L’établissement rural et les nécropoles antiques de Vaulx-Milieu (Isère)
Présentation générale
L’opération de fouille préventive réalisée sur le site de Vaulx-Milieu – « Les Brosses et Les Croisettes » a été réalisée entre le 24 juillet et le 24 novembre 2017. Le rapport de fouille, en cours de finalisation, nous permet de revenir sur ce site antique et sur ses nécropoles associées.
Cette fouille a eu lieu dans le cadre d’un vaste projet d’aménagement lié à l’extension vers l’est de l’actuelle ZAC du Parc Technologique, à 5 km à l’ouest de Bourgoin-Jallieu et à proximité immédiate des anciens marais de La Verpillère. Bien que le potentiel archéologique de ce secteur soit connu depuis de nombreuses années, aucune fouille archéologique de cette envergure n’y avait encore été menée. L’emprise prescrite, encadrée au nord par l’autoroute A43 et par la route D1006 (ancienne RN6) au sud, a permis d’étudier une surface totale de 39 800 m² répartie en 5 secteurs distincts. Plusieurs indices d’occupations y ont été mis au jour. Les premières traces se rapportent à la fin de la Protohistoire (La Tène D2b) et correspondent à des ensembles de structures en creux (fosses et trous de poteau) pour lesquels il est difficile de proposer une organisation cohérente. Il semble en effet qu’une partie des vestiges ait été effacée par les installations postérieures.
L’établissement rural
L’essentiel des découvertes concerne l’Antiquité. Une première occupation, matérialisée par un petit bâtiment maçonné carré de 7 m de côté, a livré les traces d’une fréquentation au cours de la seconde moitié du Ier s. apr. J.‑C. Suite à son abandon et à sa démolition, un second édifice plus vaste (600 m²) est fondé à une vingtaine de mètres plus à l’ouest. Il prend la forme d’un grand rectangle comportant un ensemble de pièces et d’espaces disposés en périphérie d’une cour intérieure. Sa fouille a mis en évidence les indices d’une activité agricole importante avec notamment un vaste espace de stockage comportant un plancher disposé sur un vide sanitaire. On note également l’adjonction d’un espace sous appentis appuyé contre sa façade méridionale et abritant une forge. Cet établissement rural est occupé entre la fin du Ier s. apr. J.‑C. et le début du Ve s., il a connu au moins deux incendies au cours de son occupation.
Cette fouille a également permis la découverte de deux ensembles funéraires antiques pouvant être rattachés à l’établissement agricole : une première nécropole regroupant des sépultures secondaires à crémations (à 100 m au nord-ouest du bâtiment) et une seconde dédiée aux inhumations de périnataux (à 20 m au nord du bâtiment). L’organisation spatiale de ces différents éléments ainsi que leur chronologie sont en effet cohérentes et permettent d’appréhender la gestion des morts dans un contexte bien défini.
La nécropole à crémations : les adultes
La vingtaine de tombes qui compose cet espace funéraire est centrée sur la seconde moitié du IIe s. apr. J.‑C. La plus précoce (100‑150 apr. J.-C.) est une des plus richement dotées et appartient à un adolescent. Toutes les autres tombes sont celles d’individus de taille adulte.
Plusieurs éléments caractérisent cette nécropole et en font un cas original.
Toutes les tombes ont fait l’objet d’un dépôt des résidus de crémation directement dans la fosse. La majorité du mobilier mis au jour provient du bûcher et a souffert de l’exposition au feu. Il semble y avoir une bipartition de l’espace funéraire, entre est et ouest, vraisemblablement induite par une différence de statut social. Cela se traduit par la richesse et la quantité de mobilier (diversité des offrandes, phénomène de thésaurisation d’objets, présence de récipients en verre, en alliage cuivreux, offrandes alimentaires plus ou moins variées…) et par la morphologie de la sépulture (système d’alcôve latérale, dimensions).
Des analyses physicochimiques réalisées sur trois récipients en verre ont permis de dire que, dans deux cas au moins, ils avaient été déposés remplis dans la tombe. Un fort signal de raisin indique ainsi la présence de vin ou de vinaigre, mélangé à une huile végétale parfumée, et dans un cas à de la cendre végétale (préparation de type savon) et dans un autre à un corps gras animal (probablement un produit laitier). Ces mélanges sont étonnants d’autant qu’ils se retrouvent dans des récipients totalement différents, à savoir deux balsamaires et un modiolus, et dans deux tombes éloignées spatialement et chronologiquement.
L’utilisation de tuiles dans ces structures liées à la crémation est, à notre connaissance, également originale. Les imbrices notamment semblent avoir été utilisées comme réceptacles durant la cérémonie funéraire (pour y déposer des offrandes, de l’encens ?) avant d’être placées dans la tombe, mais sans codification particulière, leur position étant chaque fois différente.
La nécropole à inhumations : les périnataux
Les 24 inhumations recensées au sein de ce second espace funéraire se caractérisent par l’emploi systématique de tuiles, le plus souvent il s’agit d’une imbrex servant de réceptacle pour le corps, elle est parfois surmontée d’une seconde imbrex qui vient recouvrir le défunt. Une seule sépulture se caractérise par un dépôt en amphore. Une autre sépulture comprend une bâtière constituée de quatre tegulae et enfin deux tombes présentent des coffrages plus ou moins sommaires constitués de tuiles, de pierres et de galets.
En l’absence de mobilier, seules quelques tegulae et un récipient en céramique, offrent un TPQ au IIe siècle après J.-C. Cette datation et la localisation de la nécropole permettent d’établir sa contemporanéité avec l’occupation du bâtiment.
Jérôme Grasso et Marie-José Ancel