À Sahurs, une des plus vieilles églises de Normandie ?
L’église Saint-Sauveur de Sahurs est nichée au creux d’une boucle de la Seine, à la limite entre l’Eure et la Seine- Maritime (fig. 1). Avant d’engager des travaux de restauration, les différents acteurs de ce projet (mairie, architecte) ont souhaité en savoir plus sur l’histoire de cet édifice.
Une équipe d’archéologues du bâti, spécialisés dans l’analyse de monuments conservés en élévation, est alors intervenue durant une semaine. Les résultats permettent de faire remonter l’histoire de l’église au début du xe siècle.
Un édifice composite
L’église de Sahurs montre une juxtaposition de styles architecturaux qui témoignent des modes des différentes époques depuis le Moyen Âge (fig. 2) :
- Le centre de la nef, ainsi que le choeur sont les parties les plus anciennes : les petites baies hautes qui éclairent la nef sont caractéristiques de la période préromane (x-xie siècles) ; en revanche, la présence de trois contreforts qui scandent ses murs est une originalité pour l’époque.
- Trois arcades aujourd’hui bouchées ont ensuite été percées dans les murs de la nef (fig. 3 et 4). Leur fonction reste pour le moment énigmatique : donnaient-elles accès à des bas-côtés ou des galeries dont les vestiges ne nous sont pas parvenus ?
- Le chevet a été fortement modifié par les restaurations du xxe siècle, mais ces dernières ont respecté la morphologie originelle (doubles colonnes, corniche ponctuée de modillons) que l’on retrouve à la période romane (XIIe siècle).
- L’entrée, ainsi que les deux premières travées de la nef surmontées par le clocher, sont typiques du style gothique flamboyant (début du XVIe siècle).
La plus vieille église de Normandie…
… datée par radiocarbone à ce jour, grâce à l’analyse des charbons piégés dans les mortiers utilisés pour la construction de l’église (fig. 5). Les résultats ont révélé que le monument aurait été construit au tout début du xe siècle, puis que les arcades de la nef auraient été percées moins d’un demi-siècle plus tard.
Un décor conservé en place
En enlevant un bloc du comblement des arcades, les archéologues ont mis au jour un décor (fig. 6) : un damier sculpté venait orner les impostes (pierres sur lesquelles retombent les arcs). Ce motif de damier est typique de l’art roman. Sur une autre arcade, un décor plus simple a été observé. Les bouchages en maçonnerie ont sans doute piégé l’ornementation de chaque arcade.
Des résultats au service de la restauration
Cette étude s’inscrit dans le projet de restauration, qui en est à ses débuts : en intégrant les résultats archéologiques, l’architecte Marie Caron et son cabinet vont maintenant élaborer le projet en lui-même. En fonction des travaux envisagés, des études archéologiques complémentaires pourraient venir enrichir le dossier de l’église de Sahurs dans les prochaines années.
La restauration de l’église de Sahurs fait l’objet d’un appel à don de la Fondation du Patrimoine.
Expertise archéologique conduite en mai 2023 sur la commune de Sahurs, en préalable au chantier de restauration de l’église.
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Normandie.
Maîtrise d’ouvrage : Commune de Sahurs
Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Margaux Lainé)
Équipe
Margaux Lainé (RO)
Jean-Baptiste Vincent
Alexandre Polinski (pétrographie)