Archives de catégorie : chantiers

Une nécropole et des traces d’artisanat de l’âge du Fer mis au jour à Dax (Landes)

Vue aérienne du site (Cliché Sam John - Archeodunum)
Sépulture à crémation dans une urne du premier âge du Fer (cliché Archeodunum)
Grenier du deuxième âge du Fer / Haut-Empire (cliché Archeodunum)
Fragment de sole perforée de four retrouvée au fond d'une fosse (cliché Archeodunum)

La fouille de Dax, préalable à la construction du premier « village Alzheimer » de France, a débuté le 8 novembre 2017 et s’est achevée le 16 février 2018. Menée par huit archéologues, sous la direction de Alexandre Lemaire et Stéphanie Lemaître, elle a offert un regard diachronique sur l’occupation rurale d’un secteur proche de la ville antique, à travers une fenêtre de 2,5 ha.

Les installations successives ont été conditionnées par la présence, dans l’axe médian de l’emprise de fouille, d’un fond de vallon qui draine encore aujourd’hui les eaux météoriques, conférant au secteur un caractère particulièrement humide tout au long de son histoire. Les vestiges s’étendent sur une aire chronologique qui débute à la période néolithique et s’achève à la période contemporaine, et soulignent les efforts ininterrompus des occupants pour drainer le site.

Deux ensembles fonctionnels se distinguent toutefois : à l’est du thalweg, une petite nécropole à crémations du premier âge du Fer (VIIème-VIème s. a.C.) témoigne probablement de la proximité de l’habitat d’une petite communauté (une quinzaine de tombes). A l’ouest du thalweg, les vestiges tendent à caractériser un secteur artisanal marqué par une demi-douzaine de fours démolis et par les ancrages des structures porteuses d’au moins quatre bâtiments édifiés en terre et bois, dont deux probables greniers. La chronologie et la contemporanéité des ces structures reste à établir, mais une partie des fours semble d’ores-et-déjà orienter l’activité vers la production de sel gemme (présence d’augets rectangulaires à pâte violacée par réaction chimique au contact du sel), susceptible d’ancrer l’origine des salines dacquoises dans une histoire bien plus ancienne que celle qui était jusque-là envisagée.

Alexandre Lemaire


Et retrouvez le reportage effectué pendant la fouille par la société Dia!Films pour la web-tv du département des Landes.

Une maison néolithique et des vestiges gallo-romains à Ars-en-Saintonge (Charente)

Photo du site par drone. Au second plan, le château de la Maison Ferrand (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment « naviforme » néolithique, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment carré de l’angle sud-est de l’enclos principal, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment rectangulaire sur tranchées plantées de poteaux, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)

La fouille de Ars, en Charente, près de Cognac, a été conduite à la fin de l’année 2016 par Alexandre Lemaire. Préalable à la construction d’un chai par la maison Ferrand, productrice de spiritueux, elle a permis d’ouvrir une fenêtre de 7000 m². Après la phase nécessaire d’étude, nous sommes heureux de pouvoir présenter les premiers résultats de cette fouille fructueuse, qui a notamment mis au jour une maison néolithique et un enclos rural du début du Haut-Empire (Ier s. p.C.), présentant deux états successifs associé à deux bâtiments.

La maison néolithique se situe au centre de l’emprise de fouille. Il s’agit d’un bâtiment « naviforme » de 13,90 m de longueur et 5,80 m de largeur maximale. Ce type d’édifice « naviforme » fondé sur poteaux et tranchées n’est pas sans évoquer les bâtiments « en amande » ou « piriformes » du Néolithique final et du Bronze ancien mis au jour ces dernières années en Bretagne et dans le Calvados . La datation radiocarbone d’un charbon prélevé dans l’un des deux poteaux de l’entrée du bâtiment tend à valider l’attribution au Néolithique final. Enfin, le matériel lithique collecté sur le site, majoritairement en position résiduelle au sein des structures plus récentes, présente une homogénéité forte et correspond à une industrie lithique de la fin du Néolithique Centre-Ouest (néolithique récent peu richardien ou néolithique final artenacien) qui détermine un contexte favorable à l’attribution chronologique de notre bâtiment.

L’occupation du Haut-Empire se signale par un enclos fossoyé quadrangulaire, presque carré, dont le fossé occidental se poursuit en direction du nord, au-delà de la limite d’emprise. La partie enclose s’inscrit dans un espace de 60 à 70 mètres de côté, fossés compris, délimitant une surface totale de 4043 m² et une surface utile d’environ 3685 m². Les tessons collectés au sein des fossés orientent une datation centrée sur la première moitié du Ier s. p.C.. Une partition interne, matérialisée par un tronçon de fossé d’à peine 10 m de longueur, orienté nord-sud et déconnecté des fossés de ceinture, marque une limite dans l’axe médian de l’enclos.

Dans l’angle sud-est de l’enclos, un premier bâtiment correspond à un ensemble presque carré de 7,5 m par 7,65 m, délimité par des tranchées de fondation probablement destinées à accueillir des séries de poteaux. Aucun mobilier n’y a été mis au jour, à l’exception d’un anneau en fer de datation ubiquiste. Les façades orientale et occidentale du bâtiment paraissent interrompues et peuvent déterminer des points d’accès ou, plus probablement, correspondre à des sections de cloisons non porteuses, fondées plus légèrement, dans une architecture à double pans. Cinq structures en creux de petit module ont été relevées à l’intérieur du bâtiment. Le lien entre cet espace bâti et des vidanges de foyers observées à son aplomb, dans les fossés de ceinture, témoigne d’une activité culinaire liée à une consommation de coquillages et tend à inscrire le bâtiment carré dans une activité domestique.

Un second aménagement pouvant servir à enclore un espace se superpose ensuite partiellement au premier. Il s’agit d’un ensemble de structures fossoyées, essentiellement linéaires, localisé au niveau de la moitié orientale de l’enclos principal, reprenant l’axe de l’ancien fossé de partition comme limite occidentale. Identifiées comme une série de tranchées ou de sections peu profondes de fossés, ces structures paraissent dessiner un fossé discontinu délimitant un espace de forme peu ou prou trapézoïdale d’environ 1800 m². Un lot de céramiques permet une datation assez précise de l’ensemble dès le milieu du Ier s. p.C.. La mise en place du système fossoyé secondaire marque l’abandon du premier, sans que l’on puisse déterminer s’il s’agit d’une simple rétractation de l’espace originel ou d’un changement de fonction du site, par exemple au profit d’une activité agro-pastorale dénuée d’occupation domestique.

Enfin, un dernier ensemble bâti longe à la fois le fossé de partition du premier enclos et la limite occidentale du deuxième système fossoyé. Très mal conservé, il ne subsiste que par des fonds de tranchées de sablières associés à quelques ancrages de poteaux. En l’état, ce bâtiment reste non daté, mais sa bonne insertion dans les plans des deux enclos du Haut-Empire peut plaider pour leur association.

L’espace doublement enclos contenait encore deux fosses de bonnes dimensions qui se rapportent à la période gallo-romaine. L’une d’entre elles a livré de nombreux restes de malacofaune, quelques restes de céramique et amphores, ainsi qu’une petite herminette en fer assez bien conservée. Enfin, un puits, profond de 2,80 m, occupe également l’espace deux fois enclos ; son comblement terminal peut être situé dans la deuxième moitié du Ier s. p.C. et il est probable que ce puits ait alimenté en eau les deux occupations successives du Haut-Empire.

Le développement de petits établissements inscrits dans le giron agro-pastoral au début du Haut-Empire ainsi que leur abandon assez rapide, avant le Bas-empire, est un phénomène courant qui a par exemple été observé en Picardie, dans le Berry ou encore en Beauce. C’est le cas à Ars, où l’abandon ou la restructuration du premier enclos intervient dès le milieu du Ier s. p.C. et où l’occupation du site ne semble pas perdurer dans le IIème s. p.C.. Les données sur le secteur sont encore trop lacunaires pour permettre d’intégrer le site à un schéma de développement des campagnes susceptible, par exemple, de relier l’abandon de petites fermes à la mise en place de plus grands établissements. Mais avec cinq autres enclos fossoyés repérés en prospection aérienne, la mention d’une « villa », et la proximité de la voie qui reliait Saintes à Périgueux, le territoire de la commune offre de bonnes perspectives pour l’exploitation de ces problématiques.

Alexandre Lemaire (coll. Bruno Bioul)

Fouille en cours sur le site d'Auneau

Découverte d’un habitat antique à Auneau (Eure-et-Loir)

Vue d'ensemble de la cave
Potentielle aire de battage
Potentielle aire de battage

Entre avril et juillet 2017, une opération archéologique a été réalisée sur la commune d’Auneau (Eure-et-Loir), en amont d’un projet de lotissement. Située au niveau de la confluence de l’Aunay et de la Voise, la commune d’Auneau est connue pour être occupée dès le Paléolithique. Cependant la rive droite de la vallée de l’Aunay est encore peu connue, une fouille a donc été prescrite sur une surface de 15 000 m² au lieu-dit des Nonains. Elle a permis la mise au jour de quelques éléments protohistoriques et d’un habitat rural antique.

Les vestiges protohistoriques sont matérialisés par un nombre restreint de structures en creux. Ces dernières, localisées dans l’est du site, ne permettent pas d’affirmer la présence d’une occupation à proprement parlé.

L’occupation antique est présente sur l’ensemble de l’emprise et est datée du Ier au IIe siècle de notre ère. Il s’agit d’un habitat rural constitué d’un enclos maçonné et de plusieurs bâtiments. L’un de ces bâtiments correspond à une habitation à galerie de façade dont plusieurs états ont été identifiés, dont l’un avec ajout d’une pièce chauffée sur hypocauste.

Les autres bâtiments, dont trois sont accolés à l’enclos maçonné, correspondent à des bâtiments d’exploitation. Un bâtiment situé en face du bâtiment principal peut être interprété comme un porche. Les bâtiments sont de structure simple (une pièce) à l’exception d’un. En effet, une grange a pu être mise en évidence au sud-est de l’emprise, près d’une petite voie. Le bâtiment est composé d’un espace principal rectangulaire, flanqué de deux pavillons à l’ouest de ce dernier.

A l’intérieur de cet habitat, d’autres structures ont pu être mises au jour, telles que des fours, des puits, une potentielle aire de battage et des structures de combustions dont la fonction n’est pas encore identifiée. Ces dernières sont localisées dans la partie est du site et sont réparties en deux ensembles, un de quatre structures et un de six. Ces batteries ont été mises au jour sous des bâtiments agricoles et n’ont livrées aucun mobilier ni aucun indice quant à leur fonction et leur datation.

La démolition du bâtiment résidentiel et de ses bâtiments d’exploitation signe l’abandon de l’occupation.

Adélaïde Hersant

Vue de deux structures de combustion en cours de fouille
Vue de deux structures de combustion en cours de fouille
Vue de l'un des puits
Vue de l'un des puits
Vue aérienne du site
Vue aérienne du site

Des berges antiques sous le siège du CIO à Lausanne

Aménagements de quai, époque romaine (Archeodunum SA)
Dépôt d’amphores, époque romaine (Archeodunum SA)

Entre février 2016 et avril 2017, les travaux d’agrandissement du siège du Comité International Olympique ont permis d’explorer le site de Lausanne-Vidy sur une surface de 8000 m2, dans un secteur connu depuis longtemps pour sa richesse patrimoniale et partiellement fouillé entre 1984 et 2006. L’intervention a été réalisée par l’entreprise Archeodunum SA, sur mandat de la section d’Archéologie cantonale vaudoise.

Les quais de la ville romaine, dégagés sur 130 m de longueur, sont entièrement consolidés par des enrochements et des centaines de pieux en chêne, derrière lesquels sont parfois conservés des madriers horizontaux. Des empreintes de poutres et de poteaux internes, avec divers éléments de fixation, suggèrent l’existence de plateformes planchéiées. Un long entrepôt occupe une partie des quais, à proximité d’un édifice muni de pièces chauffées et de latrines. Deux jetées, découvertes à 190 m de distance l’une de l’autre, devaient délimiter un espace de navigation protégé et fonctionner comme débarcadères en période de basses eaux. Ces différents aménagements offrent une vision unique des installations portuaires qui firent la prospérité de Lousonna. Les dizaines d’amphores retrouvées sur le site témoignent aussi de cette intense activité commerciale, contrôlée par des corporations de bateliers comme celle des Nautes du Léman (Nautae lacus Lemanni). Le secteur est vraisemblablement désaffecté au 3e ou au début du 4e siècle, alors que les rives du lac sont déjà en partie ensablées.

A partir de la fin du 7e ou au 8e siècle, un cimetière se développe autour d’une église paroissiale connue uniquement par des sources écrites. Les 317 tombes fouillées en 2016 suivent des orientations variables et comportent généralement des aménagements en bois et/ou en pierre, à l’exception de quelques défunts inhumés en « pleine terre ». Aux abords de la zone funéraire, plus de 400 fosses et trous de poteaux correspondent à une occupation datée de la fin du 8e au 13e siècle, avec des bâtiments présentant pour certains des indices d’activité artisanale. Ces constructions attestent pour la première fois l’existence d’un établissement médiéval sur les rives lausannoises du lac Léman, à 3 km du siège épiscopal installé sur la colline de la Cité.

Dans la partie sud du chantier, on retrouve des aménagements extérieurs (murs de clôture, canalisations, cours pavées, etc.) appartenant aux différentes propriétés privées qui se sont succédé sur le site depuis la Réforme, jusqu’à l’actuel « château » de Vidy (1771-1776).

Romain Guichon

Dépôt de vaisselle en céramique et en verre, époque romaine (Y. André, MCAH)
Cimetière d’époque médiévale (Archeodunum SA)

Fouille d’un monastère médiéval et moderne proche de Grenoble

Base de colonne du XIIe siècle marquant le passage au transept
Vue d'une grande salle de l'aile sud, interprétée en tant que réfectoire
Vue aérienne des niveaux de sols conservés des XVIIe et XVIIIe s. dans les ailes sud et est. Cliché F. Giraud
Caveau funéraire d'une des chapelles de l'église

L’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève (Isère) a été bâti au XIXe siècle sur les vestiges de l’ancien monastère Saint-Robert le Cornillon. D’importants travaux impactent l’ensemble du prieuré, qui fait l’objet d’une vaste fouille archéologique préventive.

 

Fondé dans les années 1070 par les premiers comtes du Dauphiné, le prieuré est placé sous la dépendance de l’abbaye bénédictine de la Chaise-Dieu.

L’ensemble médiéval est organisé autour d’un cloître rectangulaire de 350 m², avec des galeries larges de 3 m. L’église est composée d’une large nef à bas-côtés divisée en 4 travées, délimitant 8 chapelles. Un transept asymétrique, au bras sud plus développé, relie l’église à l’aile orientale. Le chœur, visiblement reconstruit à la période gothique, est composé d’un chevet à pans coupés, en très grande partie récupéré.

L’aile orientale est agrandie à l’est par une série de bâtiments dont la nature n’a pas encore été identifiée. L’aile sud est composée d’une vaste salle qui pourrait correspondre au réfectoire et d’une pièce équipée d’un foyer central et d’une canalisation qui évoque des cuisines.

Un ensemble de bâtiments forme l’angle sud-ouest des bâtiments conventuels, alors que l’aile sud se prolonge à l’est, au-delà du carré claustral. Un simple mur de clôture ferme le cloitre entre ces constructions et l’angle sud-ouest de l’église.

Le flanc méridional du prieuré est longé par un important collecteur maçonné, plusieurs fois remanié.

 

Partiellement détruit lors des Guerres de Religion, le prieuré est entièrement reconstruit entre 1658 et 1660, à l’exception de l’église, sous l’impulsion réformatrice de la congrégation de Saint-Maur.

Les bâtiments conventuels reprennent en partie les fondations anciennes. Si la structure de l’église évolue peu, le cloitre est agrandi vers l’ouest et le sud et un nouveau collecteur est construit, toujours sur le flanc méridional du carré claustral. L’aile orientale concentre les fonctions liturgiques et administratives (sacristie, salle du Chapitre), l’aile sud les fonctions domestiques (réfectoire, cuisines) et l’aile occidentale les dépendances (celliers).

 

Quatre secteurs d’inhumation se distinguent :

  • Le cimetière paroissial, à l’ouest de l’église, concentre de très nombreuses inhumations.
  • Le cloître abrite des sépultures au fond des galeries.
  • L’église accueille quelques tombeaux, essentiellement dans les chapelles.
  • Le chevet de l’église polarise une aire sépulcrale dont l’étendue n’a pas encore été définie, qui pourrait correspondre au cimetière de la communauté monastique.

 

Après la Révolution, l’ensemble conventuel est acheté par le Département (1812), qui transforme le site en reste en dépôt de Mendicité puis en asile départemental d’aliéné à partir des années 1840. Les bâtiments sont alors profondément remaniés et intégrés à un ensemble pavillonnaire qui constituait l’hôpital jusqu’aux récents travaux.

Les bâtiments conventuels sont intégralement conservés. La nef de l’église est entièrement reconstruite entre 1840 et 1848, le chœur liturgique étant préservé pour servir de chapelle. Ce dernier est détruit entre 1860 et 1878 pour laisser place à un pavillon d’entrée, qui donnera à la blanchisserie de l’hôpital son aspect définitif.

Le cloitre est également détruit, une galerie étant maintenue au sud avec de nouvelles arcades. La moitié nord de l’aile ouest est détruite, afin d’aligner sa façade nord avec celle de l’aile orientale. Elle est reconstruite au XXe siècle pour se raccorder à une extension du bâtiment.

David Jouneau

Un site archéologique exceptionnel à Sainte-Colombe, le Bourg (Rhône)

Dans les faubourgs de la ville antique de Vienne se déroule actuellement une fouille archéologique préventive sur une parcelle de 5500 m², en préalable à la construction de quatre immeubles de logements. La commune de Sainte Colombe est connue depuis le XIXe siècle pour sa sensibilité archéologique, notamment après la découverte de plusieurs mosaïques témoignant de la présence de riches demeures appartenant à la colonie romaine de Vienna.

Un vaste espace public au bord du fleuve

A la suite du diagnostic réalisé par Michel Goy (Inrap), les premières investigations conduites par  Archeodunum, sous la responsabilité de Benjamin Clément, ont révélé un secteur public à l’est, en bordure des quais du Rhône, qui correspond à une vaste place dotée d’une fontaine monumentale et bordée de portiques soutenus par trois rangées de colonnes. Cet aménagement d’envergure correspond sans doute à un vaste gymnase en lien avec les Thermes du Sud qui bordent l’emprise de fouille. Il est implanté au début du IIe siècle et se développe sur une surface restituée de prés de 1350 m².
Il vient supplanter un premier espace public du Ier siècle qui prend la forme de séries de boutiques (tabernae) dédiées à la production artisanale (métallurgie, vente de denrées alimentaires, etc…) et entourant une vaste place dotée d’un bassin d’agrément. Un entrepôt vient compléter ces aménagements qui sont sans doute liés à la présence toute proche des quais du Rhône. Au IVe siècle, le gymnase est abandonné et un grenier sur plancher et vide sanitaire est implanté dans la partie nord-ouest du secteur. Enfin, une nécropole du haut Moyen-Âge comprenant une quarantaine de sépultures constitue la dernière trace d’occupation du site.

La voie de Narbonnaise et ses abords

La voie de Narbonnaise, édifiée par Agrippa autour des années 10 av. J.-C., limite cette opération à l’ouest. Elle est pavée de larges dalles de granite et longée par un portique monumental ouvrant sur des espaces à destination économique et artisanale. En fond de parcelle, une première domus organisée autour d’un petit jardin de 70 m² a été reconnue dans son intégralité. Sa décoration est soignée comme en témoigne la découverte d’un cubiculum (bureau) de 16 m² dotée d’une mosaïque dont le médaillon central représente l’enlèvement de Thalie, la muse de la comédie, par Pan, une divinité de la suite bachique.
Une seconde domus organisée autour d’un vaste jardin est en cours d’exploration plus au nord. Elle a été détruite par un incendie dans la seconde moitié du IIe siècle, préservant sa riche décoration ainsi que ses étages effondrés sur les sols du rez-de-chaussée. Cet état de conservation exceptionnel laisse présager de nombreuses et riches découvertes et permettra d’appréhender avec une grande précision la vie quotidienne dans la ville antique de Vienne.

Découvertes néolithiques et protohistoriques autour de Pontivy

Vue du fossé palissadé de Kernaud 1
Vue aérienne de l'épandage à Kernaud 2
Vue d'un des bâtiments néolithiques de Neulliac
Vue aérienne d'un des enclos de l'âge du Bronze de Neulliac

Entre le mois d’octobre 2016 et le mois de juillet 2017, pas moins de trois fouilles ont été réalisées aux abords de l’agglomération de Pontivy (Morbihan) : deux dans le cadre du contournement nord de la ville, et une actuellement en cours pour l’aménagement d’un futur parc d’activités. Ces fouilles réalisées par les équipes d’Audrey Blanchard et Mohamed Sassi ont permis de mettre au jour des occupations du Néolithique, de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer.

Sur la commune même de Pontivy, à Kernaud 1, la fouille d’une surface de 3800 m² en novembre 2016 a permis la mise au jour d’un réseau de fossés daté de la fin du second âge du Fer. Sous la responsabilité de Mohamed Sassi, les archéologues ont identifié la présence d’au moins un système d’enclos fossoyés avec une entrée et sans doute une partition interne de l’espace. En parallèle, au moins quatre bâtiments de petites surfaces (fondations comprises entre 5 et 9 m2) évoquent la présence de greniers et deux structures de combustion complètent cette occupation comprise entre le IIe et le début du Ier siècle av. J.-C d’après l’étude de la céramique. [Accès à la notice complète]

À proximité immédiate, mais sur le territoire de la commune de Cléguérec, le site de Kernaud 2 occupe une surface de 5600 m². Audrey Blanchard et son équipe ont alors repéré 70 structures et un épandage de mobilier datés de l’âge du Bronze final. Des aménagements de pierres ont également été distingués en limite d’emprise et pourraient correspondre aux restes d’un habitat. Un second décapage a permis de repérer une vingtaine de structures supplémentaires, aux abords et sous l’épandage, mais malheureusement le mobilier ne permet pas de les raccorder clairement à une occupation antérieure distincte. [Accès à la notice complète]

Enfin, à cinq kilomètres plus au nord-est, près de cinq hectares sont en cours de fouille avant l’implantation du Parc d’Activités de Saint-Caradec à Neulliac. Cette grande emprise décapée permet la découverte de multiples structures en creux, vestiges d’occupations du Néolithique et de l’âge du Bronze. Audrey Blanchard et Jimmy Ménager y dirigent la fouille de plusieurs bâtiments du Néolithique et d’enclos funéraires de l’âge du Bronze, entre autres témoignages de la Protohistoire. Ces vestiges présagent un apport d’informations importantes pour la connaissance de ces périodes en Bretagne, les bâtiments du Néolithique étant encore largement méconnus. [Accès à la notice complète]

Notons que ces dernières fouilles sont toujours en cours, mais les archéologues font déjà parler d’eux ! [Extrait de l’émission de France Inter : La Récréation du 22 mai 2017]

Du Néolithique à l’âge du Fer aux Mureaux

Vue du site au drone depuis l'ouest
Branche sud de l'enclos Second âge du Fer niveau
Enclos funéraire âge du Bronze avec au centre une sépulture secondaire à crémation
Petit bâtiment circulaire du Néolithique moyen
Grand bâtiment circulaire du Néolithique moyen

Etablissement rural du Second âge du Fer et habitat du Néolithique moyen aux Mureaux (Yvelines)

Aux Mureaux, préalablement aux travaux d’extension de la station d’épuration de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, une équipe d’archéologue de la société Archeodunum a réalisé une fouille archéologique préventive du 27 février au 5 mai 2017. Cette opération portait sur une surface de 15000 m² prescrite par le Service régional de l’archéologie (Drac Île-de-France) suite à un diagnostic mené par le Service Archéologique Départemental des Yvelines en 2015, ce dernier ayant notamment révélé la présence de structures et d’artefacts en rapport avec un probable établissement rural du Second âge du Fer. Le décapage extensif du site a permis de découvrir, outre ces vestiges, les traces d’une occupation du début du Néolithique moyen caractérisée par la présence exceptionnelle de deux bâtiments circulaires.

Le Néolithique

C’est dans la partie centrale de l’emprise, localisée sur la bordure de la plaine de Flins en surplomb de la rive gauche de la Seine, que s’installe l’habitat du début du Néolithique moyen (vers 4500 avant notre ère) matérialisé par les vestiges des deux bâtiments circulaires à proximité desquels se développent des fosses, plusieurs palissades ainsi qu’un four à pierres chauffées probablement contemporain. Le premier bâtiment, qui mesure 7 m de diamètre, est constitué sur son flanc ouest d’un demi-cercle formé de 16 petits trous de poteaux auquel répond en symétrie un trou de poteau de dimensions plus importantes, tandis que deux tranchées alignées recevant des poteaux scindent l’espace interne en deux aires inégales d’environ deux tiers et un tiers de la surface. Le second bâtiment est bien plus imposant puisqu’il atteint près de 15 m de diamètre : la construction fait ici intervenir d’une part une tranchée hémicirculaire recevant des poteaux qui délimite la partie ouest du bâtiment, et d’autre part un demi-cercle formé de 6 trous de poteaux qui ferment l’espace à l’est, tandis que deux tranchées alignées recevant des poteaux scindent l’espace interne suivant le même principe que pour le premier bâtiment. Moins d’une vingtaine de constructions de ce type sont connues en France, essentiellement dans le Bassin parisien. L’identification de deux habitations circulaires sur le site de la station d’épuration des Mureaux s’avère donc précieuse pour l’analyse de cette forme d’habitat du milieu du Vᵉ millénaire avant notre ère qui semble succéder aux grandes habitations de modèle danubien du Néolithique ancien.

S’ajoute à cet ensemble une série importante de fosses se développant dans la partie septentrionale de l’emprise, à proximité de la Seine, qui pourrait correspondre à une fréquentation des rives du fleuve durant le Néolithique final (entre 3500 et 2200 avant notre ère), datation à confirmer par carbone 14.

La Protohistoire

D’après le mobilier céramique recueilli dans plusieurs structures, la fréquentation du site semble se poursuivre durant l’âge du Bronze (entre 2200 et 800 avant notre ère), notamment au cours du Bronze final. C’est probablement à cette période que se situe l’édification d’un petit enclos funéraire ovoïde de 5,5 x 4,5 m de diamètre, localisé à l’extrémité méridionale de l’emprise, qui abritait en son centre une sépulture secondaire à crémation en pleine terre. Une datation carbone 14 sur les ossements brûlés recueillis permettra de caler avec plus de précision la période d’édification de ce monument funéraire isolé.

Les vestiges protohistoriques les plus significatifs datent du Second âge du Fer (entre 500 et 50 avant notre ère) et se développent sur l’ensemble de la partie méridionale du site. Les différents aménagements repérés (trous de poteaux, fosses, foyers, fossés) semblent se rattacher à un établissement rural fréquenté d’après le mobilier recueilli entre La Tène ancienne et le début de La Tène finale. Un grand enclos rectangulaire d’orientation nord-est/sud-ouest (partiellement hors emprise) est délimité par un fossé mesurant plus de 50 m de long d’est en ouest pour 45 m de long du nord au sud. Ce fossé est interrompu sur ses côtés nord et sud afin de ménager des entrées de 3,5 m de large, et il présente la particularité d’être resté ouvert au nord et au sud tandis que son segment oriental, plus modeste, semble avoir été palissadé. Plusieurs exemples de recoupements de structures fossoyés par le fossé de l’enclos pourraient témoigner de la création de ce dernier lors d’une restructuration de l’établissement rural, tandis que le mobilier recueilli dans son remplissage suggère qu’il a été comblé avant l’abandon définitif du site, probablement durant La Tène moyenne. L’espace interne de l’enclos est occupé par au moins six bâtiments sur poteaux qui appartiennent à au moins deux phases de construction successives d’après les recoupements observés. On distingue notamment deux grands bâtiments de plan quadrangulaire complexe occupant 30 et 64 m² de surface au sol, interprétés comme des unités domestiques, tandis que les autres bâtiments pourraient correspondre à des annexes agraires. Quatre autres bâtiments ont été mis au jour au nord de l’enclos, parmi lesquels deux greniers sur six poteaux ainsi qu’un grand bâtiment de plan quadrangulaire complexe. Ce dernier, qui a livré du mobilier céramique de La Tène finale (dont un fragment d’amphore), constitue à ce jour l’élément le plus tardif de l’occupation protohistorique du site.

Par la suite, seul un fossé isolé témoigne d’une fréquentation sporadique du site durant l’antiquité, avant qu’à l’époque moderne le terrain ne fasse l’objet d’une mise en culture avec le creusement de fosses de plantations et de fossés parcellaires.

Les découvertes effectuées sur le site de la station d’épuration des Mureaux permettent d’apporter nombre de données inédites concernant les occupations néolithiques et protohistoriques des rives de la Seine dans le département des Yvelines. Les études actuellement en cours permettront notamment de déterminer avec plus de précision les différentes périodes d’occupation du site et le phasage de l’établissement rural du Second âge du Fer.

Amaury Collet

JNA 2017

JNA 2017 : Visite du chantier de Sainte Colombe (69)

À l’occasion des Journées nationales de l’Archéologie, nous invitons le public à découvrir le site archéologique de Sainte-Colombe (69).

Date et horaires :
Samedi 17 juin de 10h à 18h

Adresse :
Rue des Petits Jardins
69560 Sainte-Colombe
Visite gratuite.

Située dans les faubourgs de la ville antique de Vienne, cette fouille en cours se déroule sur une parcelle de 5500 m². Les premières investigations ont révélé un secteur public à l’est, en bordure des quais du Rhône, qui correspond à une vaste place dotée d’une fontaine monumentale et bordée de portiques soutenus par trois rangées de colonnes. Cet aménagement d’envergure correspond sans doute à un vaste gymnase en lien avec les Thermes du Sud qui bordent l’emprise de fouille.
La voie de Narbonnaise limite cette opération à l’ouest. Elle est longée par un portique monumental ouvrant sur des espaces à destination économique et artisanale, ainsi que sur de grandes maisons dotées de mosaïques à décor géométrique ou figuratif et de sols en marbre décorant des pièces organisées autour de jardins.

 

Rejoignez-nous sur le site des JNA17 :

http://journees-archeologie.fr/fru-1210/c-2017/fiche-initiative/4082/Fouilles-archeologiques-de-Sainte-Colombe

Etude de l’abbaye de Jumièges (Seine-Maritime)

Fondée en 654 par Saint-Philibert, avec le soutien de la reine Bathilde, l’abbaye de Jumièges (Seine-Maritime) est l’un des plus vastes ensembles monastiques conservé en France. Monument phare de la Normandie orientale, ces ruines pittoresques ont autant inspiré les artistes romantiques de la deuxième moitié du XIXe siècle qu’elles ont suscité de débats au sein de plusieurs générations de chercheurs (historiens, historiens de l’art, archéologues, architectes…).

Dans la continuité des travaux menés sur l’église abbatiale Notre-Dame, le Département de Seine-Maritime, propriétaire de l’abbaye, a entrepris un vaste projet de restauration de l’église Saint-Pierre, située au sud de l’abbatiale, et du passage Charles VII qui relie les deux édifices. Dans ce cadre, une étude monumentale et sanitaire a été réalisée par un groupement d’entreprises (Archeodunum SAS pour l’étude archéologique des élévations, Studiolo pour l’étude des enduits peints, h2o pour l’étude sanitaire de l’édifice).

Ces études ont apporté des compléments notables à la restitution du plan de l’église carolingienne, essentiellement au niveau du massif occidental qui était peu étudié jusqu’alors. Ce massif était constitué de deux tourelles d’escalier encadrant un porche voûté, surmonté d’une tribune ouverte sur la nef par une large baie en plein cintre. Dans les tourelles d’escalier, des paliers éclairés par des baies géminées permettaient d’accéder à des tribunes aménagées au-dessus des bas-côtés. Les nouvelles datations 14C, et leur mise en perspective avec les datations déjà réalisées par nos prédécesseurs, permettent de faire remonter la construction à la fin du VIIIe siècle, ce qui ferait du massif occidental de Saint-Pierre l’un des plus anciens d’Europe.

L’étude a également révisé la totalité de la chronologie admise pour les reconstructions gothiques. Celles-ci, concentrées sur le XIVe siècle, suivent un plan cohérent qui semble respecter une volonté de conserver les volumes de l’édifice. Pour autant, les reconstructions n’offrent pas une image homogène, une asymétrie assumée distinguant les bas-côtés nord et sud. Cette mise en valeur différente des espaces (bas-côtés, travée occidentale de la nef) illustrent probablement des fonctions liturgiques qui nous échappent encore largement.

Cette étude constitue donc un renouvellement important des connaissances sur le site lui-même et offre plus largement de remarquables perspectives pour la compréhension des édifices carolingiens.

 

David Jouneau