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Fours de potiers et bâtiments sacrés : du nouveau sur le passé gallo-romain du Langon

Fours de potiers et bâtiments sacrés :

Du nouveau sur le passé gallo-romain du Langon

En 2021 et 2023, les archéologues d’Archeodunum ont investi Le Langon (85). Les équipes ont exploré deux parcelles très proches l’une de l’autre, à la rue de la Halle et à celle du Chapeau Rouge. C’est la construction de nouvelles maisons qui a motivé ces opérations, prescrites et contrôlées par le Service régional de l’archéologie. Les résultats les plus importants concernent la période gallo-romaine, du Ier siècle avant J.-C. au IIIe siècle après J.-C. Entre ateliers de potiers et temples gallo-romains, ce sont deux facettes bien différentes de l’agglomération antique du Langon qui ont surgi du sol (fig. 1).

Fig 1 : Rue de la Halle : deux fours de potier. Les chambres de cuisson sont compartimentées par un muret.
Fig. 2 : Plan simplifié des deux fouilles.

Quand Le Langon était au bord de la mer

Il est bon de rappeler qu’il y a deux mille ans, Le Langon était une petite agglomération située sur le littoral nord du golfe des Pictons. Aujourd’hui disparue, cette avancée de l’océan s’est comblée progressivement jusqu’à la fin du Moyen âge. Elle correspond au Marais poitevin actuel.

Un quartier de potiers ?

Les deux fouilles nous renseignent sur la partie sud de l’agglomération. Deux rues ont été identifiées (fig. 2 et 3). Dans l’espace intermédiaire, plusieurs fours de potiers (fig. 1 et 4) évoquent un secteur consacré à la production de céramique – un véritable quartier artisanal ? Des puits et quelques bâtiments complètent l’image de cette zone, qui a dû être active durant près d’un siècle (fig. 5 et 6).

Fig. 3 : Rue du Chapeau Rouge : en bordure d’une rue empierrée (coin supérieur droit), les fondations d’un bâtiment.
Fig. 4 : Fragment de pot raté, boursouflé par la cuisson.
Fig. 5 : Monnaie romaine en bronze

Deux temples

Rue de la Halle, à l’est de la zone explorée, c’est un autre aspect du Langon antique qui a été  révélé, grâce à la découverte de deux temples (fig. 7 à 9). Ces édifices religieux sont installés dans une cour fermée par un mur. Leurs plans sont caractéristiques d’une grande famille architecturale sacrée – désignée sous le nom de « fanum » – bien connue en Gaule. Ils sont formés de deux carrés concentriques, qu’on restitue en une tour centrale entourée d’une  galerie. Quant aux divinités vénérées ici il y a deux mille ans, nul indice n’en a hélas été détecté…

Fig. 6 : À la rue du Chapeau Rouge, une archéologue vide un puits gallo-romain.
Fig. 7 : Dé à jouer cubique taillé dans un os.
Fig. 8 : Rue de la Halle : un des temples est en cours d’exploration.
Fig. 9 : Les temples étaient ornés de peintures murales imitant des placages de marbre.

L’archéologie à l’école

En janvier 2022, des archéologues sont venues dans les écoles André Turcot et Saint-Joseph  pour présenter les métiers de l’archéologie et, bien sûr, les premiers résultats de la fouille à la rue de la Halle (fig. 10).

Fig. 10 : Adélaïde Hersant, responsable de la fouille à la rue de la Halle, devant une classe de l’école Saint-Joseph.
Fig. 11 : Rue de la Halle, vue aérienne de la fouille.

Opérations d’archéologie préventive conduites en automne 2021 et automne 2023 à la rue de la Halle et à la rue du Chapeau Rouge au Langon, en préalable à la construction de maisons individuelles.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Nouvelle-Aquitaine

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsables : Adélaïde Hersant et Marc-Antoine Dalmont)

Équipe de terrain
Rue de la Halle (2021)

  • Adélaïde HERSANT* (RO)
  • Amaury BERTHELON* (RA)
  • Clémence PILORGE
  • Emilie MERVEILLEUX
  • Erwan FICHOU-MARTIN
  • Fanny PRAUD
  • Geoffrey LEBLE
  • Hugo THOMAS
  • Lucie LE DORE
  • Margaux LAINE
  • Marc-Antoine DALMONT
  • Mohamed SASSI
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de terrain
Rue du Chapeau Rouge (2023)

  • Marc-Antoine DALMONT* (RO)
  • Shannah BARBEAU* (RA)
  • Adélaïde HERSANT
  • Laetitia CURE*
  • Suzon BOIREAU*
  • Emilie MASSON
  • Mohamed SASSI
    * Terrain et Post-Fouille

2021

2023

Équipe de post-fouille
Rue de la Halle (2021)

  • Alexandre POLINSKI
  • Aurélie DUCREUX
  • Camille JOLY
  • Camille COLLOMB
  • Clément CHAVOT
  • Geoffrey LEBLE
  • Julien COLLOMBET
  • Kévin SCHAEFFER
  • Laurie FLOTTES
  • Lola TRIN-LACOMBE
  • Lucie LE DORE
  • Marianne ALASCIA-MORADO
  • Paul DERMOUCHERE
  • Shannah BARBEAU
  • Valentin LEHUGEUR

Équipe de post-fouille
Rue du Chapeau Rouge (2023)

  • Marianne ALASCIA-MORADO
  • Lola TRIN-LACOMBE
  • Julien COLLOMBET
  • Camille COLLOMB
  • Laurie FLOTTES
  • Valentin LEHUGEUR
  • Priscille DHESSE
  • Geoffrey LEBLE
  • Alexandre POLINSKI
  • Kevin SCHAEFFER
  • Clément CHAVOT
  • Aurélie DUCREUX

Quelle responsabilité des archéologues dans le dérèglement climatique ?

Quelle responsabilité des archéologues dans le dérèglement climatique ?

Depuis une dizaine d’années, plusieurs publications ont jalonné la prise en compte de la problématique environnementale en archéologie. Pour l’heure, toutefois, les approches paraissent plutôt « victimaires », observatrices voire opportunistes1, en s’attachant essentiellement à mesurer l’impact du réchauffement climatique sur le patrimoine archéologique et sur les moyens à mettre en œuvre pour faire face à cette nouvelle menace. Sans dénier l’intérêt de ces réflexions, la question de l’impact environnemental de l’archéologie est nettement moins abordée2. En pleine élaboration de sa politique RSE3, Archeodunum a donc décidé de prendre en compte cette dimension cruciale pour l’évolution de ses pratiques.

Bilan carbone Archeodunum (2023)

Bilan carbone : mesurer et agir

À cette fin, l’entreprise a réalisé le bilan carbone de ses activités pour l’année 2023, dans le cadre du programme Décarbon’action de la BPI-France. Pour réaliser ce bilan, elle a été accompagnée par la société SAMI, qui a mis en place les outils de récolte des données et réalisé leur analyse4. Nous présentons ici les principaux résultats et esquissons de premières actions envisageables pour une trajectoire plus vertueuse. Il est encore trop tôt pour proposer une trajectoire de réduction des émissions dans les années à venir, mais l’identification de quelques leviers d’action montre que la marge de manœuvre est importante.

Méthodologie

Afin de couvrir l’ensemble de la chaîne, le calcul de l’empreinte carbone comprend les émissions directes et indirectes. Les données ont été recueillies par divers moyens : données physiques, informations comptables, questionnaire aux collaborateurs, enquêtes auprès des prestataires et fournisseurs. Le résultat repose sur des données brutes, sur des hypothèses et des extrapolations, ainsi que sur la notion de « facteur d’émission ». Le degré d’incertitude (15%) est considéré comme faible.

Résultats et indicateurs

En détail

La part du lion : les terrassements
(60% des émissions, 1065 t CO2e5)

Sans grande surprise, ce sont les terrassements qui constituent l’écrasante majorité de nos émissions, qui se répartissent en plusieurs catégories : l’énergie (GNR), les équipement (engins) et les achats de service (fonctionnement des entreprises sous-traitantes).

Un gros poste atténué par le télétravail : les déplacements
(18 % des émissions, 317 t CO2e)

La voiture thermique constitue le principal facteur d’émission.

Les déplacements domicile-travail sont majoritaires (60 %), malgré un accroissement du télétravail – lequel évite toutefois l’émission de 80 tonnes de CO2e.

Côté chantiers (36 %), le covoiturage systématique, quelques véhicules hybrides et les transports en commun permettent proportionnellement de modérer les émissions (- 3 %).

Numérique et consommables : peu impactant mais psychologiquement marquant
(4,3% des émissions, 46 tCO2e)

Le numérique (2,3 %) ne représente qu’une très faible part du bilan (proportion égale à la moyenne nationale).

Malgré un usage fréquent et massif, les consommables en plastique (bâches, sachets, seaux, étiquettes) pèsent très peu en termes d’émissions de GES (1,6 %), mais posent la question de leur recyclage et/ou de leur revalorisation.

Pour en savoir plus, Archeodunum met en libre accès l’intégralité de son bilan carbone et du diagnostic pour l’année 2023

Téléchargez le rapport complet (PDF) ou consultez les résultats en ligne (sami.eco).

 

Vers un plan d’action

Le bilan carbone 2023 a donné une première image de l’impact de notre activité. Il s’agira désormais d’en tirer un plan d’action permettant de diminuer nos émissions. Ce plan est en cours d’élaboration pour un lancement dès janvier 2025.

Une partie des résultats de la présente étude ont fait l’objet de présentation sous forme d’un poster aux 16e rencontres annuelles de l’ANACT (2024) : ” L’archéologie et ses métiers face aux enjeux climatiques et sociétaux “, Reims, 16-18 octobre 2024.

Notes.

1 – Par exemple, une tribune récente de Dominique Garcia parue dans le journal Le Monde (14/02/2024) illustre ce positionnement.

2 – Citons ici le texte de réflexion « Cher.es ami.es archéologues » (03/12/2022)

3 – Responsabilité Sociétale des Entreprises, équivalent de la RSO dans les services publics.

4https://app.sami.eco.

5 – Tonnes d’équivalent CO2.

Archéologie à Bègues, un village multiséculaire

Archéologie à Bègues, un village multiséculaire

De l’architecture de bois aux murs en pierre

À l’automne 2022, une fouille archéologique s’est déroulée en périphérie du bourg de Bègues, en amont de la construction de maisons individuelles. L’opération a été réalisée par Archeodunum et le SAPDA (Service d’Archéologie Préventive du Département de l’Allier – CD03). Dans des conditions souvent brumeuses ou neigeuses, les archéologues ont découvert de nombreux vestiges témoignant du passé du village, depuis l’époque gauloise jusqu’au Moyen Âge (fig. 1 et 2).

 

Fig.1 : La brume et la neige ont souvent accompagné les archéologues.
Fig. 2 : Plan simplifié des vestiges.

Un village gaulois plus ancien qu’attendu

D’abord place forte gauloise (oppidum) puis agglomération gallo-romaine, le site de Bègues est connu de longue date et fait l’objet de nombreuses recherches. Pour autant, c’est la première fois qu’une fouille préventive est mise en oeuvre sur ce plateau qui domine les gorges de la Sioule (fig. 3).

Si aucun vestige du rempart de l’oppidum n’a été identifié, de nombreuses structures permettent de confirmer l’extension du village dans ce secteur du site. Des trous de poteau et vestiges de fondation témoignent de la présence de bâtiments en bois. En périphérie, des fosses-dépotoirs, un puits et un four de potier (fig. 4) nous renseignent sur les activités domestiques et artisanales pratiquées à la fin de la période gauloise (Ier s. av. J.-C.).

Fait remarquable, deux silos enterrés – initialement destinés au stockage des récoltes – ont livré de nombreux objets datés du IIIe s. av. J.-C. : c’est une période jusque-là inédite sur le site, ce qui permet d’envisager la naissance d’un habitat groupé antérieur à la création de l’oppidum.

Fig. 3 : Dégagement d’une fosse d’extraction, d’une cave et d’un four de potier. Les vestiges se distinguent très nettement sur le substrat rocheux.
Fig. 4 : Four de potier gaulois (ier s. av. J.-C.).

Un secteur périphérique de l’agglomération gallo-romaine

Durant l’Antiquité, l’occupation semble se rétracter sur cette partie du plateau. Peu nombreux, les vestiges gallo-romains ne correspondent pas à l’organisation structurée d’un habitat groupé. Un ancien chemin et deux petites carrières d’extraction de calcaire suggèrent que nous nous  situons en périphérie immédiate du village. Une cave (fig. 5), des fosses-dépotoirs et des trous de poteau de bâtiments matérialisent néanmoins quelques installations pérennes durant les Ier et IIe s. ap. J.-C.

Des souterrains taillés dans le rocher

Dans une zone particulièrement remaniée au fil du temps, Jérôme Besson et son équipe ont découvert un bâtiment semi-excavé gallo-romain, qui donnait accès à deux salles souterraines circulaires creusées dans un banc de calcaire particulièrement dur (fig. 6). D’une hauteur sous plafond de 1,50 m environ, ces deux salles communiquent par le biais d’un resserrement faisant office de porte. Tout porte à croire qu’il s’agit d’espaces destinés au stockage (fig. 7). Durant le haut Moyen Âge (VIIe – Xe siècles ap. J.-C.), le bâtiment est remanié et l’accès des caves souterraines est muré. Plus tard, une seconde entrée sera aménagée au nord au moyen d’un couloir à ciel ouvert taillé dans le calcaire. Cette modification d’accès fait supposer une utilisation de ces espaces souterrains sur un temps relativement long.

Fig. 5 : Dans une cave gallo-romaine, découverte d’un col d’amphore (ier s. ap. J.-C.).
Fig. 6 : Fouille au niveau de l’accès initial des galeries souterraines.

Des bâtiments médiévaux

Par la suite, ces caves sont abandonnées et la seconde entrée est bouchée. Deux bâtiments en pierre (fig. 8) sont construits durant le Moyen Âge (XIIIe – XIVe siècles). Ils disposent de pièces dallées et d’une cheminée. À proximité, plusieurs silos témoignent du maintien d’une activité de stockage.

Un riche patrimoine archéologique

Ces découvertes montrent une fois de plus la richesse du patrimoine archéologique de Bègues. Malgré une surface de fouille relativement restreinte (environ 1 500 m2), les différentes observations permettent d’esquisser l’évolution de l’extension du village au fil du temps, de périodes encore méconnues sur le site (début de la période gauloise) jusqu’au Moyen Âge.

Fig. 7 : Intérieur de l’une des salles souterraines. La morphologie de ces espaces a été documentée à l’aide de relevés laser.
Fig. 8 : Vue du bâti médiéval qui surmonte les anciennes galeries souterraines.

Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2022 dans le bourg de Bègues (Allier), en préalable à la construction de logements.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jérôme Besson) et Service d’Archéologie Préventive du Département de l’Allier.

Équipe de terrain

  • BESSON Jérôme* (RO)
  • LORPHELIN Auriane* (RA)
  • DIXON Kevin* (RA, SAPDA – CD03)
  • MARTIN Mathilde
  • CARBONE Antony
  • VALLEE Laurent
  • FLEURY Lara (SAPDA – CD03)
  • FAVART Claire (SAPDA – CD03)
  • BESSON Loriane* (SAPDA – CD03)
  • LABALME Maud* (SAPDA – CD03)
  • HEITZMANN Samantha (SAPDA – CD03)
  • GUILLAUD Lucas
  • KOWALSKI Jean-Baptiste (SAPDA – CD03)
  • CROCHAT Jessy (acquisition 3D)
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • LALLEMAND David (SAPDA – CD03)
  • LEPINE Guillaume
  • DUCREUX Aurélie
  • LEBLE Geoffrey
  • COLLOMB Camille
  • COLLOMBET Julien
  • FLOTTES Laurie
  • POLINSKI Alexandre
  • ALASCIA MORADO Marianne
  • CHAVOT Clément
  • CAMAGNE Géraldine
  • GILLES Amaury
  • PIGERON Olivier (Groupe Spéléologique Auvergnat)
  • CARAIRE Gabriel (Analyse Géophysique Conseil)

Six mètres sous terre. Archéologie au cœur du futur musée Panoptique à Autun

Six mètres sous terre

Archéologie et étude de bâti au cœur du futur musée Panoptique à Autun

Dans le cadre du projet d’aménagement du musée Panoptique d’Autun (71), les archéologues d’Archeodunum et du Service Archéologique de la Ville d’Autun ont uni leurs efforts pour explorer un espace charnière du futur musée. Dans ces 50 m2 situés au sein de l’hôtel Lacomme, deux mille ans d’histoire sont en cours d’étude, avec comme découverte majeure un tronçon très bien conservé du rempart urbain de l’Antiquité tardive (fig. 1).

 

Fig.1 : Un chantier complexe pour les archéologues et les entreprises chargées de sécuriser les lieux. Au premier plan à gauche, le rempart de l’Antiquité tardive.
Fig. 2 : Aile nord de l’hôtel Lacomme : cotes à atteindre et types d’intervention.

Entre murs et butons : un défi technique

L’objectif assigné aux archéologues est d’atteindre une cote de six mètres sous le sol actuel (fig. 2). Fouiller sur une telle profondeur à l’intérieur d’un Monument Historique n’est pas une mince affaire. Cela nécessite une haute technicité et un travail en collaboration avec de nombreux intervenants : maîtrises d’ouvrage et d’œuvre, cabinets d’études géotechnique et structure, entreprises en charge du confortement du bâtiment. Au fur et à mesure de la fouille, la stabilité du bâtiment a été assurée par des butons et des étais (fig. 1).

Au pied du mur : le rempart, marqueur du castrum de l’Antiquité tardive

Nous sommes au sud de la ville romaine d’Augustodunum/Autun, en marge du centre économique et politique de la capitale des Eduens. Au tournant des IIIe et IVe siècles, la ville se rétracte et se replie sur sa partie haute. Pour protéger cet espace, appelé castrum, un nouveau rempart vient barrer une partie resserrée de la fortification initiale de l’agglomération. Jessy Crochat et son équipe ont pu mettre au jour une portion de cet ouvrage, conservé sur une hauteur de plus de quatre mètres ! Épais d’environ trois mètres, il est fondé sur une à deux assises de blocs de grand appareil (fig. 3 et 4).

Fig. 3 : Des blocs de grand appareil forment la base du rempart (à gauche). Le géomorphologue fait un sondage à la tarière pour mieux comprendre la nature du terrain.
Fig. 4 : Angle nord-est de l’hôtel Lacomme : vue schématique des principaux vestiges.

Du castrum à la ville médiévale

Durant l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, l’espace fouillé est hors des murs de la ville. Pour assurer une bonne défense, aucun bâtiment n’est construit contre le rempart. Seuls plusieurs niveaux de sol, et de nombreux rejets de céramiques et d’os d’animaux attestent d’une fréquentation régulière à cet endroit, situé à proximité d’une des portes majeures du castrum.

Durant l’époque carolingienne, des tours sont ajoutées contre le parement extérieur. Dans la zone explorée, un mur est peut-être à rattacher à ce remaniement (fig. 5). Le XIIe siècle voit une nouvelle modification des fortifications. Un rempart est édifié une cinquantaine de mètres en aval. Ayant perdu sa fonction d’origine, le mur du castrum sert de fondation à de nouveaux bâtiments. Donnant sur la rue des Bancs, une cave est installée contre le rempart (voir fig. 2). Plusieurs murs situés dans l’espace de la fouille correspondent également à cette réappropriation de l’espace urbain.

Fig. 5 : À gauche, mur d’une tour carolingienne (?), intégré à la fin du Moyen Âge dans une fosse maçonnée (à droite).
Fig. 6 : Écailles et arêtes de poissons. Largeur de l’amas, 5 cm.

Naissance et vie d’un hôtel particulier du XVe siècle

Construit dès le XVe siècle, l’hôtel Lacomme vient se substituer aux maisons médiévales. En vidant une fosse maçonnée, les archéologues ont découvert tout un ensemble de déchets culinaires (oiseaux, poissons, poteries, mortiers), dont l’analyse nous renseignera sur les menus de cette époque (fig. 5 et 6). Quant à l’analyse archéologique des murs, elle a mis en évidence de nombreux remaniements au XVIIe ou au XVIIIe s. (fig. 7).

Ensuite, l’espace a peu évolué jusqu’à la création du musée Rolin. Il est savoureux de noter qu’un aménagement muséographique avait entraîné le décaissement partiel de la salle étudiée ici. Un creusement qui a entamé le rempart du castrum, sans qu’on s’en soit rendu compte à l’époque !

Fig. 7 : Analyse du mur nord de l’hôtel Lacomme. Les informations sont enregistrées sur une tablette numérique.
Fig.8 : L’interruption du chantier est mise à profit pour engager les études spécialisées.

Une affaire à suivre…

Aujourd’hui, il reste encore plus d’un mètre à fouiller, mais le chantier a été interrompu (fig. 8). En effet, le bas de tous les murs de l’hôtel Lacomme a été atteint. Les acteurs en charge du projet sont en train d’élaborer une méthode de reprise en sous-œuvre permettant de répondre aux objectifs du projet architectural. Ces contraintes techniques nécessiteront d’adapter nos méthodes de fouilles : c’est la perspective d’un nouveau défi pour les archéologues. Alléchant !

Fig.9 :Vue générale : la prison panoptique (au centre), le palais de justice (à gauche) et les hôtels Lacomme et Rolin (à droite).

Opération d’archéologie préventive conduite en 2023 sur la commune d’Autun, dans l’angle nord-est de l’hôtel Lacomme, en vue de la création du musée Panoptique.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne-Franche-Comté

Maîtrise d’ouvrage : Ville d’Autun

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jessy Crochat) et le Service Archéologique de la Ville d’Autun

Équipe de terrain

  • BELOT Antoine* (SAVA)
  • COUDERC Clarisse (SAVA)
  • CROCHAT Jessy* (RO)
  • DESSOLIN Tristan (SAVA)
  • LABAUNE Yannick* (RA, SAVA)
  • LARATTE Sébastien* (géomorphologue)
  • LORPHELIN Auriane* (spécialiste du lapidaire)
  • RUET Charline* (gestionnaire du mobilier)
  • TISSERAND Angélique* (SAVA – topographe)
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • ALASCIA-MORADO Marianne (spécialiste du verre)
  • COLLOMBET Julien (numismate)
  • FLOTTES Laurie (anthracologue, carpologue)
  • GILLES Amaury (céramologue)
  • LABALME Maud (céramologue)
  • POLINSKI Alexandre (pétroarchéologue)

Des squelettes dans la cave : archéologie funéraire à Corbeil-Essonnes

Des squelettes dans la cave

Archéologie funéraire à Corbeil-Essonnes

Durant l’hiver 2023-2024, une équipe d’archéologues a mené une fouille dans la cave d’un pavillon du quartier Montconseil à Corbeil-Essonnes (fig. 1). Cette opération a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie d’Île-de-France. Elle fait suite à la découverte fortuite de squelette, alors que le propriétaire réalisait des travaux de rénovation dans son sous-sol. Les quatre pièces de la cave ont été fouillées, pour une surface de 52 m².

 

Fig.1 : Fouille d’une sépulture à l’aide d’un outillage spécialisé. Le contexte d’intervention a nécessité un éclairage artificiel.
Fig.2 : Plan des vestiges dans la cave.

Un cimetière mal connu

Ce propriétaire n’est pas le premier du quartier à faire une macabre découverte. La présence d’un cimetière du début du Moyen Âge dans ce secteur est connue depuis longtemps. Plusieurs sarcophages en plâtre, typiques de cette période, ont été découvert depuis le XIXe siècle. Les érudits ont alors supposé que ces inhumations étaient liées à la chapelle Notre-Dame-des-Champs, qui aurait été construite au VIIe siècle sur un temple païen honorant une source. Mais il ne subsiste aucune trace de ces constructions, et les sépultures de ce cimetière n’avaient jusque-là jamais pu faire l’objet d’une étude scientifique.

Des tombes bien rangées

La fouille a permis de découvrir 38 sépultures réparties dans les quatre pièces de la cave (fig. 2). Malgré plusieurs affleurements rocheux, les sépultures ont été disposées selon des rangées parallèles, qui ont perduré durant les sept siècles d’utilisation du cimetière, entre le IIIe et le Xe siècle après J.-C. Elles ont à peine été décalées vers l’est entre la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge.

Fig.3 : Sépulture antique en cours de fouille. Si les planches ont disparu, des traces de bois et des clous permettent de restituer la manière dont les défunts ont été enterrés.
Fig.4 : Les tombes font l’objet d’un dessin minutieux

Des découvertes plus anciennes que prévu

Ce cimetière est plus ancien que ce que les érudits du XIXe siècles supposaient. Les premières inhumations datent de la fin de l’Antiquité. Cela prouve la vocation funéraire de ce secteur bien avant la construction de la chapelle. Durant le Bas-Empire, les défunts sont enterrés allongés, sur le dos, dans un coffrage en bois déposé dans une fosse profonde (fig. 3).

Des sarcophages mérovingiens

Au début du Moyen Âge, les pratiques funéraires évoluent. Les défunts sont désormais enterrés dans des sarcophages en plâtre. Cette pratique est très répandue en Île-de-France. Les cuves sont parfois ornées de décors sur les parois extérieures. À Corbeil, dix sarcophages ont été découverts (fig. 4). Aucun ne porte de décors, ils renferment tous un seul défunt – alors qu’il est courant d’en trouver plusieurs. Les sarcophages sont disposés côte à côte en « éventail » (fig. 5)

Fig.5 : Les sarcophages de la pièce 1 en cours de fouille.
Fig.6 : Croix et rosace gravées sur les deux faces d’un bloc recouvrant une tombe.

Une pierre singulière

L’un des sarcophages était surmonté d’un bloc de pierre tendre, taillé et sculpté. Ce bloc n’est pas complet et il est difficile de lui restituer sa forme d’origine. On peut toutefois distinguer une partie de rosace, tandis que la face opposée possède une croix latine et une croix inscrite dans un cercle (fig. 6). Ces motifs sont régulièrement présents sur les sarcophages en plâtre et évoquent le domaine funéraire, mais également les ornements qui peuvent figurer sur les façades des lieux de culte chrétiens.

Après la fouille

Les squelettes vont être analysés en laboratoire. Les spécialistes vont déterminer le sexe des individus, leur âge au décès et leurs conditions de vie. La position des ossements et du mobilier dans la tombe sera étudiée afin de préciser les gestes qui ont entouré la sépulture : comment est-elle constituée, comment le mort est-il déposé dans la fosse, y a-t-il eu des réouvertures ?

Plus généralement, l’objectif est de mieux connaître la population qui vivait ici durant l’Antiquité et le Moyen Âge, mais également de comprendre l’évolution des traditions funéraires au cours de ces périodes. Les résultats seront présentés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’hiver 2024 sur la commune de Corbeil-Essonnes dans le quartier Montconseil, en préalable à la rénovation de la cave d’un pavillon particulier.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Île-de-France

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Clément Viau)

Équipe de terrain

  • Clément Viau* (RO)
  • Debborah Maguin
  • Annelise Juillard*
  • Marine Chesneau
  • Mylène Wasylyszn*
  • Guilhem Turgis
  • Sébastien Laratte
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de Post-fouille

  • Marion Legagneux
  • Maud Labalme
  • Clément Tournier
  • Julien Collombet
  • Pierre Cargouët
  • Auriane Lorphelin
  • Sandrine Swal
  • Clément Chavot
  • Gillian Filiz
  • Marie-José Ancel

Cercles et poteaux disparus : Il y a 2500 ans, une exploitation agricole à Chaniers

Cercles et poteaux disparus

Il y a 2500 ans, une exploitation agricole à Chaniers

Au printemps 2022, une équipe d’Archeodunum a mené une fouille archéologique à l’ouest de la commune de Chaniers (Charente-Maritime), aux abords du chemin de la Tonnelle. Cette opération, prescrite par le Service Régional de l’Archéologie, était motivée par un projet immobilier de la société SEMIS. L’emprise de fouille a couvert une surface de 1,5 hectare, où près de 400 vestiges ont été mis au jour (fig. 1), révélant un domaine agricole du premier millénaire avant J.-C.

 

Fig.1 : Vue générale du chantier.
Fig. 2 : Une empreinte de poteau avec ses pierres de calage.

Un site à trous

Le temps et l’érosion ayant eu raison des superstructures, des niveaux de sol et des foyers, Florent Ruzzu et son équipe ont essentiellement dégagé des empreintes de poteaux. Ces dernières sont bien conservées : elles sont profondément creusées dans le sol et contiennent pour la plupart les pierres qui calaient les poteaux en bois, aujourd’hui disparus (fig. 2). Ces trous dessinent des alignements, des plans d’édifices qui nous permettent de restituer l’organisation d’une vaste exploitation agricole, datant d’il y a près de 2500 ans (fin du premier et début du second âge du Fer ; fig. 3).

Fig. 3 : Plan général de l’établissement agricole vers 500 avant J.-C.
Fig. 4 : Détail d’un dispositif d’entrée. Dans une tranchée, on distingue les calages en pierre et les négatifs des poteaux.

Un enclos palissadé

Plus de 150 poteaux de section carrée clôturent une surface initiale d’au moins 4 500 m2, ensuite réduite à 3 000 m2. Dans sa dernière phase, le côté oriental semble avoir réutilisé des petits bâtiments. La clôture est percée de plusieurs entrées monumentales, suffisamment larges pour le passage de chars ou de charrettes. Elles sont encadrées par une paire de tranchées espacées de 1,80 m dans lesquelles sont installés des poteaux jointifs (fig. 4).

Des habitations circulaires

Le cœur de ce vaste espace est occupé par un bâtiment circulaire de 140 m2. Celui-ci se compose de trois rangées concentriques de poteaux, avec un accès au sud-est (fig. 5). L’édifice était construit sur ossature de bois, les murs étaient en terre crue et le toit probablement en chaume. Mal conservée, une seconde maison circulaire, plus petite, existe probablement au sud de la fouille.

Ce type de plan est fréquent dans les régions le long de la mer du Nord et de la Manche, en Bretagne ainsi qu’en Pays de la Loire. Celui de Chaniers est le bâtiment circulaire le plus méridional reconnu à ce jour.

Fig. 5 : Vue aérienne de la maison ronde. Les lignes jaunes dessinent les plans des bâtiments.
Fig. 6 : Restitution d’un grenier surélevé, analogue à ceux de Chaniers (Hunebedcentrum, Borger, Pays-Bas).

Des greniers, des greniers…

Une trentaine de constructions sur quatre poteaux sont regroupées à proximité des maisons circulaires (voir fig. 1), ou de façon plus disséminée. Ces petits bâtiments de plan carré caractéristique sont probablement des greniers surélevés, destinés à la conservation des récoltes (fig. 6).

Un domaine de prestige ?

L’organisation et l’ampleur des aménagements découverts à Chaniers suggèrent qu’il s’agit d’un domaine agricole de grand statut, jouant un rôle majeur dans la région. La proximité de la Charente, axe de communication majeure, renforce probablement cette position. Il est à noter que des fouilles menées en 2009 sur une parcelle voisine complètent le tableau, avec, en particulier, de grands monuments circulaires à vocation funéraire.

Fig. 7 et 8 : Différents modes d’enregistrement des données de fouille, via la tablette numérique et le dessin.

Des silex et des vignes

D’autres occupations humaines ont été détectées. À partir du Paléolithique moyen (il y a 300 000 ans), les hommes de Néandertal ont exploité des gisements de silex. Bien plus près de nous, tout un réseau de fosses témoigne de la culture de la vigne, attestée dès le XVIIIe siècle sur des documents cartographiques.

Un copieux rapport scientifique

Après deux ans de travail, les archéologues ont achevé l’étude des découvertes. Ils ont compilé leurs données, leurs analyses et leurs résultats dans un copieux rapport (fig. 7 et 8). Ce document est remis au Service Régional de l’Archéologie, puis examiné par des experts mandatés par le ministère de la Culture. Une fois validé, le rapport sera mis à disposition sur la plateforme scientifique HAL.

Opération d’archéologie préventive conduite au printemps 2022 au chemin de la Tonnelle à Chaniers, en préalable à la construction d’un lotissement.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Nouvelle-Aquitaine.

Maîtrise d’ouvrage : SEMIS

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Florent Ruzzu)

Histoire d’os et d’eau sous la clinique du Parc

Histoire d’os et d’eau sous la clinique du Parc

C’est au cœur d’Autun, au 6 avenue du Morvan, qu’Archeodunum a réalisé une fouille en préalable à l’extension de la Clinique du Parc. L’équipe, dirigée par Mélanie Lefils et Jérôme Besson, est intervenue durant 10 semaines au cours de l’été 2019, sous les fenêtres de la clinique (fig. 1). Sur 4 mètres de profondeur, les archéologues ont exploré un point singulier de la ville romaine, articulation entre son rempart, une de ses rues principales et l’angle d’un îlot construit. Des masses considérables d’ossements témoignent d’activités de boucherie et d’artisanat.

 

Fig. 1 : Vue générale du chantier © A. Maillier – Bibracte
Fig. 2 : Emplacement de la fouille dans le contexte de la ville romaine. © Archeodunum d'après Service archéologique de la ville d'Autun.

Les raisons de l’intervention

C’est l’extension de la Clinique du Parc qui a motivé l’intervention des archéologues, sur prescription du Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne-Franche-Comté. Un diagnostic préalable à l’opération a confirmé l’organisation de la ville antique, telle qu’on l’envisageait dans ce secteur depuis des fouilles réalisées en 1989 et 2001 (construction de la Clinique du Parc et de l’Hôpital). Nous nous situons ainsi à l’intérieur du rempart d’Augustodunum, à l’extrémité occidentale d’un grand axe de circulation structurant la ville.

La principale problématique scientifique résidait dans l’articulation entre cette voie majeure et une bande de terrain dite « non constructible » longeant le rempart. La fouille devait également permettre d’appréhender l’angle d’un îlot d’habitation, dont une partie avait déjà été explorée en 2001, et de confirmer ou non la présence d’une tour sur le tracé de l’enceinte (fig. 2).

Fig. 3 : Examen d'un remblai © A. Maillier - Bibracte
Fig. 4 : L’angle de l’îlot VIII/IX 3 © A. Maillier – Bibracte

Petit mais costaud

La fouille a concerné une emprise de 440 m², pour une épaisseur totale de 4 m. Cette profondeur importante a nécessité la présence constante d’une mini pelle mécanique, pour gérer les déblais, et l’aménagement de paliers successifs, pour garantir la sécurité. Au plus bas, la fouille s’est ainsi réduite à 100 m². L’équipe n’en a pas moins identifié 750 couches archéologiques, qui témoignent de l’évolution constante de ce secteur de la ville durant l’Antiquité, entre le Ier et le IVe siècle après J.-C. (fig. 3).

Un angle et des bases

Au nord de la fouille, l’équipe a identifié l’angle de l’îlot urbain déjà largement fouillé en 2001 sous l’hôpital (îlot VIII/IX 3 selon le découpage scientifique en vigueur). Plus précisément, il s’agit d’un mur scandé tous les 4 m par des blocs monumentaux en grès, destinés à accueillir des colonnes (fig. 4). L’ensemble devait former une galerie couverte, comparable par exemple aux arcades de Louhans. Dans un second temps, ce dispositif est abandonné et la façade de l’îlot est reculée de quelques mètres.

Fig. 5 : États successifs de la rue, sillonnée de canalisations © A. Maillier – Bibracte
Fig. 6 : Objets trouvés dans les remblais de la rue : fragments d’enduits peints, assiette et colonnette.

Une des plus grandes rues d’Augustodunum

L’essentiel du site est occupé par la rue nommée decumanus D9, un axe majeur et central de la ville romaine. L’emprise totale de façade à façade, documentée ailleurs dans la ville, approche les 20 m. À la Clinique, l’épaisseur de la chaussée atteint 1,30 m, résultat de multiples réfections. Des remblais, très riches en mobilier, y alternent avec des surfaces de roulement, pavées de cailloux (fig. 5-6).

Que d’eau, que d’eau

Un autre élément remarquable est la grande quantité de dispositifs liés à la gestion de l’eau. Une vingtaine de structures ont été reconnues, se transformant ou se succédant : caniveaux à ciel ouvert entre la rue et les bâtiments, canalisations en bois enterrées pour l’eau propre. Cette profusion rappelle que les rues romaines, à l’instar de nos rues d’aujourd’hui, ne servent pas qu’à la circulation, mais sont également sillonnées de multiples réseaux techniques.

Fig. 7 : Amas d’ossements animaux provenant d’une activité de boucherie.
Fig. 8 : Les ossements sèchent après lavage.

Inconstructible mais colonisé

Au pied du rempart, la bande de terrain non constructible est large de 12 m. Sur notre emprise, ce secteur a livré là aussi des revêtements successifs, indices d’un espace de circulation se rehaussant au fil du temps. Cette zone de marge a également servi de dépotoir, comme en témoignent notamment des masses considérables d’ossements animaux (fig. 7). Ces restes proviennent d’activités de boucherie. Pour partie, ils sont récupérés pour fabriquer des objets (tabletterie).

La tour invisible

Les paliers de sécurité n’ont pas permis d’approcher la potentielle tour. On peut la restituer dans l’axe de la rue et de plan circulaire (diamètre d’environ 11 m), à l’instar de la tour vue au nord vers l’hôpital ou de celle encore conservée dans le parking souterrain de l’Hôtel des Ursulines.

Fig. 9 : Vue générale du chantier au petit matin.

Après la fouille

À l’issue du chantier, le terrain a été investi par les travaux d’extension de la Clinique du Parc. Côté archéologie, nos experts ont étudié l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu et circulé dans ce secteur de la ville romaine d’Augustodunum (fig. 8). Au terme de plusieurs mois de travail, tous les résultats ont été synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’été 2019 au 6, avenue du Morvan à Autun, en préalable à l’extension de la Clinique du Parc.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté.

Maîtrise d’ouvrage : SAI du parc

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jérôme Besson)

Archeodunum renouvelle son agrément et vous permet de le découvrir en détail

Archeodunum renouvelle son agrément et vous permet de le découvrir en détail

C’est avec plaisir et fierté qu’Archeodunum SAS met à votre disposition son bilan et projet scientifique, extraits de son « dossier de renouvellement d’agrément ».

Ce dossier, qui doit être réglementairement produit tous les cinq ans, permet d’obtenir un agrément ministériel. C’est en quelque sorte un « permis de fouille » d’Etat, sans lequel il ne nous serait pas possible de réaliser nos opérations d’archéologie préventive. Cette démarche permet à l’Etat de contrôler le bon fonctionnement et la qualité scientifique de l’archéologie en France.

Une double validation

Soumise au ministère de la Culture, la demande fait l’objet d’une double expertise : administrative d’abord, par la Sous-direction de l’archéologie (SDA), puis scientifique, par des membres du Conseil National de la Recherche Archéologique (CNRA). Ce conseil se prononce ensuite sur la validité du dossier et recommande (ou non) la délivrance de tout ou partie de l’agrément, par grandes périodes chronologiques. Enfin, le ministère sanctionne la demande.

Un vaste effort collectif

Le dossier d’agrément est un travail de grande ampleur et une véritable œuvre collective : 1600 pages, 40 contributions différents représentant autant de spécialités, et 270 journées de travail ! Il se veut la synthèse de notre activité scientifique entrer 2019 et 2023.

Grâce à ce document, nous avons entièrement renouvelé notre agrément, soit pour les périodes chronologiques allant du Néolithique à l’époque contemporaine. L’arrêté ministériel a été publié le 12 janvier 2024.

Au cœur de l’archéologie

Si ce dossier est d’abord un document à destination administrative, n’ayant pas nécessairement vocation à être diffusé, il éclaire le travail scientifique de nos archéologues. C’est pourquoi nous avons choisi de vous en livrer de larges parties représentatives de notre activité scientifique.

  • Chapitre 7 : Bilan et perspectives par période chronologique

Ce chapitre présente les découvertes faites par nos équipes entre 2019 et 2023, ainsi que nos projections pour les années à venir. Chacune des grandes périodes chronologiques de notre agrément est évoquée : Néolithique, âges des Métaux, Antiquité, Moyen âge, période moderne, période contemporaine.

  • Chapitre 8 : Bilan et perspectives par spécialité

Ce chapitre présente de façon thématique le travail de nos spécialistes. C’est un véritable voyage dans les coulisses de la recherche, entre squelettes et archives, archéologie du bâti et étude des graines, objets de toutes sortes : ce sont près de 20 sujets spécifiques qui sont abordés ici.

  • Chapitre 9 : Participation à la recherche et insertion dans le paysage scientifique

Ce chapitre montre comment nos archéologues participent de manière active à la recherche scientifique au niveau national et international. Il présente également les moyens mis à disposition par Archeodunum pour encourager cette participation.

  • Chapitre 11 : Bilan au regard de la Programmation Nationale de la Recherche Archéologique

Ce chapitre reprend l’ensemble de nos données acquises et de nos perspectives pour les articuler avec la Programmation Nationale de la Recherche Archéologique. Cette programmation, élaborée par le CNRA, propose à l’échelle nationale les grandes orientations scientifiques de la recherche archéologique. Cette programmation a été mise à jour à la fin de l’année 2023. Elle est en téléchargement libre sur le site du ministère de la Culture.

Téléchargez les extraits du volume d’agrément (PDF, 450 pages) ou consulter sur HAL.

 

Enquête archéologique à Mende

Enquête archéologique à Mende

C’est dans le cadre de la redynamisation du centre-ville de Mende, plus spécifiquement du quartier du nouveau musée du Gévaudan, que des archéologues de la société Archeodunum ont étudié deux maisons (fig. 1). Les travaux envisagés sur ces habitations, occupées du milieu du Moyen Âge à nos jours, ont conduit le Service Régional de l’Archéologie de la région Occitanie à demander une étude archéologique du bâti : une belle opportunité d’en savoir plus sur la forme et l’évolution des maisons mendoises. Durant l’hiver 2023, les archéologues ont ainsi analysé l’enchevêtrement de murs d’époques différentes, permettant de mieux faire connaître ce patrimoine.

 

Fig. 1 : Sous la salle 5, redécouverte et exploration d'une cave voûtée.
Fig. 1 : Sous la salle 5, redécouverte et exploration d'une cave voûtée.
Fig. 2 : Localisation des maisons dans la ville de Mende.
Fig. 2 : Localisation des maisons dans la ville de Mende.

Au cœur historique de Mende

Les maisons, sises aux 7 et 9 rue de la Liberté, appartiennent à la trame urbaine de Mende qui s’est formée autour d’un noyau primitif centré sur la cathédrale d’origine carolingienne (fig. 2). Au XIIe siècle, la ville couvre une superficie de plus de 8 hectares protégée par des fortifications. C’est au siècle suivant que sont construites les habitations, ainsi que l’ont démontré nos datations au carbone 14.

Ces maisons s’organisent sur six niveaux : des caves en partie sous la voirie, un rez-de-chaussée, trois étages et un niveau de combles, desservis par un escalier en vis. Les investigations archéologiques se sont concentrées sur les rez-de-chaussée et une salle du premier étage, seuls espaces impactés par les travaux (fig. 3).

Fig. 3 : Plan du rez-de-chaussée (en gris) et des caves (en bleu). Sous la salle 7, la cave déborde sous la rue de la Liberté et sous la Place au Beurre
Fig. 3 : Plan du rez-de-chaussée (en gris) et des caves (en bleu). Sous la salle 7, la cave déborde sous la rue de la Liberté et sous la Place au Beurre
Fig. 4 : Extrait du relevé au scanner 3D. L'échelle chromatique va du plus bas (bleu) au plus haut (rouge).
Fig. 4 : Extrait du relevé au scanner 3D. L'échelle chromatique va du plus bas (bleu) au plus haut (rouge).

Du laser pour étudier le passé

Cécile Rivals et son équipe ont mis en œuvre différents outils, dont un relevé par scanner 3D (fig. 4). Grâce à un rayon laser, cette technologie permet de mesurer et de restituer les volumes d’un bâtiment avec une très grande précision. Elle est particulièrement bien adaptée à l’analyse de volumes complexes, comme c’est le cas ici.

Les archéologues s’attellent ensuite à étudier les élévations des maisons (fig. 5 et 6). Ils cherchent à identifier les modifications, les ajustements et les changements de parti survenus au cours du temps et des travaux. Les matériaux, les marques lapidaires, les traces d’outils et de mise en œuvre documentent les modes de construction (fig. 6 et 7).

Fig. 5 : Salle 1. Relevé phasé du mur nord.
Fig. 5 : Salle 1. Relevé phasé du mur nord.
Fig. 6 : Salle 1. Les archéologues étudient le mur nord.
Fig. 6 : Salle 1. Les archéologues étudient le mur nord.

Porte à accolade et cave légendaire

Sous les enduits muraux récents et les faux-plafonds, plusieurs ouvertures (portes, dont une à accolade (fig. 8), fenêtres, niches) témoignent de nombreux états successifs (fig. 5 et 9). Ces ouvertures révèlent également qu’une partie du rez-de-chaussée actuel a été un espace extérieur à la fin du Moyen Âge. Il s’agissait probablement d’une rue traversant l’îlot selon un axe nord/sud, comme le laisse entendre une mention écrite de la fin du XVIIIe siècle à propos d’un conflit de voisinage.

Les investigations ont permis de redécouvrir une cave (fig. 1). En effet, un habitant de Mende nous a rapporté la “légende” de l’existence d’une cave, bouchée au milieu du XXe siècle. C’est dans la salle 5, sous une dalle de béton, qu’a resurgi un accès. Cette cave, couverte d’une voûte sur croisée d’ogives, appartient à l’état le plus ancien du bâtiment. Son comblement récent proviendrait du démontage d’un four à pain, initialement installé dans la salle 5.

Fig. 7 : Détail d'un bloc taillé. La lumière rasante fait apparaître les traces caractéris-tiques du marteau taillant.
Fig. 7 : Détail d'un bloc taillé. La lumière rasante fait apparaître les traces caractéris-tiques du marteau taillant.
Fig. 8 : Porte à accolade, bouchée ultérieurement.
Fig. 8 : Porte à accolade, bouchée ultérieurement.

Et maintenant ?

Après le départ des archéologues, les travaux ont pu se poursuivre afin que ces deux maisons du centre historique de Mende soient transformées en commerces. De son côté, l’équipe d’archéologues entreprend un long travail d’analyse des données (relevés, photographies, prélèvements, documents d’archive), afin de comprendre comment on a vécu dans ces maisons de Mende à partir du Moyen Âge. Toutes ces informations seront rassemblées dans un rapport d’étude, qui sera remis à l’État et à la municipalité.

Fig. 9 : Salle 5, mur sud, premier étage. Il s'agit du mur le plus ancien de la maison.
Fig. 9 : Salle 5, mur sud, premier étage. Il s'agit du mur le plus ancien de la maison.

Opération d’archéologie préventive conduite en 2023 sur la commune de Mende (Lozère) au 7-9 rue de la Liberté, en préalable à la restauration des rez-de-chaussée.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de la région Occitanie.

Maîtrise d’ouvrage : communauté de communes Cœur de Lozère

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Cécile Rivals)

Familles, pierres et feux. Un habitat de bâtisseurs de mégalithes à Locmariaquer ?

Familles, pierres et feux

Un habitat de bâtisseurs de mégalithes à Locmariaquer ?

C’est à l’automne 2023 qu’une équipe d’Archeodunum a réalisé une fouille archéologique sur la commune de Locmariaquer (Morbihan ; Fig. 1). Cette opération, prescrite par le Service Régional de l’Archéologie de Bretagne, était motivée par la création d’un lotissement au sud de la rue Er Hastel. Les archéologues ont mis au jour les vestiges d’une vaste et complexe occupation datée du Ve millénaire avant notre ère, qui pourrait bien avoir abrité des bâtisseurs de mégalithes.

 

Fig.1 : Les archéologues fouillent et documentent des foyers dits "à pierres chauffées".
Fig. 2 : Plan général des vestiges.

Au cœur du Morbihan néolithique

Le site prend place dans le bourg de Locmariaquer, à seulement 250 m du port s’ouvrant sur le golfe du Morbihan. Le contexte archéologique est riche, puisque de nombreux sites mégalithiques datés du Néolithique sont recensés dans le secteur, dont le célèbre ensemble du Grand Menhir et de la Table des Marchands, situé à seulement 700 m au nord.

La fouille s’est déroulée sur une surface de près de 8 000 m² (Fig. 2). L’équipe, sous la direction d’Audrey Blanchard, a exploré plus de 450 aménagements, appartenant pour leur grande majorité au Néolithique moyen (Fig. 3).

Fig. 3 : Outils en silex (g.) et fragments de poteries (d.)
Fig. 4 : Retrait des terres de recouvrement à l'aide d'une pelle mécanique. Une fois repérés, les vestiges archéologiques sont balisés à l'aide d'une peinture fluorescente.

Un habitat à l’abri d’une enceinte

La fouille a tout d’abord révélé l’existence d’un habitat, regroupant au moins sept bâtiments quadrangulaires de dimensions variables (Fig. 2). Au sud, quatre constructions s’organisent autour d’un espace central de 600 m², occupé par une quinzaine de grands foyers (Fig. 1, 4). Ces derniers sont constitués de nombreuses pierres rougies par la chaleur installées dans des fosses, sur des lits de charbons. Ces dispositifs dits « à pierres chauffées » sont utilisés pour des cuissons alimentaires. D’autres fosses contiennent de nombreux fragments de céramiques, du silex taillé et des fragments de meule, qui confortent l’idée d’une occupation domestique (Fig. 5). Ce probable village est limité au sud par une enceinte composée d’un double fossé et d’une palissade. Une interruption au sud-est permet d’accéder à l’habitat via un chemin empierré.

Des stèles et des foyers par dizaines

À l’est de l’habitat, les archéologues ont identifié une dizaine de fosses contenant des dispositifs de calage de stèles, ou menhirs (Fig. 2, 6). Des trous de poteau (pour aider à la mise en place des blocs ?) et une impressionnante série d’une trentaine de foyers à pierres chauffées semblent associés à ces aménagements. Un peu comme pour le site du Grand Menhir, ultime témoin d’une ligne de 18 pierres dressées dont ne subsistent que les fosses d’installation, les stèles d’Er Hastel ont aujourd’hui disparu (prélevées pour d’autres constructions au Néolithique ou plus récemment ?), mais un ou plusieurs alignements (nord/sud notamment) peuvent être envisagés.

Fig. 5 : Quelques-uns des foyers à pierres chauffées.
Fig. 6 : Fosse contenant des pierres de calage pour une stèle aujourd'hui disparue. La zone sans pierre marque son emplacement.

Il y a 6 000 ans, au temps de la Table des Marchands

Les premiers éléments de datation sont principalement issus de la production céramique. Ils renvoient tous à la période du Néolithique moyen, autour de 4 200 à 4 000 avant notre ère. En particulier, des coupes-à-socle (Fig. 7), vases typiques de cette période, sont analogues à celles découvertes à la Table des Marchands et au Grand Menhir. Cette proximité chronologique et géographique est tout à fait remarquable. Sommes-nous en présence d’un lieu où habitaient les populations qui ont bâti ces mégalithes ? Le cas échéant, une telle association serait une première, ce qui confère un intérêt majeur à ces découvertes.

Et après ?

Sur le terrain, le site a été rebouché et restitué pour la création du lotissement. Côté archéologie, nos experts vont analyser les données et étudier l’ensemble des éléments recueillis (objets en céramique, en pierre, etc.). Les nombreux charbons de bois prélevés lors de la fouille seront soumis à des datations par le radiocarbone, ce qui permettra d’affiner la chronologie des vestiges et de préciser les relations entre les différents aménagements : bâtiments, enceinte, foyers, calages de stèle. S’agit-il des composantes d’une même occupation, ou des témoins d’une fréquentation étalée sur plusieurs siècles ? Tous les résultats seront rassemblés dans un rapport de fouille abondamment documenté, qui permettra d’enrichir encore la longue histoire de Locmariaquer et de sa région.

7 : Coupe-à-socle, fragment et restitution graphique.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’automne 2023
sur la commune de Locmariaquer, au lieu-dit “Er Hastel”,
en préalable à la création d’un lotissement.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bretagne

Maîtrise d’ouvrage : SAS Acanthe

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Audrey Blanchard)