Archives de catégorie : Periode

À Sahurs, une des plus vieilles églises de Normandie ?

À Sahurs, une des plus vieilles églises de Normandie ?

L’église Saint-Sauveur de Sahurs est nichée au creux d’une boucle de la Seine, à la limite entre l’Eure et la Seine- Maritime (fig. 1). Avant d’engager des travaux de restauration, les différents acteurs de ce projet (mairie, architecte) ont souhaité en savoir plus sur l’histoire de cet édifice.

Une équipe d’archéologues du bâti, spécialisés dans l’analyse de monuments conservés en élévation, est alors intervenue durant une semaine. Les résultats permettent de faire remonter l’histoire de l’église au début du xe siècle.

Fig. 1 : L’église de Sahurs avec son cimetière et la Seine en arrière-plan.
Fig. 2 : Façade nord de l’église : le phasage des maçonneries révèle plus de 1000 ans de transformations.

Un édifice composite

L’église de Sahurs montre une juxtaposition de styles architecturaux qui témoignent des modes des différentes époques depuis le Moyen Âge (fig. 2) :

  • Le centre de la nef, ainsi que le choeur sont les parties les plus anciennes : les petites baies hautes qui éclairent la nef sont caractéristiques de la période préromane (x-xie siècles) ; en revanche, la présence de trois contreforts qui scandent ses murs est une originalité pour  l’époque.
  • Trois arcades aujourd’hui bouchées ont ensuite été percées dans les murs de la nef (fig. 3 et 4). Leur fonction reste pour le moment énigmatique : donnaient-elles accès à des bas-côtés ou des galeries dont les vestiges ne nous sont pas parvenus ?
  • Le chevet a été fortement modifié par les restaurations du xxe siècle, mais ces dernières ont respecté la morphologie originelle (doubles colonnes, corniche ponctuée de modillons) que l’on retrouve à la période romane (XIIe siècle).
  • L’entrée, ainsi que les deux premières travées de la nef surmontées par le clocher, sont  typiques du style gothique flamboyant (début du XVIe siècle).
Fig. 3 : Façade sud de l’église, avec les arcades romanes bien visibles dans la partie centrale du monument.
Fig. 4 : Les arcades sont également bien conservées à l’intérieur de l’église.

La plus vieille église de Normandie…

… datée par radiocarbone à ce jour, grâce à l’analyse des charbons piégés dans les mortiers utilisés pour la construction de l’église (fig. 5). Les résultats ont révélé que le monument aurait  été construit au tout début du xe siècle, puis que les arcades de la nef auraient été percées  moins d’un demi-siècle plus tard.

Un décor conservé en place

En enlevant un bloc du comblement des arcades, les archéologues ont mis au jour un décor (fig. 6) : un damier sculpté venait orner les impostes (pierres sur lesquelles retombent les arcs). Ce motif de damier est typique de l’art roman. Sur une autre arcade, un décor plus simple a été observé. Les bouchages en maçonnerie ont sans doute piégé l’ornementation de chaque arcade.

Fig. 5 : Prélèvement de mortier pour des datations au carbone 14.
Fig. 6 : Un bloc orné d’un damier sculpté décorait une arcade romane.

Des résultats au service de la restauration

Cette étude s’inscrit dans le projet de restauration, qui en est à ses débuts : en intégrant les résultats archéologiques, l’architecte Marie Caron et son cabinet vont maintenant élaborer le projet en lui-même. En fonction des travaux envisagés, des études archéologiques complémentaires pourraient venir enrichir le dossier de l’église de Sahurs dans les prochaines années.

La restauration de l’église de Sahurs fait l’objet d’un appel à don de la Fondation du Patrimoine.

Expertise archéologique conduite en mai 2023 sur la commune de Sahurs, en préalable au chantier de restauration de l’église.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Normandie.

Maîtrise d’ouvrage : Commune de Sahurs

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Margaux Lainé)

Équipe

Margaux Lainé (RO)

Jean-Baptiste Vincent

Alexandre Polinski (pétrographie)

De ces pierres… Recherches archéologiques au prieuré de Ternay

De ces pierres, ils ont bâti leur église

Recherches archéologiques au prieuré de Ternay

L’église Saint-Mayol de Ternay (69) se dresse sur un promontoire surplombant la rive gauche du Rhône, ce qui la rend visible de loin particulièrement grâce à son clocher en briques (fig. 1). Afin d’entretenir cet édifice emblématique de son patrimoine, la mairie de Ternay a entrepris des travaux de restauration qui se sont déroulés entre novembre 2020 et décembre 2021.

À la demande du Service Régional de l’Archéologie, une étude archéologique du bâti a été réalisée conjointement à la restauration. Le chantier a concerné les extérieurs de la moitié orientale de l’église. Les archéologues ont aussi documenté des vestiges mis au jour dans les tranchées de réseaux aux abords de l’église. Ces recherches nous en apprennent plus sur les choix constructifs et sur l’histoire de l’édifice.

Fig. 1 : Vue aérienne du prieuré depuis le sud-ouest.
Fig. 2 : Plan de l’église. En rouge, les maçonneries plus anciennes (fond de plan : Sylvie Burki, géomètre-expert DPLG).

L’ancien prieuré de Ternay

L’église Saint-Mayol appartient à un ensemble prieural dépendant de l’abbaye de Cluny (fig.2). La fondation de cet établissement à Ternay remonte, d’après les sources écrites, à la deuxième moitié du Xe siècle au plus tard. L’église, quant à elle, présente des caractéristiques esthétiques qui permettent de placer sa construction au XIe ou au XIIe siècle (fig. 5). La manière dont s’est déroulé ce chantier au Moyen Âge, l’identification des matériaux et des outils utilisés par les bâtisseurs, la restitution des élévations originelles de l’église, sont autant de questions auxquelles l’équipe d’Archeodunum a tenté de répondre.

La pierre : des choix mûrement réfléchis

Les matériaux de construction sont diversifiés et révèlent un approvisionnement réfléchi, fondé sur une bonne connaissance de leurs caractéristiques techniques (fig. 4) :

  • Granite pour les pierres de taille des épaulements et des contreforts ;
  • Molasse pour celles de l’abside ;
  • Calcaire, tuf et brique pour les parties hautes ;
  • Tuf pour les voûtes, en raison de la légèreté de ce matériau.
Fig. 3 : Modillon sculpté de l’abside, représentant un acrobate.
Fig. 4 : Partie nord-est de l’églises, après restauration. On y distingue les différents types de pierre.

Deux mortiers pour deux usages

Le mortier le plus abondamment utilisé se caractérise par de nombreux graviers et cailloux (> 2 mm). Il est approprié pour les joints épais qui séparent les moellons. En revanche, les bâtisseurs ont souhaité réduire l’épaisseur des joints entre les pierres de taille. Pour ce faire ils ont utilisé une recette de mortier différente composée d’une charge sableuse (< 2 mm). Ces deux liants sont utilisés conjointement dans les murs et pour toutes les maçonneries du transept et du chevet (fig. 5), ce qui témoigne d’un approvisionnement maîtrisé du granulat, peut-être même anticipé pour tout l’édifice afin de ne pas en manquer. Il y avait donc au moins deux aires de gâchage durant toute la durée du chantier des parties orientales.

Les parties hautes des murs

Dès l’origine, les murs pignons s’élevaient légèrement au-dessus des toitures. Les parties hautes de l’église ont fait l’objet de nombreuses transformations au fil des siècles mais, au sud, la pierre sommitale du mur pignon est conservée : taillée à la manière d’un fronton dans du calcaire blanc, elle servait de socle à une sculpture aujourd’hui disparue (fig. 6).

Fig. 5 : Mortier sableux entre les pierres de taille de l’arc et mortier caillouteux dans l’appareil du mur.
Fig. 6 : Pierre sommitale du bras sud du transept.

Des traces de construction plus anciennes

À l’est, une maçonnerie passe sous l’abside. Cette structure, partiellement mise au jour au fond d’une tranchée, peut s’apparenter à un socle de fondation de l’église, ou bien être en lien avec un édifice plus ancien. Les archéologues ont mis en évidence d’autres traces de constructions antérieures. En particulier, le bras sud du transept a été construit en englobant un mur plus ancien : conservé sur une hauteur de près de 4 m, ce mur pourrait bien appartenir aux premiers bâtiments du monastère, antérieurs à la construction de l’église romane (fig. 7).

Fig. 7 : Mur ancien englobé dans la construction de l’église romane.
Fig. 7 : Mur ancien englobé dans la construction de l’église romane.

Opération d’archéologie préventive conduite entre novembre 2020 et décembre 2021
sur la commune de Ternay, en accompagnement du chantier de restauration de l’église Saint-Mayol.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : mairie de Ternay

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Camille Collomb)

Équipe de terrain

  • Camille Collomb* (RO)
  • Audrey Baradat-Joly (Anthropologue)
  • Auriane Lorphelin* (Archéo. bâti)
  • David Gandia* (Anthropologue)
  • Guilhem Turgis (topographe)
  • Jessy Crochat (acquisition 3D)
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • Alexandre Polinski – Matériaux/Lithique
  • Cécile Rivals – étude doc.

#AventDunum, calendrier de l’avent du mobilier archéologique

#AventDunum

Petit calendrier de l’avent des découvertes de mobilier archéologique

En décembre, Archeodunum vous propose un calendrier de l’avent d’objets archéologiques mis au jour sur nos chantiers ces dernières années. Jour après jour, une sélection arbitraire, sensible et esthétique de nos coups de cœur, à partager avec vous sur nos réseaux sociaux et sur notre site internet.

Calendrier confectionné par Sandrine Swal, François Meylan et Quentin Rochet avec les nombreuses contributions photographiques des équipes d’Archeodunum, sur les terrains et dans nos agences.

Fours de potiers et bâtiments sacrés : du nouveau sur le passé gallo-romain du Langon

Fours de potiers et bâtiments sacrés :

Du nouveau sur le passé gallo-romain du Langon

En 2021 et 2023, les archéologues d’Archeodunum ont investi Le Langon (85). Les équipes ont exploré deux parcelles très proches l’une de l’autre, à la rue de la Halle et à celle du Chapeau Rouge. C’est la construction de nouvelles maisons qui a motivé ces opérations, prescrites et contrôlées par le Service régional de l’archéologie. Les résultats les plus importants concernent la période gallo-romaine, du Ier siècle avant J.-C. au IIIe siècle après J.-C. Entre ateliers de potiers et temples gallo-romains, ce sont deux facettes bien différentes de l’agglomération antique du Langon qui ont surgi du sol (fig. 1).

Fig 1 : Rue de la Halle : deux fours de potier. Les chambres de cuisson sont compartimentées par un muret.
Fig. 2 : Plan simplifié des deux fouilles.

Quand Le Langon était au bord de la mer

Il est bon de rappeler qu’il y a deux mille ans, Le Langon était une petite agglomération située sur le littoral nord du golfe des Pictons. Aujourd’hui disparue, cette avancée de l’océan s’est comblée progressivement jusqu’à la fin du Moyen âge. Elle correspond au Marais poitevin actuel.

Un quartier de potiers ?

Les deux fouilles nous renseignent sur la partie sud de l’agglomération. Deux rues ont été identifiées (fig. 2 et 3). Dans l’espace intermédiaire, plusieurs fours de potiers (fig. 1 et 4) évoquent un secteur consacré à la production de céramique – un véritable quartier artisanal ? Des puits et quelques bâtiments complètent l’image de cette zone, qui a dû être active durant près d’un siècle (fig. 5 et 6).

Fig. 3 : Rue du Chapeau Rouge : en bordure d’une rue empierrée (coin supérieur droit), les fondations d’un bâtiment.
Fig. 4 : Fragment de pot raté, boursouflé par la cuisson.
Fig. 5 : Monnaie romaine en bronze

Deux temples

Rue de la Halle, à l’est de la zone explorée, c’est un autre aspect du Langon antique qui a été  révélé, grâce à la découverte de deux temples (fig. 7 à 9). Ces édifices religieux sont installés dans une cour fermée par un mur. Leurs plans sont caractéristiques d’une grande famille architecturale sacrée – désignée sous le nom de « fanum » – bien connue en Gaule. Ils sont formés de deux carrés concentriques, qu’on restitue en une tour centrale entourée d’une  galerie. Quant aux divinités vénérées ici il y a deux mille ans, nul indice n’en a hélas été détecté…

Fig. 6 : À la rue du Chapeau Rouge, une archéologue vide un puits gallo-romain.
Fig. 7 : Dé à jouer cubique taillé dans un os.
Fig. 8 : Rue de la Halle : un des temples est en cours d’exploration.
Fig. 9 : Les temples étaient ornés de peintures murales imitant des placages de marbre.

L’archéologie à l’école

En janvier 2022, des archéologues sont venues dans les écoles André Turcot et Saint-Joseph  pour présenter les métiers de l’archéologie et, bien sûr, les premiers résultats de la fouille à la rue de la Halle (fig. 10).

Fig. 10 : Adélaïde Hersant, responsable de la fouille à la rue de la Halle, devant une classe de l’école Saint-Joseph.
Fig. 11 : Rue de la Halle, vue aérienne de la fouille.

Opérations d’archéologie préventive conduites en automne 2021 et automne 2023 à la rue de la Halle et à la rue du Chapeau Rouge au Langon, en préalable à la construction de maisons individuelles.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Nouvelle-Aquitaine

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsables : Adélaïde Hersant et Marc-Antoine Dalmont)

Équipe de terrain
Rue de la Halle (2021)

  • Adélaïde HERSANT* (RO)
  • Amaury BERTHELON* (RA)
  • Clémence PILORGE
  • Emilie MERVEILLEUX
  • Erwan FICHOU-MARTIN
  • Fanny PRAUD
  • Geoffrey LEBLE
  • Hugo THOMAS
  • Lucie LE DORE
  • Margaux LAINE
  • Marc-Antoine DALMONT
  • Mohamed SASSI
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de terrain
Rue du Chapeau Rouge (2023)

  • Marc-Antoine DALMONT* (RO)
  • Shannah BARBEAU* (RA)
  • Adélaïde HERSANT
  • Laetitia CURE*
  • Suzon BOIREAU*
  • Emilie MASSON
  • Mohamed SASSI
    * Terrain et Post-Fouille

2021

2023

Équipe de post-fouille
Rue de la Halle (2021)

  • Alexandre POLINSKI
  • Aurélie DUCREUX
  • Camille JOLY
  • Camille COLLOMB
  • Clément CHAVOT
  • Geoffrey LEBLE
  • Julien COLLOMBET
  • Kévin SCHAEFFER
  • Laurie FLOTTES
  • Lola TRIN-LACOMBE
  • Lucie LE DORE
  • Marianne ALASCIA-MORADO
  • Paul DERMOUCHERE
  • Shannah BARBEAU
  • Valentin LEHUGEUR

Équipe de post-fouille
Rue du Chapeau Rouge (2023)

  • Marianne ALASCIA-MORADO
  • Lola TRIN-LACOMBE
  • Julien COLLOMBET
  • Camille COLLOMB
  • Laurie FLOTTES
  • Valentin LEHUGEUR
  • Priscille DHESSE
  • Geoffrey LEBLE
  • Alexandre POLINSKI
  • Kevin SCHAEFFER
  • Clément CHAVOT
  • Aurélie DUCREUX

Bon Baisers d’Autun, Archeodunum dans la saison 2 de Mission Archéo !

Bon Baisers d’Autun

Archeodunum dans la saison 2 de Mission Archéo !

Après un épisode consacré à notre chantier de Nort-sur-Erdre, Archeodunum a une nouvelle fois accueilli l’équipe de Passé Sauvage sur un de ses chantiers. Cette vidéo ouvre la deuxième saison de la série « Mission Archéo », et nous en sommes très heureux.

Les enjeux et les coulisses, bien réels, de notre opération au cœur d’Autun sont inscrites dans une enquête d’ « archéofiction », qui va irriguer toute la saison. Cette approche est un clin d’œil à Jean Rouch et à ses ethnofictions.

Archéologie à Bègues, un village multiséculaire

Archéologie à Bègues, un village multiséculaire

De l’architecture de bois aux murs en pierre

À l’automne 2022, une fouille archéologique s’est déroulée en périphérie du bourg de Bègues, en amont de la construction de maisons individuelles. L’opération a été réalisée par Archeodunum et le SAPDA (Service d’Archéologie Préventive du Département de l’Allier – CD03). Dans des conditions souvent brumeuses ou neigeuses, les archéologues ont découvert de nombreux vestiges témoignant du passé du village, depuis l’époque gauloise jusqu’au Moyen Âge (fig. 1 et 2).

 

Fig.1 : La brume et la neige ont souvent accompagné les archéologues.
Fig. 2 : Plan simplifié des vestiges.

Un village gaulois plus ancien qu’attendu

D’abord place forte gauloise (oppidum) puis agglomération gallo-romaine, le site de Bègues est connu de longue date et fait l’objet de nombreuses recherches. Pour autant, c’est la première fois qu’une fouille préventive est mise en oeuvre sur ce plateau qui domine les gorges de la Sioule (fig. 3).

Si aucun vestige du rempart de l’oppidum n’a été identifié, de nombreuses structures permettent de confirmer l’extension du village dans ce secteur du site. Des trous de poteau et vestiges de fondation témoignent de la présence de bâtiments en bois. En périphérie, des fosses-dépotoirs, un puits et un four de potier (fig. 4) nous renseignent sur les activités domestiques et artisanales pratiquées à la fin de la période gauloise (Ier s. av. J.-C.).

Fait remarquable, deux silos enterrés – initialement destinés au stockage des récoltes – ont livré de nombreux objets datés du IIIe s. av. J.-C. : c’est une période jusque-là inédite sur le site, ce qui permet d’envisager la naissance d’un habitat groupé antérieur à la création de l’oppidum.

Fig. 3 : Dégagement d’une fosse d’extraction, d’une cave et d’un four de potier. Les vestiges se distinguent très nettement sur le substrat rocheux.
Fig. 4 : Four de potier gaulois (ier s. av. J.-C.).

Un secteur périphérique de l’agglomération gallo-romaine

Durant l’Antiquité, l’occupation semble se rétracter sur cette partie du plateau. Peu nombreux, les vestiges gallo-romains ne correspondent pas à l’organisation structurée d’un habitat groupé. Un ancien chemin et deux petites carrières d’extraction de calcaire suggèrent que nous nous  situons en périphérie immédiate du village. Une cave (fig. 5), des fosses-dépotoirs et des trous de poteau de bâtiments matérialisent néanmoins quelques installations pérennes durant les Ier et IIe s. ap. J.-C.

Des souterrains taillés dans le rocher

Dans une zone particulièrement remaniée au fil du temps, Jérôme Besson et son équipe ont découvert un bâtiment semi-excavé gallo-romain, qui donnait accès à deux salles souterraines circulaires creusées dans un banc de calcaire particulièrement dur (fig. 6). D’une hauteur sous plafond de 1,50 m environ, ces deux salles communiquent par le biais d’un resserrement faisant office de porte. Tout porte à croire qu’il s’agit d’espaces destinés au stockage (fig. 7). Durant le haut Moyen Âge (VIIe – Xe siècles ap. J.-C.), le bâtiment est remanié et l’accès des caves souterraines est muré. Plus tard, une seconde entrée sera aménagée au nord au moyen d’un couloir à ciel ouvert taillé dans le calcaire. Cette modification d’accès fait supposer une utilisation de ces espaces souterrains sur un temps relativement long.

Fig. 5 : Dans une cave gallo-romaine, découverte d’un col d’amphore (ier s. ap. J.-C.).
Fig. 6 : Fouille au niveau de l’accès initial des galeries souterraines.

Des bâtiments médiévaux

Par la suite, ces caves sont abandonnées et la seconde entrée est bouchée. Deux bâtiments en pierre (fig. 8) sont construits durant le Moyen Âge (XIIIe – XIVe siècles). Ils disposent de pièces dallées et d’une cheminée. À proximité, plusieurs silos témoignent du maintien d’une activité de stockage.

Un riche patrimoine archéologique

Ces découvertes montrent une fois de plus la richesse du patrimoine archéologique de Bègues. Malgré une surface de fouille relativement restreinte (environ 1 500 m2), les différentes observations permettent d’esquisser l’évolution de l’extension du village au fil du temps, de périodes encore méconnues sur le site (début de la période gauloise) jusqu’au Moyen Âge.

Fig. 7 : Intérieur de l’une des salles souterraines. La morphologie de ces espaces a été documentée à l’aide de relevés laser.
Fig. 8 : Vue du bâti médiéval qui surmonte les anciennes galeries souterraines.

Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2022 dans le bourg de Bègues (Allier), en préalable à la construction de logements.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jérôme Besson) et Service d’Archéologie Préventive du Département de l’Allier.

Équipe de terrain

  • BESSON Jérôme* (RO)
  • LORPHELIN Auriane* (RA)
  • DIXON Kevin* (RA, SAPDA – CD03)
  • MARTIN Mathilde
  • CARBONE Antony
  • VALLEE Laurent
  • FLEURY Lara (SAPDA – CD03)
  • FAVART Claire (SAPDA – CD03)
  • BESSON Loriane* (SAPDA – CD03)
  • LABALME Maud* (SAPDA – CD03)
  • HEITZMANN Samantha (SAPDA – CD03)
  • GUILLAUD Lucas
  • KOWALSKI Jean-Baptiste (SAPDA – CD03)
  • CROCHAT Jessy (acquisition 3D)
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • LALLEMAND David (SAPDA – CD03)
  • LEPINE Guillaume
  • DUCREUX Aurélie
  • LEBLE Geoffrey
  • COLLOMB Camille
  • COLLOMBET Julien
  • FLOTTES Laurie
  • POLINSKI Alexandre
  • ALASCIA MORADO Marianne
  • CHAVOT Clément
  • CAMAGNE Géraldine
  • GILLES Amaury
  • PIGERON Olivier (Groupe Spéléologique Auvergnat)
  • CARAIRE Gabriel (Analyse Géophysique Conseil)

Six mètres sous terre. Archéologie au cœur du futur musée Panoptique à Autun

Six mètres sous terre

Archéologie et étude de bâti au cœur du futur musée Panoptique à Autun

Dans le cadre du projet d’aménagement du musée Panoptique d’Autun (71), les archéologues d’Archeodunum et du Service Archéologique de la Ville d’Autun ont uni leurs efforts pour explorer un espace charnière du futur musée. Dans ces 50 m2 situés au sein de l’hôtel Lacomme, deux mille ans d’histoire sont en cours d’étude, avec comme découverte majeure un tronçon très bien conservé du rempart urbain de l’Antiquité tardive (fig. 1).

 

Fig.1 : Un chantier complexe pour les archéologues et les entreprises chargées de sécuriser les lieux. Au premier plan à gauche, le rempart de l’Antiquité tardive.
Fig. 2 : Aile nord de l’hôtel Lacomme : cotes à atteindre et types d’intervention.

Entre murs et butons : un défi technique

L’objectif assigné aux archéologues est d’atteindre une cote de six mètres sous le sol actuel (fig. 2). Fouiller sur une telle profondeur à l’intérieur d’un Monument Historique n’est pas une mince affaire. Cela nécessite une haute technicité et un travail en collaboration avec de nombreux intervenants : maîtrises d’ouvrage et d’œuvre, cabinets d’études géotechnique et structure, entreprises en charge du confortement du bâtiment. Au fur et à mesure de la fouille, la stabilité du bâtiment a été assurée par des butons et des étais (fig. 1).

Au pied du mur : le rempart, marqueur du castrum de l’Antiquité tardive

Nous sommes au sud de la ville romaine d’Augustodunum/Autun, en marge du centre économique et politique de la capitale des Eduens. Au tournant des IIIe et IVe siècles, la ville se rétracte et se replie sur sa partie haute. Pour protéger cet espace, appelé castrum, un nouveau rempart vient barrer une partie resserrée de la fortification initiale de l’agglomération. Jessy Crochat et son équipe ont pu mettre au jour une portion de cet ouvrage, conservé sur une hauteur de plus de quatre mètres ! Épais d’environ trois mètres, il est fondé sur une à deux assises de blocs de grand appareil (fig. 3 et 4).

Fig. 3 : Des blocs de grand appareil forment la base du rempart (à gauche). Le géomorphologue fait un sondage à la tarière pour mieux comprendre la nature du terrain.
Fig. 4 : Angle nord-est de l’hôtel Lacomme : vue schématique des principaux vestiges.

Du castrum à la ville médiévale

Durant l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, l’espace fouillé est hors des murs de la ville. Pour assurer une bonne défense, aucun bâtiment n’est construit contre le rempart. Seuls plusieurs niveaux de sol, et de nombreux rejets de céramiques et d’os d’animaux attestent d’une fréquentation régulière à cet endroit, situé à proximité d’une des portes majeures du castrum.

Durant l’époque carolingienne, des tours sont ajoutées contre le parement extérieur. Dans la zone explorée, un mur est peut-être à rattacher à ce remaniement (fig. 5). Le XIIe siècle voit une nouvelle modification des fortifications. Un rempart est édifié une cinquantaine de mètres en aval. Ayant perdu sa fonction d’origine, le mur du castrum sert de fondation à de nouveaux bâtiments. Donnant sur la rue des Bancs, une cave est installée contre le rempart (voir fig. 2). Plusieurs murs situés dans l’espace de la fouille correspondent également à cette réappropriation de l’espace urbain.

Fig. 5 : À gauche, mur d’une tour carolingienne (?), intégré à la fin du Moyen Âge dans une fosse maçonnée (à droite).
Fig. 6 : Écailles et arêtes de poissons. Largeur de l’amas, 5 cm.

Naissance et vie d’un hôtel particulier du XVe siècle

Construit dès le XVe siècle, l’hôtel Lacomme vient se substituer aux maisons médiévales. En vidant une fosse maçonnée, les archéologues ont découvert tout un ensemble de déchets culinaires (oiseaux, poissons, poteries, mortiers), dont l’analyse nous renseignera sur les menus de cette époque (fig. 5 et 6). Quant à l’analyse archéologique des murs, elle a mis en évidence de nombreux remaniements au XVIIe ou au XVIIIe s. (fig. 7).

Ensuite, l’espace a peu évolué jusqu’à la création du musée Rolin. Il est savoureux de noter qu’un aménagement muséographique avait entraîné le décaissement partiel de la salle étudiée ici. Un creusement qui a entamé le rempart du castrum, sans qu’on s’en soit rendu compte à l’époque !

Fig. 7 : Analyse du mur nord de l’hôtel Lacomme. Les informations sont enregistrées sur une tablette numérique.
Fig.8 : L’interruption du chantier est mise à profit pour engager les études spécialisées.

Une affaire à suivre…

Aujourd’hui, il reste encore plus d’un mètre à fouiller, mais le chantier a été interrompu (fig. 8). En effet, le bas de tous les murs de l’hôtel Lacomme a été atteint. Les acteurs en charge du projet sont en train d’élaborer une méthode de reprise en sous-œuvre permettant de répondre aux objectifs du projet architectural. Ces contraintes techniques nécessiteront d’adapter nos méthodes de fouilles : c’est la perspective d’un nouveau défi pour les archéologues. Alléchant !

Fig.9 :Vue générale : la prison panoptique (au centre), le palais de justice (à gauche) et les hôtels Lacomme et Rolin (à droite).

Opération d’archéologie préventive conduite en 2023 sur la commune d’Autun, dans l’angle nord-est de l’hôtel Lacomme, en vue de la création du musée Panoptique.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne-Franche-Comté

Maîtrise d’ouvrage : Ville d’Autun

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jessy Crochat) et le Service Archéologique de la Ville d’Autun

Équipe de terrain

  • BELOT Antoine* (SAVA)
  • COUDERC Clarisse (SAVA)
  • CROCHAT Jessy* (RO)
  • DESSOLIN Tristan (SAVA)
  • LABAUNE Yannick* (RA, SAVA)
  • LARATTE Sébastien* (géomorphologue)
  • LORPHELIN Auriane* (spécialiste du lapidaire)
  • RUET Charline* (gestionnaire du mobilier)
  • TISSERAND Angélique* (SAVA – topographe)
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • ALASCIA-MORADO Marianne (spécialiste du verre)
  • COLLOMBET Julien (numismate)
  • FLOTTES Laurie (anthracologue, carpologue)
  • GILLES Amaury (céramologue)
  • LABALME Maud (céramologue)
  • POLINSKI Alexandre (pétroarchéologue)

Des squelettes dans la cave : archéologie funéraire à Corbeil-Essonnes

Des squelettes dans la cave

Archéologie funéraire à Corbeil-Essonnes

Durant l’hiver 2023-2024, une équipe d’archéologues a mené une fouille dans la cave d’un pavillon du quartier Montconseil à Corbeil-Essonnes (fig. 1). Cette opération a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie d’Île-de-France. Elle fait suite à la découverte fortuite de squelette, alors que le propriétaire réalisait des travaux de rénovation dans son sous-sol. Les quatre pièces de la cave ont été fouillées, pour une surface de 52 m².

 

Fig.1 : Fouille d’une sépulture à l’aide d’un outillage spécialisé. Le contexte d’intervention a nécessité un éclairage artificiel.
Fig.2 : Plan des vestiges dans la cave.

Un cimetière mal connu

Ce propriétaire n’est pas le premier du quartier à faire une macabre découverte. La présence d’un cimetière du début du Moyen Âge dans ce secteur est connue depuis longtemps. Plusieurs sarcophages en plâtre, typiques de cette période, ont été découvert depuis le XIXe siècle. Les érudits ont alors supposé que ces inhumations étaient liées à la chapelle Notre-Dame-des-Champs, qui aurait été construite au VIIe siècle sur un temple païen honorant une source. Mais il ne subsiste aucune trace de ces constructions, et les sépultures de ce cimetière n’avaient jusque-là jamais pu faire l’objet d’une étude scientifique.

Des tombes bien rangées

La fouille a permis de découvrir 38 sépultures réparties dans les quatre pièces de la cave (fig. 2). Malgré plusieurs affleurements rocheux, les sépultures ont été disposées selon des rangées parallèles, qui ont perduré durant les sept siècles d’utilisation du cimetière, entre le IIIe et le Xe siècle après J.-C. Elles ont à peine été décalées vers l’est entre la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge.

Fig.3 : Sépulture antique en cours de fouille. Si les planches ont disparu, des traces de bois et des clous permettent de restituer la manière dont les défunts ont été enterrés.
Fig.4 : Les tombes font l’objet d’un dessin minutieux

Des découvertes plus anciennes que prévu

Ce cimetière est plus ancien que ce que les érudits du XIXe siècles supposaient. Les premières inhumations datent de la fin de l’Antiquité. Cela prouve la vocation funéraire de ce secteur bien avant la construction de la chapelle. Durant le Bas-Empire, les défunts sont enterrés allongés, sur le dos, dans un coffrage en bois déposé dans une fosse profonde (fig. 3).

Des sarcophages mérovingiens

Au début du Moyen Âge, les pratiques funéraires évoluent. Les défunts sont désormais enterrés dans des sarcophages en plâtre. Cette pratique est très répandue en Île-de-France. Les cuves sont parfois ornées de décors sur les parois extérieures. À Corbeil, dix sarcophages ont été découverts (fig. 4). Aucun ne porte de décors, ils renferment tous un seul défunt – alors qu’il est courant d’en trouver plusieurs. Les sarcophages sont disposés côte à côte en « éventail » (fig. 5)

Fig.5 : Les sarcophages de la pièce 1 en cours de fouille.
Fig.6 : Croix et rosace gravées sur les deux faces d’un bloc recouvrant une tombe.

Une pierre singulière

L’un des sarcophages était surmonté d’un bloc de pierre tendre, taillé et sculpté. Ce bloc n’est pas complet et il est difficile de lui restituer sa forme d’origine. On peut toutefois distinguer une partie de rosace, tandis que la face opposée possède une croix latine et une croix inscrite dans un cercle (fig. 6). Ces motifs sont régulièrement présents sur les sarcophages en plâtre et évoquent le domaine funéraire, mais également les ornements qui peuvent figurer sur les façades des lieux de culte chrétiens.

Après la fouille

Les squelettes vont être analysés en laboratoire. Les spécialistes vont déterminer le sexe des individus, leur âge au décès et leurs conditions de vie. La position des ossements et du mobilier dans la tombe sera étudiée afin de préciser les gestes qui ont entouré la sépulture : comment est-elle constituée, comment le mort est-il déposé dans la fosse, y a-t-il eu des réouvertures ?

Plus généralement, l’objectif est de mieux connaître la population qui vivait ici durant l’Antiquité et le Moyen Âge, mais également de comprendre l’évolution des traditions funéraires au cours de ces périodes. Les résultats seront présentés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’hiver 2024 sur la commune de Corbeil-Essonnes dans le quartier Montconseil, en préalable à la rénovation de la cave d’un pavillon particulier.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Île-de-France

Maîtrise d’ouvrage : Particulier

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Clément Viau)

Équipe de terrain

  • Clément Viau* (RO)
  • Debborah Maguin
  • Annelise Juillard*
  • Marine Chesneau
  • Mylène Wasylyszn*
  • Guilhem Turgis
  • Sébastien Laratte
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de Post-fouille

  • Marion Legagneux
  • Maud Labalme
  • Clément Tournier
  • Julien Collombet
  • Pierre Cargouët
  • Auriane Lorphelin
  • Sandrine Swal
  • Clément Chavot
  • Gillian Filiz
  • Marie-José Ancel

Cercles et poteaux disparus : Il y a 2500 ans, une exploitation agricole à Chaniers

Cercles et poteaux disparus

Il y a 2500 ans, une exploitation agricole à Chaniers

Au printemps 2022, une équipe d’Archeodunum a mené une fouille archéologique à l’ouest de la commune de Chaniers (Charente-Maritime), aux abords du chemin de la Tonnelle. Cette opération, prescrite par le Service Régional de l’Archéologie, était motivée par un projet immobilier de la société SEMIS. L’emprise de fouille a couvert une surface de 1,5 hectare, où près de 400 vestiges ont été mis au jour (fig. 1), révélant un domaine agricole du premier millénaire avant J.-C.

 

Fig.1 : Vue générale du chantier.
Fig. 2 : Une empreinte de poteau avec ses pierres de calage.

Un site à trous

Le temps et l’érosion ayant eu raison des superstructures, des niveaux de sol et des foyers, Florent Ruzzu et son équipe ont essentiellement dégagé des empreintes de poteaux. Ces dernières sont bien conservées : elles sont profondément creusées dans le sol et contiennent pour la plupart les pierres qui calaient les poteaux en bois, aujourd’hui disparus (fig. 2). Ces trous dessinent des alignements, des plans d’édifices qui nous permettent de restituer l’organisation d’une vaste exploitation agricole, datant d’il y a près de 2500 ans (fin du premier et début du second âge du Fer ; fig. 3).

Fig. 3 : Plan général de l’établissement agricole vers 500 avant J.-C.
Fig. 4 : Détail d’un dispositif d’entrée. Dans une tranchée, on distingue les calages en pierre et les négatifs des poteaux.

Un enclos palissadé

Plus de 150 poteaux de section carrée clôturent une surface initiale d’au moins 4 500 m2, ensuite réduite à 3 000 m2. Dans sa dernière phase, le côté oriental semble avoir réutilisé des petits bâtiments. La clôture est percée de plusieurs entrées monumentales, suffisamment larges pour le passage de chars ou de charrettes. Elles sont encadrées par une paire de tranchées espacées de 1,80 m dans lesquelles sont installés des poteaux jointifs (fig. 4).

Des habitations circulaires

Le cœur de ce vaste espace est occupé par un bâtiment circulaire de 140 m2. Celui-ci se compose de trois rangées concentriques de poteaux, avec un accès au sud-est (fig. 5). L’édifice était construit sur ossature de bois, les murs étaient en terre crue et le toit probablement en chaume. Mal conservée, une seconde maison circulaire, plus petite, existe probablement au sud de la fouille.

Ce type de plan est fréquent dans les régions le long de la mer du Nord et de la Manche, en Bretagne ainsi qu’en Pays de la Loire. Celui de Chaniers est le bâtiment circulaire le plus méridional reconnu à ce jour.

Fig. 5 : Vue aérienne de la maison ronde. Les lignes jaunes dessinent les plans des bâtiments.
Fig. 6 : Restitution d’un grenier surélevé, analogue à ceux de Chaniers (Hunebedcentrum, Borger, Pays-Bas).

Des greniers, des greniers…

Une trentaine de constructions sur quatre poteaux sont regroupées à proximité des maisons circulaires (voir fig. 1), ou de façon plus disséminée. Ces petits bâtiments de plan carré caractéristique sont probablement des greniers surélevés, destinés à la conservation des récoltes (fig. 6).

Un domaine de prestige ?

L’organisation et l’ampleur des aménagements découverts à Chaniers suggèrent qu’il s’agit d’un domaine agricole de grand statut, jouant un rôle majeur dans la région. La proximité de la Charente, axe de communication majeure, renforce probablement cette position. Il est à noter que des fouilles menées en 2009 sur une parcelle voisine complètent le tableau, avec, en particulier, de grands monuments circulaires à vocation funéraire.

Fig. 7 et 8 : Différents modes d’enregistrement des données de fouille, via la tablette numérique et le dessin.

Des silex et des vignes

D’autres occupations humaines ont été détectées. À partir du Paléolithique moyen (il y a 300 000 ans), les hommes de Néandertal ont exploité des gisements de silex. Bien plus près de nous, tout un réseau de fosses témoigne de la culture de la vigne, attestée dès le XVIIIe siècle sur des documents cartographiques.

Un copieux rapport scientifique

Après deux ans de travail, les archéologues ont achevé l’étude des découvertes. Ils ont compilé leurs données, leurs analyses et leurs résultats dans un copieux rapport (fig. 7 et 8). Ce document est remis au Service Régional de l’Archéologie, puis examiné par des experts mandatés par le ministère de la Culture. Une fois validé, le rapport sera mis à disposition sur la plateforme scientifique HAL.

Opération d’archéologie préventive conduite au printemps 2022 au chemin de la Tonnelle à Chaniers, en préalable à la construction d’un lotissement.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Nouvelle-Aquitaine.

Maîtrise d’ouvrage : SEMIS

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Florent Ruzzu)

Histoire d’os et d’eau sous la clinique du Parc

Histoire d’os et d’eau sous la clinique du Parc

C’est au cœur d’Autun, au 6 avenue du Morvan, qu’Archeodunum a réalisé une fouille en préalable à l’extension de la Clinique du Parc. L’équipe, dirigée par Mélanie Lefils et Jérôme Besson, est intervenue durant 10 semaines au cours de l’été 2019, sous les fenêtres de la clinique (fig. 1). Sur 4 mètres de profondeur, les archéologues ont exploré un point singulier de la ville romaine, articulation entre son rempart, une de ses rues principales et l’angle d’un îlot construit. Des masses considérables d’ossements témoignent d’activités de boucherie et d’artisanat.

 

Fig. 1 : Vue générale du chantier © A. Maillier – Bibracte
Fig. 2 : Emplacement de la fouille dans le contexte de la ville romaine. © Archeodunum d'après Service archéologique de la ville d'Autun.

Les raisons de l’intervention

C’est l’extension de la Clinique du Parc qui a motivé l’intervention des archéologues, sur prescription du Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne-Franche-Comté. Un diagnostic préalable à l’opération a confirmé l’organisation de la ville antique, telle qu’on l’envisageait dans ce secteur depuis des fouilles réalisées en 1989 et 2001 (construction de la Clinique du Parc et de l’Hôpital). Nous nous situons ainsi à l’intérieur du rempart d’Augustodunum, à l’extrémité occidentale d’un grand axe de circulation structurant la ville.

La principale problématique scientifique résidait dans l’articulation entre cette voie majeure et une bande de terrain dite « non constructible » longeant le rempart. La fouille devait également permettre d’appréhender l’angle d’un îlot d’habitation, dont une partie avait déjà été explorée en 2001, et de confirmer ou non la présence d’une tour sur le tracé de l’enceinte (fig. 2).

Fig. 3 : Examen d'un remblai © A. Maillier - Bibracte
Fig. 4 : L’angle de l’îlot VIII/IX 3 © A. Maillier – Bibracte

Petit mais costaud

La fouille a concerné une emprise de 440 m², pour une épaisseur totale de 4 m. Cette profondeur importante a nécessité la présence constante d’une mini pelle mécanique, pour gérer les déblais, et l’aménagement de paliers successifs, pour garantir la sécurité. Au plus bas, la fouille s’est ainsi réduite à 100 m². L’équipe n’en a pas moins identifié 750 couches archéologiques, qui témoignent de l’évolution constante de ce secteur de la ville durant l’Antiquité, entre le Ier et le IVe siècle après J.-C. (fig. 3).

Un angle et des bases

Au nord de la fouille, l’équipe a identifié l’angle de l’îlot urbain déjà largement fouillé en 2001 sous l’hôpital (îlot VIII/IX 3 selon le découpage scientifique en vigueur). Plus précisément, il s’agit d’un mur scandé tous les 4 m par des blocs monumentaux en grès, destinés à accueillir des colonnes (fig. 4). L’ensemble devait former une galerie couverte, comparable par exemple aux arcades de Louhans. Dans un second temps, ce dispositif est abandonné et la façade de l’îlot est reculée de quelques mètres.

Fig. 5 : États successifs de la rue, sillonnée de canalisations © A. Maillier – Bibracte
Fig. 6 : Objets trouvés dans les remblais de la rue : fragments d’enduits peints, assiette et colonnette.

Une des plus grandes rues d’Augustodunum

L’essentiel du site est occupé par la rue nommée decumanus D9, un axe majeur et central de la ville romaine. L’emprise totale de façade à façade, documentée ailleurs dans la ville, approche les 20 m. À la Clinique, l’épaisseur de la chaussée atteint 1,30 m, résultat de multiples réfections. Des remblais, très riches en mobilier, y alternent avec des surfaces de roulement, pavées de cailloux (fig. 5-6).

Que d’eau, que d’eau

Un autre élément remarquable est la grande quantité de dispositifs liés à la gestion de l’eau. Une vingtaine de structures ont été reconnues, se transformant ou se succédant : caniveaux à ciel ouvert entre la rue et les bâtiments, canalisations en bois enterrées pour l’eau propre. Cette profusion rappelle que les rues romaines, à l’instar de nos rues d’aujourd’hui, ne servent pas qu’à la circulation, mais sont également sillonnées de multiples réseaux techniques.

Fig. 7 : Amas d’ossements animaux provenant d’une activité de boucherie.
Fig. 8 : Les ossements sèchent après lavage.

Inconstructible mais colonisé

Au pied du rempart, la bande de terrain non constructible est large de 12 m. Sur notre emprise, ce secteur a livré là aussi des revêtements successifs, indices d’un espace de circulation se rehaussant au fil du temps. Cette zone de marge a également servi de dépotoir, comme en témoignent notamment des masses considérables d’ossements animaux (fig. 7). Ces restes proviennent d’activités de boucherie. Pour partie, ils sont récupérés pour fabriquer des objets (tabletterie).

La tour invisible

Les paliers de sécurité n’ont pas permis d’approcher la potentielle tour. On peut la restituer dans l’axe de la rue et de plan circulaire (diamètre d’environ 11 m), à l’instar de la tour vue au nord vers l’hôpital ou de celle encore conservée dans le parking souterrain de l’Hôtel des Ursulines.

Fig. 9 : Vue générale du chantier au petit matin.

Après la fouille

À l’issue du chantier, le terrain a été investi par les travaux d’extension de la Clinique du Parc. Côté archéologie, nos experts ont étudié l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu et circulé dans ce secteur de la ville romaine d’Augustodunum (fig. 8). Au terme de plusieurs mois de travail, tous les résultats ont été synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Opération d’archéologie préventive conduite à l’été 2019 au 6, avenue du Morvan à Autun, en préalable à l’extension de la Clinique du Parc.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté.

Maîtrise d’ouvrage : SAI du parc

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Jérôme Besson)