plus au sud (ne manque que le haut du crâne).
Fig. 7 : Jeune vache enterrée plus au sud (ne manque que le haut du crâne).
Fig. 8 : Prélèvement en cours des galets
Fig. 8 : Prélèvement en cours des galets

Opération d’archéologie préventive conduite en juin et juillet 2020 sur la commune de Corbas, en préalable à la construction de logements

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes

Maîtrise d’ouvrage : Alila

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Clément Moreau)

Fig. 3 : L’équipe de fouille au travail.

Les riches racines de Boigny-sur-Bionne

Les riches racines de Boigny-sur-Bionne

Premiers résultats des fouilles archéologiques à la ZAC de la Clairière, Tranche 1

C’est au nord de Boigny-sur-Bionne que les archéologues d’Archeodunum ont réalisé une fouille en préalable à un projet de lotissement. L’équipe est intervenue en automne 2019, sur 13 380 m². Elle a mis au jour une imposante villa gallo-romaine, à laquelle ont succédé des occupations du Moyen-Âge. Ces belles découvertes éclairent d’un jour nouveau les lointaines origines de Boigny-sur-Bionne.

Boigny-sur-Bionne et la fouille archéologique. Vue plongeante depuis le nord. En bleu, les vestiges de la villa gallo-romaine. En orange, la fouille de 2021. Fond Google Earth, plan et montage Archeodunum.
Boigny-sur-Bionne et la fouille archéologique. Vue plongeante depuis le nord. En bleu, les vestiges de la villa gallo-romaine. En orange, la fouille de 2021. Fond Google Earth, plan et montage Archeodunum.

Les raisons de l’intervention

La fouille archéologique s’inscrit dans le cadre de la future ZAC de la Clairière. Cet aménagement, piloté par Nexity, est destiné à accueillir des logements. Le projet a déclenché un diagnostic archéologique sur 7 hectares. à la suite de résultats positifs, le Service régional de l’archéologie a prescrit la fouille de 2,7 hectares.

Ce qui était attendu

Selon le diagnostic préalable, les lieux semblent fréquentés entre la fin de la période gauloise et le Moyen‑Âge. En particulier, on attribue une série de maçonneries à un domaine agricole (villa) installé dans un enclos d’environ 3 hectares. Aux alentours, de nombreux vestiges dispersés témoignent d’un ou plusieurs habitats du Moyen-Âge. Enfin, une petite nécropole reste mal datée.

Les principaux résultats à l’issue de la fouille

C’est la partie située au nord-ouest de l’église de Boigny-sur-Bionne que Jérôme Besson et son équipe ont investie en 2019. L’opération a en effet été scindée en deux moitiés égales : la seconde phase de fouille, à l’est, aura lieu en 2021 (fig. 1).

Une avalanche de vestiges

11 semaines de fouille, une équipe passée de 8 à 15 archéologues, 674 vestiges et plus de 1500 couches archéologiques : telle est l’opération de terrain en quelques chiffres. Les découvertes se sont rapidement avérées beaucoup plus nombreuses qu’initialement prévues. En conséquence de quoi, en concertation avec le Service régional de l’archéologie, l’équipe a procédé à des ajustements méthodologiques.

Fig. 2 : Partie sud de la fouille, avec l’église de Boigny-sur-Bionne en arrière-plan.
Fig. 2 : Partie sud de la fouille, avec l’église de Boigny-sur-Bionne en arrière-plan.
Fig. 3 : L’équipe de fouille au travail.
Fig. 3 : L’équipe de fouille au travail.

De riches Gallo-romains

L’occupation gauloise ne semble pas présente dans le secteur investigué – ce sera probablement pour 2021. Les vestiges les plus anciens appartiennent à l’époque romaine.
Au sein de l’enclos repéré lors du diagnostic, l’élément le plus remarquable de la fouille est un très grand édifice rectangulaire, d’axe nord-sud : sa longueur dépasse 58 m ! Ce bâtiment évolue durant toute la période romaine (du Ier au IVe siècle apr. J.-C.), avec la création de pièces supplémentaires.
Le bâtiment est doté d’un vaste bassin et de pièces thermales, équipées d’un système de chauffage par le sol (hypocauste) et d’un réseau de canalisations. Ces éléments témoignent d’un confort certain. Pour les archéologues, il s’agit de la partie résidentielle du domaine – et non de la simple dépendance que l’on avait cru voir ici lors du diagnostic (fig. 4, 5 et 6).

Fig. 4 : Une niche semi-circulaire, emplacement probable d’un bassin dans les thermes
Fig. 4 : Une niche semi-circulaire, emplacement probable d’un bassin dans les thermes
Fig. 5 : Le bassin (à droite) et les thermes (à gauche).
Fig. 5 : Le bassin (à droite) et les thermes (à gauche).
Fig. 6 : Vue d’une cave maçonnée gallo-romaine.
Fig. 6 : Vue d’une cave maçonnée gallo-romaine.

Des vivants et des morts au Moyen Âge

Par la suite, la villa est abandonnée. Probablement dès le Haut Moyen-Âge, ses ruines servent de cimetière. En témoigne notamment une tombe collective de sept individus. Au total, ce sont 26 inhumations que les archéologues ont dégagées. Dans leur majorité, elles sont datées du Moyen-Âge (fig. 7, 8 et 9).
Datées de la même période, de nombreuses fosses et trous de poteau jalonnent le secteur. Ces vestiges indiquent une continuité de l’occupation des lieux, sous la forme de bâtiments en bois. Une vingtaine de fosses creusées dans le sol sont caractéristiques du stockage des récoltes.

Fig. 7 : Tombe collective du Haut Moyen-Âge, installée dans les ruines de la villa antique.
Fig. 7 : Tombe collective du Haut Moyen-Âge, installée dans les ruines de la villa antique.
Fig. 8 : Fouille de la tombe collective.
Fig. 8 : Fouille de la tombe collective.
Fig. 9 : Tombe retrouvée dans le secteur nord.
Fig. 9 : Tombe retrouvée dans le secteur nord.

De la Gaule romaine à Boigny-sur-Bionne

En résumé et en première analyse, c’est un vaste et riche domaine agricole gallo-romain que l’équipe d’Archeodunum a dégagé : plus particulièrement, sa partie résidentielle, située au cœur d’une vaste cour entourée de murs. La fréquentation des lieux semble ensuite constante jusqu’au Moyen-Âge, préfigurant probablement la création du bourg actuel (fig. 10).

Fig. 10 : Plan général des vestiges.
Fig. 10 : Plan général des vestiges.

La suite des événements

Sur place, les terres ont été remises en place et le terrain est désormais disponible pour la suite des aménagements.
Côté archéologie, les investigations se poursuivent en laboratoire. Les spécialistes d’Archeodunum exploitent les informations recueillies sur le terrain. Pendant plusieurs mois, une quinzaine de personnes vont se relayer pour décrire au mieux les vestiges retrouvés et comprendre comment on vivait (et mourait) entre le Ier et le XVe siècle dans ce secteur de l’Orléanais. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport final abondamment documenté et argumenté.
Et rendez-vous est d’ores et déjà pris en mars 2021, pour la suite de l’opération !

à voir : Un documentaire de 10’ consacré à la fouille archéologique de 2019, réalisé par Claude Humbert à la demande de la mairie de Boigny-sur-Bionne

Opération d’archéologie préventive conduite à l’automne 2019 sur la commune de Boigny-sur-Bionne, en préalable à la mise en place d’une ZAC et à la construction de logements.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Centre-Val de Loire

Maîtrise d’ouvrage : Nexity

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jérôme Besson)