Archives de catégorie : Antiquité

Quand l’eau courante est arrivée à Lyon

La datation de l’aqueduc du Gier enfin révélée ?

Résultats d’une fouille archéologique des piliers du pont siphon de Beaunant

Comme nous vous en avions parlé récemment (article en ligne), la dernière fouille menée par Archeodunum sous la direction de David Baldassari porte ses fruits notamment par les résultats obtenus sur les bois découverts.

L’aqueduc du Gier, qui alimentait en eau la ville antique de Lugdunum (Lyon), est l’un des plus longs et l’un des mieux conservés du monde romain (86 km). Cet édifice spectaculaire se singularise, entre autres, par l’utilisation à quatre reprises de la technique de la conduite forcée, qui permet à l’aqueduc de franchir les vallées encaissées. Le siphon de Beaunant, qui enjambe la vallée de l’Yzeron entre les communes de Chaponost et Sainte-Foy-Lès-Lyon, est le plus imposant de ces quatre ouvrages. Ce pont, dont le programme de restauration est soutenu par la Fondation du Patrimoine et la Mission Stéphane Bern, franchissait le fond de la vallée à 17 m de hauteur, sur 270 m de long, supporté par une succession de 29 piles.

La datation de la construction de l’aqueduc du Gier a suscité de nombreux débats au sein de la communauté scientifique. Deux datations étaient couramment avancées, l’une sous le règne de l’empereur Claude (41-54 ap. J.-C.), la seconde sous le règne de l’empereur Hadrien (117-138 ap. J.-C.). Cette question est essentielle pour la connaissance de l’approvisionnement en eau de la ville de Lugdunum et, plus généralement, du développement l’ingénierie hydraulique en Gaule.

Pour tenter de répondre à cet épineux problème, le pont-siphon de Beaunant a fait récemment l’objet d’une fouille d’archéologie préventive. L’opération, confiée à l’entreprise Archeodunum et réalisée sous la responsabilité scientifique de David Baldassari, a été menée sur trois piles du pont. Elle a dévoilé des découvertes inédites et jusqu’à présent insoupçonnées, au premier rang desquelles se trouve la mise au jour de planches en bois de sapin employées pour l’assemblage d’un coffrage de maçonnerie. Les analyses dendrochronologiques, réalisées par François Blondel (laboratoire CNRS Artehis – Dijon), ont révélé que l’abattage des arbres dont sont issues les planches s’est produit en 110 de notre ère. C’est donc sous le règne de l’empereur Trajan (97-117 ap. J.-C.) qu’a probablement débuté la construction de l’aqueduc du Gier, sans exclure cependant qu’il ait été achevé sous le règne de l’empereur Hadrien.

La fouille a également permis de mettre en lumière une technique de construction jusqu’alors ignorée dans l’édification de l’aqueduc du Gier. Les piles du pont qui se trouvaient dans le lit de la rivière reposaient, en effet, sur un soubassement de 2 m de hauteur construits avec des blocs de taille en grand appareil de calcaire. Les plus grands de ces blocs mesuraient jusqu’à 1,40 m de long et pesaient près de 3 tonnes.

Les résultats de cette fouille, offrent aujourd’hui, la possibilité d’enrichir considérablement la connaissance de l’aqueduc du Gier et plus largement de l’archéologie lyonnaise.

Nouvelles recherches sur l’aqueduc du Gier

Vue d'ensemble de la fouille (cliché J. Pesseas)
Vue d'ensemble de la fouille (cliché J. Pesseas)
Bloc effondré (cliché J. Pesseas)
Détail de l'opus reticule qui habille l'aqueduc (cliché J. Pesseas)
Vue des bois retrouvés à la base de la pile de l'aqueduc (Cliché Archeodunum)

Une fouille d’archéologie préventive, réalisée par la société Archeodunum SAS sous la direction de David Baldassari, se déroule actuellement sur la commune de Saint-Foy-Lès-Lyon (69). Cette opération s’inscrit dans le cadre de l’aménagement de protection contre les inondations du bassin-versant de l’Yzeron porté par le SAGYRC. La fouille prescrite par le Service régional de l’archéologie de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Ministère de la Culture), concerne 3 des 29 piles du pont siphon de Beaunant qui supportait les conduites forcées acheminant l’eau de l’aqueduc du Gier à Lugdunum.

Les premières observations réalisées par les archéologues ont révélé que la pile n° 19, conservée sur 3,90 m d’élévation, reposait sur un soubassement constitué d’un assemblage de blocs de calcaire taillés en grand appareil. Les plus grands de ces blocs mesuraient 140 cm de long par 120 cm de large et 70 cm d’épaisseur. Par ailleurs, des pièces de bois ont été identifiées contre la maçonnerie de la fondation de la pile n° 18 conservée dans le lit actuel de la rivière. Ces éléments se composent d’un pieu planté à la verticale et de plusieurs fragments de planches. Les premières constatations indiquent que le bois employé pourrait être un résineux (sapin ou pin) et que ces éléments participaient à la mise en œuvre d’un coffrage associé à la construction de la maçonnerie de fondation de la pile. Cette découverte est inédite, car ces éléments, s’ils n’ont pas été trop dégradés par le temps, pourraient permettre, par le biais d’analyses dendrochronologiques ou d’analyses C14, d’obtenir de nouveaux éléments de datation pour la construction de l’aqueduc du Gier.

Rappelons que la datation de la construction de cet ouvrage majeur suscite encore aujourd’hui de nombreux débats au sein de la communauté scientifique. Deux datations sont couramment avancées, l’une sous le règne de l’empereur Claude (41-54 ap. J.-C.), la seconde sous le règne de l’empereur Hadrien (117-138 ap. J.-C) (cf. article Desbat 2011).

La fouille archéologique se déroulera jusqu’au 3 août 2018, permettant aux archéologues de collecter un maximum de données, qui après études et analyses, approfondiront les connaissances déjà acquises sur le pont siphon de Beaunant et plus généralement sur l’aqueduc du Gier.

David Baldassari

Notons que la société Archeodunum intervient depuis plus de 10 ans sur les aqueducs qui alimentaient Lugdunum, comme par exemple…

Une maison néolithique et des vestiges gallo-romains à Ars-en-Saintonge (Charente)

Photo du site par drone. Au second plan, le château de la Maison Ferrand (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment « naviforme » néolithique, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment carré de l’angle sud-est de l’enclos principal, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment rectangulaire sur tranchées plantées de poteaux, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)

La fouille de Ars, en Charente, près de Cognac, a été conduite à la fin de l’année 2016 par Alexandre Lemaire. Préalable à la construction d’un chai par la maison Ferrand, productrice de spiritueux, elle a permis d’ouvrir une fenêtre de 7000 m². Après la phase nécessaire d’étude, nous sommes heureux de pouvoir présenter les premiers résultats de cette fouille fructueuse, qui a notamment mis au jour une maison néolithique et un enclos rural du début du Haut-Empire (Ier s. p.C.), présentant deux états successifs associé à deux bâtiments.

La maison néolithique se situe au centre de l’emprise de fouille. Il s’agit d’un bâtiment « naviforme » de 13,90 m de longueur et 5,80 m de largeur maximale. Ce type d’édifice « naviforme » fondé sur poteaux et tranchées n’est pas sans évoquer les bâtiments « en amande » ou « piriformes » du Néolithique final et du Bronze ancien mis au jour ces dernières années en Bretagne et dans le Calvados . La datation radiocarbone d’un charbon prélevé dans l’un des deux poteaux de l’entrée du bâtiment tend à valider l’attribution au Néolithique final. Enfin, le matériel lithique collecté sur le site, majoritairement en position résiduelle au sein des structures plus récentes, présente une homogénéité forte et correspond à une industrie lithique de la fin du Néolithique Centre-Ouest (néolithique récent peu richardien ou néolithique final artenacien) qui détermine un contexte favorable à l’attribution chronologique de notre bâtiment.

L’occupation du Haut-Empire se signale par un enclos fossoyé quadrangulaire, presque carré, dont le fossé occidental se poursuit en direction du nord, au-delà de la limite d’emprise. La partie enclose s’inscrit dans un espace de 60 à 70 mètres de côté, fossés compris, délimitant une surface totale de 4043 m² et une surface utile d’environ 3685 m². Les tessons collectés au sein des fossés orientent une datation centrée sur la première moitié du Ier s. p.C.. Une partition interne, matérialisée par un tronçon de fossé d’à peine 10 m de longueur, orienté nord-sud et déconnecté des fossés de ceinture, marque une limite dans l’axe médian de l’enclos.

Dans l’angle sud-est de l’enclos, un premier bâtiment correspond à un ensemble presque carré de 7,5 m par 7,65 m, délimité par des tranchées de fondation probablement destinées à accueillir des séries de poteaux. Aucun mobilier n’y a été mis au jour, à l’exception d’un anneau en fer de datation ubiquiste. Les façades orientale et occidentale du bâtiment paraissent interrompues et peuvent déterminer des points d’accès ou, plus probablement, correspondre à des sections de cloisons non porteuses, fondées plus légèrement, dans une architecture à double pans. Cinq structures en creux de petit module ont été relevées à l’intérieur du bâtiment. Le lien entre cet espace bâti et des vidanges de foyers observées à son aplomb, dans les fossés de ceinture, témoigne d’une activité culinaire liée à une consommation de coquillages et tend à inscrire le bâtiment carré dans une activité domestique.

Un second aménagement pouvant servir à enclore un espace se superpose ensuite partiellement au premier. Il s’agit d’un ensemble de structures fossoyées, essentiellement linéaires, localisé au niveau de la moitié orientale de l’enclos principal, reprenant l’axe de l’ancien fossé de partition comme limite occidentale. Identifiées comme une série de tranchées ou de sections peu profondes de fossés, ces structures paraissent dessiner un fossé discontinu délimitant un espace de forme peu ou prou trapézoïdale d’environ 1800 m². Un lot de céramiques permet une datation assez précise de l’ensemble dès le milieu du Ier s. p.C.. La mise en place du système fossoyé secondaire marque l’abandon du premier, sans que l’on puisse déterminer s’il s’agit d’une simple rétractation de l’espace originel ou d’un changement de fonction du site, par exemple au profit d’une activité agro-pastorale dénuée d’occupation domestique.

Enfin, un dernier ensemble bâti longe à la fois le fossé de partition du premier enclos et la limite occidentale du deuxième système fossoyé. Très mal conservé, il ne subsiste que par des fonds de tranchées de sablières associés à quelques ancrages de poteaux. En l’état, ce bâtiment reste non daté, mais sa bonne insertion dans les plans des deux enclos du Haut-Empire peut plaider pour leur association.

L’espace doublement enclos contenait encore deux fosses de bonnes dimensions qui se rapportent à la période gallo-romaine. L’une d’entre elles a livré de nombreux restes de malacofaune, quelques restes de céramique et amphores, ainsi qu’une petite herminette en fer assez bien conservée. Enfin, un puits, profond de 2,80 m, occupe également l’espace deux fois enclos ; son comblement terminal peut être situé dans la deuxième moitié du Ier s. p.C. et il est probable que ce puits ait alimenté en eau les deux occupations successives du Haut-Empire.

Le développement de petits établissements inscrits dans le giron agro-pastoral au début du Haut-Empire ainsi que leur abandon assez rapide, avant le Bas-empire, est un phénomène courant qui a par exemple été observé en Picardie, dans le Berry ou encore en Beauce. C’est le cas à Ars, où l’abandon ou la restructuration du premier enclos intervient dès le milieu du Ier s. p.C. et où l’occupation du site ne semble pas perdurer dans le IIème s. p.C.. Les données sur le secteur sont encore trop lacunaires pour permettre d’intégrer le site à un schéma de développement des campagnes susceptible, par exemple, de relier l’abandon de petites fermes à la mise en place de plus grands établissements. Mais avec cinq autres enclos fossoyés repérés en prospection aérienne, la mention d’une « villa », et la proximité de la voie qui reliait Saintes à Périgueux, le territoire de la commune offre de bonnes perspectives pour l’exploitation de ces problématiques.

Alexandre Lemaire (coll. Bruno Bioul)

Fouille en cours sur le site d'Auneau

Découverte d’un habitat antique à Auneau (Eure-et-Loir)

Vue d'ensemble de la cave
Potentielle aire de battage
Potentielle aire de battage

Entre avril et juillet 2017, une opération archéologique a été réalisée sur la commune d’Auneau (Eure-et-Loir), en amont d’un projet de lotissement. Située au niveau de la confluence de l’Aunay et de la Voise, la commune d’Auneau est connue pour être occupée dès le Paléolithique. Cependant la rive droite de la vallée de l’Aunay est encore peu connue, une fouille a donc été prescrite sur une surface de 15 000 m² au lieu-dit des Nonains. Elle a permis la mise au jour de quelques éléments protohistoriques et d’un habitat rural antique.

Les vestiges protohistoriques sont matérialisés par un nombre restreint de structures en creux. Ces dernières, localisées dans l’est du site, ne permettent pas d’affirmer la présence d’une occupation à proprement parlé.

L’occupation antique est présente sur l’ensemble de l’emprise et est datée du Ier au IIe siècle de notre ère. Il s’agit d’un habitat rural constitué d’un enclos maçonné et de plusieurs bâtiments. L’un de ces bâtiments correspond à une habitation à galerie de façade dont plusieurs états ont été identifiés, dont l’un avec ajout d’une pièce chauffée sur hypocauste.

Les autres bâtiments, dont trois sont accolés à l’enclos maçonné, correspondent à des bâtiments d’exploitation. Un bâtiment situé en face du bâtiment principal peut être interprété comme un porche. Les bâtiments sont de structure simple (une pièce) à l’exception d’un. En effet, une grange a pu être mise en évidence au sud-est de l’emprise, près d’une petite voie. Le bâtiment est composé d’un espace principal rectangulaire, flanqué de deux pavillons à l’ouest de ce dernier.

A l’intérieur de cet habitat, d’autres structures ont pu être mises au jour, telles que des fours, des puits, une potentielle aire de battage et des structures de combustions dont la fonction n’est pas encore identifiée. Ces dernières sont localisées dans la partie est du site et sont réparties en deux ensembles, un de quatre structures et un de six. Ces batteries ont été mises au jour sous des bâtiments agricoles et n’ont livrées aucun mobilier ni aucun indice quant à leur fonction et leur datation.

La démolition du bâtiment résidentiel et de ses bâtiments d’exploitation signe l’abandon de l’occupation.

Adélaïde Hersant

Vue de deux structures de combustion en cours de fouille
Vue de deux structures de combustion en cours de fouille
Vue de l'un des puits
Vue de l'un des puits
Vue aérienne du site
Vue aérienne du site

Des berges antiques sous le siège du CIO à Lausanne

Aménagements de quai, époque romaine (Archeodunum SA)
Dépôt d’amphores, époque romaine (Archeodunum SA)

Entre février 2016 et avril 2017, les travaux d’agrandissement du siège du Comité International Olympique ont permis d’explorer le site de Lausanne-Vidy sur une surface de 8000 m2, dans un secteur connu depuis longtemps pour sa richesse patrimoniale et partiellement fouillé entre 1984 et 2006. L’intervention a été réalisée par l’entreprise Archeodunum SA, sur mandat de la section d’Archéologie cantonale vaudoise.

Les quais de la ville romaine, dégagés sur 130 m de longueur, sont entièrement consolidés par des enrochements et des centaines de pieux en chêne, derrière lesquels sont parfois conservés des madriers horizontaux. Des empreintes de poutres et de poteaux internes, avec divers éléments de fixation, suggèrent l’existence de plateformes planchéiées. Un long entrepôt occupe une partie des quais, à proximité d’un édifice muni de pièces chauffées et de latrines. Deux jetées, découvertes à 190 m de distance l’une de l’autre, devaient délimiter un espace de navigation protégé et fonctionner comme débarcadères en période de basses eaux. Ces différents aménagements offrent une vision unique des installations portuaires qui firent la prospérité de Lousonna. Les dizaines d’amphores retrouvées sur le site témoignent aussi de cette intense activité commerciale, contrôlée par des corporations de bateliers comme celle des Nautes du Léman (Nautae lacus Lemanni). Le secteur est vraisemblablement désaffecté au 3e ou au début du 4e siècle, alors que les rives du lac sont déjà en partie ensablées.

A partir de la fin du 7e ou au 8e siècle, un cimetière se développe autour d’une église paroissiale connue uniquement par des sources écrites. Les 317 tombes fouillées en 2016 suivent des orientations variables et comportent généralement des aménagements en bois et/ou en pierre, à l’exception de quelques défunts inhumés en « pleine terre ». Aux abords de la zone funéraire, plus de 400 fosses et trous de poteaux correspondent à une occupation datée de la fin du 8e au 13e siècle, avec des bâtiments présentant pour certains des indices d’activité artisanale. Ces constructions attestent pour la première fois l’existence d’un établissement médiéval sur les rives lausannoises du lac Léman, à 3 km du siège épiscopal installé sur la colline de la Cité.

Dans la partie sud du chantier, on retrouve des aménagements extérieurs (murs de clôture, canalisations, cours pavées, etc.) appartenant aux différentes propriétés privées qui se sont succédé sur le site depuis la Réforme, jusqu’à l’actuel « château » de Vidy (1771-1776).

Romain Guichon

Dépôt de vaisselle en céramique et en verre, époque romaine (Y. André, MCAH)
Cimetière d’époque médiévale (Archeodunum SA)

Un site archéologique exceptionnel à Sainte-Colombe, le Bourg (Rhône)

Dans les faubourgs de la ville antique de Vienne se déroule actuellement une fouille archéologique préventive sur une parcelle de 5500 m², en préalable à la construction de quatre immeubles de logements. La commune de Sainte Colombe est connue depuis le XIXe siècle pour sa sensibilité archéologique, notamment après la découverte de plusieurs mosaïques témoignant de la présence de riches demeures appartenant à la colonie romaine de Vienna.

Un vaste espace public au bord du fleuve

A la suite du diagnostic réalisé par Michel Goy (Inrap), les premières investigations conduites par  Archeodunum, sous la responsabilité de Benjamin Clément, ont révélé un secteur public à l’est, en bordure des quais du Rhône, qui correspond à une vaste place dotée d’une fontaine monumentale et bordée de portiques soutenus par trois rangées de colonnes. Cet aménagement d’envergure correspond sans doute à un vaste gymnase en lien avec les Thermes du Sud qui bordent l’emprise de fouille. Il est implanté au début du IIe siècle et se développe sur une surface restituée de prés de 1350 m².
Il vient supplanter un premier espace public du Ier siècle qui prend la forme de séries de boutiques (tabernae) dédiées à la production artisanale (métallurgie, vente de denrées alimentaires, etc…) et entourant une vaste place dotée d’un bassin d’agrément. Un entrepôt vient compléter ces aménagements qui sont sans doute liés à la présence toute proche des quais du Rhône. Au IVe siècle, le gymnase est abandonné et un grenier sur plancher et vide sanitaire est implanté dans la partie nord-ouest du secteur. Enfin, une nécropole du haut Moyen-Âge comprenant une quarantaine de sépultures constitue la dernière trace d’occupation du site.

La voie de Narbonnaise et ses abords

La voie de Narbonnaise, édifiée par Agrippa autour des années 10 av. J.-C., limite cette opération à l’ouest. Elle est pavée de larges dalles de granite et longée par un portique monumental ouvrant sur des espaces à destination économique et artisanale. En fond de parcelle, une première domus organisée autour d’un petit jardin de 70 m² a été reconnue dans son intégralité. Sa décoration est soignée comme en témoigne la découverte d’un cubiculum (bureau) de 16 m² dotée d’une mosaïque dont le médaillon central représente l’enlèvement de Thalie, la muse de la comédie, par Pan, une divinité de la suite bachique.
Une seconde domus organisée autour d’un vaste jardin est en cours d’exploration plus au nord. Elle a été détruite par un incendie dans la seconde moitié du IIe siècle, préservant sa riche décoration ainsi que ses étages effondrés sur les sols du rez-de-chaussée. Cet état de conservation exceptionnel laisse présager de nombreuses et riches découvertes et permettra d’appréhender avec une grande précision la vie quotidienne dans la ville antique de Vienne.

De la Préhistoire à l’époque romaine au nord de l’Yonne

Cache de lames du Paléolithique supérieur
Grenier à quatre poteaux (La Tène finale ?) recoupé par un fossé gallo-romain
Four de potier gallo-romain
Four de tuilier gallo-romain
Bâtiment sur poteaux gallo-romain
Fond de puits gallo-romain avec cadre en bois de soutènement
Fouille d'un dépôt monétaire gallo-romain

Appoigny – Les Bries

L’opération d’archéologie préventive a porté sur une surface d’environ vingt-cinq hectares à l’emplacement du futur parc d’activités de la Communauté de l’Auxerrois, à quelques kilomètres au nord d’Auxerre à la jonction entre la RN6 et l’A6. Elle s’est déroulée sur deux périodes, en 2015 et en 2016, 11 mois de fouille au total, sur six secteurs de travail distincts.

Les vestiges mis au jour s’échelonnent chronologiquement de la Préhistoire à l’époque romaine, d’environ ‑100 000 ans au IVe siècle après J.-C. Ces millénaires de fréquentation et d’occupation ne sont pas véritablement étonnants puisque la vallée de l’Yonne constitue un axe majeur de circulation entre la vallée du Rhône et le bassin parisien, mais il est exceptionnel qu’ils soient aussi bien attestés archéologiquement.

Toutefois, toutes les périodes ne sont pas également représentées. Les occupations du Paléolithique moyen et supérieur et celles de l’Antiquité sont les plus remarquables, tandis que des phénomènes d’érosion/arasement ont dû détruire en grande partie les vestiges des autres périodes chronologiques.

La Préhistoire

  • Le Paléolithique moyen

Plusieurs concentrations lithiques moustériennes ont été mises au jour, toutes dans le secteur 3. Le débitage des pièces est particulièrement soigné, notamment avec un facettage systématique des talons des produits et sous-produits Levallois. La finesse et la régularité de la retouche des outils, des racloirs et des pointes moustériennes surtout, est également remarquable.

Cette série lithique, quoique géographiquement isolée, représente un jalon supplémentaire dans la reconnaissance de l’occupation moustérienne régionale, bien moins documentée dans cette partie sud de la vallée de l’Yonne que dans sa partie nord.

  • Paléolithique supérieur

Le Paléolithique supérieur est représenté, uniquement en secteur 5, par une concentration de plusieurs centaines d’outils en silex, essentiellement des lames. Si beaucoup d’entre elles ont été retrouvées réparties sur plusieurs mètres carrés, d’autres étaient encore concentrées, rassemblées sous la forme d’un fagot qui laisse croire qu’il pourrait s’agir d’une cache d’outils : les silex auraient été placés dans une petite fosse.

  • Le Néolithique

Une occupation néolithique est attestée mais, certainement en raison de phénomènes d’érosion, les vestiges en sont rares. Les quelques structures néolithiques mises au jour (fosses et trous de poteau) sont localisées dans les secteurs 2 (partie sud) et 3, tandis que les autres secteurs n’ont livré que des silex épars en faible quantité. Les premières observations du mobilier laissent penser qu’il pourrait y avoir une différence chronologique entre les vestiges des deux secteurs : Néolithique ancien (BVSG) en secteur 3 et Néolithique moyen en secteur 2.

La Protohistoire

  • L’âge du Bronze final

Les vestiges de l’âge du Bronze se répartissent en trois pôles principaux. L’un, situé dans la partie sud du secteur 2 et dans le secteur 3, pourrait être interprété comme une nécropole. On n’y trouve quelques vases écrasés en place qui semblent en position fonctionnelle. Cette disposition et la typologie des céramiques incitent à y voir les restes d’urnes cinéraires. Une deuxième concentration, dans la moitié sud du secteur 7, pourrait correspondre à l’emplacement d’un habitat. Il comprend essentiellement quelques fosses et, sur quelques mètres carrés, un paléosol riche en céramiques. La troisième, au nord du secteur 2, ne compte que deux fosses polylobées. Tous ces vestiges ont subi une érosion importante.

  • Le premier âge du Fer

Seules quelques fosses localisées dans la partie nord du secteur 2, ainsi que d’autres peut-être dans le secteur 5, peuvent être datées du premier âge du Fer.

  • La fin du deuxième âge du Fer : La Tène finale

Les vestiges de La Tène finale sont présents dans quatre secteurs. Le mobilier céramique du second âge du Fer découvert dans les secteurs 1 et 2 présente un faciès homogène de La Tène D2. Il provient de quelques fosses et de fossés situés à l’extrême nord du secteur 2, tandis qu’il a été découvert dans des fosses et surtout dans des puits, non cuvelés, dans le secteur 1.

Il est vraisemblable qu’un certain nombre de fosses et de trous de poteau très arasés des secteurs 4 et 5 doit être rattaché à cette période. Seul le plan de plusieurs greniers est lisible.

L’Antiquité

L’époque romaine est largement représentée dans tous les secteurs de fouille. L’occupation antique doit être mise en relation avec la voie d’Agrippa, dite voie de l’Océan, qui reliait Lyon à Boulogne-sur-Mer en passant dans la région par Chalon, Autun, Auxerre et Sens. Cette voie doit se situer immédiatement en bordure est de l’emprise des secteurs 4 et 5 puisque l’on considère que la route N6 est implantée ici sur le tracé de l’itinéraire antique. Par cette voie, le site n’était distant que de 5-6 km de la ville romaine d’Auxerre – Autessiodurum.

  • Augustéen-IIe siècle ap. J.-C.

Les lieux sont exploités de deux manières : agricole et artisanale.

Des vestiges d’occupations agro-pastorales se répartissent dans le secteur 1, au nord du secteur 2 et dans les secteurs 4, 5 et 7.

Il s’agit, dans les secteurs 1 et 2, de fossés, de quelques fosses et de deux puits, l’un possédant un cuvelage en pierre et l’autre non. En secteur 7, des séries de trous de poteau permettent de restituer un ou deux bâtiments, construits de terre et de bois, probablement liés au travail agricole. Tandis que deux fossés encadrent un chemin menant aux constructions, d’autres fossés laissent percevoir l’organisation des parcelles. De la même manière en secteurs 4 et 5, le terrain est divisé par un grand nombre de fossés et par deux chemins, dont seuls les fossés bordiers sont conservés. Ces chemins doivent rejoindre plus l’est la voie d’Agrippa.

Plusieurs ateliers de terre cuite antiques ont été mis au jour dans le secteur 4 : trois ateliers de potier et une tuilerie. Si les vestiges conservés des premiers se limitent souvent aux fours et à quelques fosses, nous disposons en revanche de l’ensemble des structures de production des tuiliers romains. La répartition de ces structures rend compte de l’organisation du travail. Ainsi deux bassins quadrangulaires servaient à la préparation de la pâte argileuse, un grand bâtiment construit sur poteaux, une halle, servait au séchage et au stockage des tuiles et des briques après moulage, enfin deux fours assuraient la cuisson des productions.

L’extraction d’argile, pour les potiers et/ou les tuiliers, peut être à l’origine de grandes fosses localisées entre les ateliers. Un autre four de potier très arasé et isolé au sud du secteur 2 se rattache également au début du premier siècle d’après les quelques céramiques présentes dans son comblement.

Dans le secteur 4, quelques bâtiments maçonnés ont été découverts à proximité de la tuilerie. Leur fonction et leur datation restent à déterminer. La plupart de leurs matériaux de construction ont fait l’objet de récupération dans l’Antiquité. L’un d’entre eux au moins serait postérieur à la tuilerie puisque de nombreuses tuiles réemployées (issues de la tuilerie ?) sont utilisées dans la maçonnerie.

  • Fin IIIe – IVe siècle ap. J.-C.

Un grand nombre de vestiges de l’Antiquité tardive correspondant à une occupation agro-pastorale ont été mis au jour. Ils se répartissent très inégalement selon les secteurs.

Seules deux fosses contiguës, dont une grande fosse d’extraction, sont datées du IVe siècle dans le nord du secteur 2. De même datation, le secteur 7 a livré un grand bâtiment sur poteaux plantés, un fond de cabane et peut-être des fossés.

L’ensemble le plus riche se développe à l’extrémité nord du secteur 1 sur une surface rectangulaire de 4500 m² (environ 130 m de long pour 35 m de large) orientée sud-ouest/nord-est. À l’ouest, deux fossés parallèles bordent l’occupation.

Ce site est composé pour l’essentiel de structures en creux (fossés, fosses, trous de poteau, puits…) correspondant à une occupation dont la chronologie a été établie entre la fin du IIIe siècle et le IVe siècle. Si aucun niveau de sol n’a été conservé, plusieurs niveaux d’épandage de mobilier ont été identifiés. Une douzaine de puits ont pu être fouillés en intégralité. Profonds en moyenne de 2,50 m, ils sont pour la plupart pourvus d’un cuvelage en pierres sèches et pour quatre d’entre eux d’un cadre en bois sur le fond. Ils ont livré une quantité importante d’un mobilier varié (céramiques, tuiles, faune, verre, métal…) mais également des artefacts plus rarement conservés (objets en bois ou en cuir) ainsi que de nombreux restes végétaux (feuilles, branchages…). Plusieurs concentrations de trous de poteau permettent d’ors et déjà d’identifier au moins une palissade et deux bâtiments rectangulaires, construits en terre et bois et probablement couverts par des toitures en tuiles.

L’ensemble des vestiges dégagés parait correspondre à une occupation rurale bien structurée et délimitée dans l’espace. Les éléments mobiliers découverts (notamment la céramique et le mobilier métallique) correspondent à un secteur d’habitat mais illustrent également des activités agro-pastorales (sonnailles, outillage agricole, outils…). Deux dépôts monétaires de la fin du IIIe siècle ont également été mis au jour. La qualité du mobilier exhumé illustre un site au statut particulier.

Plus au sud, deux autres concentrations plus réduites de vestiges (trous de poteau, fosses et puits) sont localisées de part et d’autre des deux grands fossés qui longent le site tardo-antique nord. Leur chronologie est identique à ce site, fin IIIe-IVe siècle.

Des fossés, datés également de la fin IIIe et du IVe siècle se développent selon des orientations perpendiculaires dans la partie centrale et septentrionale du secteur 1. Certains d’entre eux forment un enclos approximativement carré d’une cinquantaine de mètre de côté, dans lequel se trouve un puits cuvelé en pierre attribué à la même période.

En l’état actuel des études, rien n’interdit de croire que la série de vestiges datés de la fin IIIe et du IVe siècle dans le secteur 1 faisait partie d’un même et vaste ensemble dont la nature précise reste à déterminer. La quantité et la qualité des objets métalliques ainsi que celles des amphores découvertes sur le site tardo-antique nord (beaucoup d’amphores Dr. 20, présence d’amphores africaines, etc.) surprend pour un site rural, même situé à quelques dizaines de mètre de la voie d’Agrippa. Le contexte local est peut-être à même de fournir une explication. La tradition place la résidence des parents de saint Germain d’Auxerre sur le territoire d’Appoigny, dans une boucle de l’Yonne, à quelques centaines de mètre au nord-est du hameau des Bries. Germain serait né à Appoigny ou à Auxerre vers 378 (mort à Ravenne en 448). Sachant que ses parents étaient des aristocrates et riches propriétaires fonciers, il est plausible que ce site constitue une dépendance de leur domaine.

Jérôme Grasso (responsable d’opération – Archeodunum), Fabrice Charlier (responsable d’opération – Archeodunum), Alexis Taylor (responsable de secteur – Paléotime) et Laetitia Fénéon (responsable de secteur – Paléotime)

Chantier à Sainte-Colombe (Rhône)

Ensemble des céramiques écrasées sur place (cliché Archeodunum)
Photographie aérienne du site (cliché Flore Giraud)
Sol de dalles de marbres (cliché Archeodunum)
Applique de meuble en bronze (cliché Archeodunum)

Sainte-Colombe – rue des petits Jardins (69).

La rive droite du Rhône est connue depuis le XIXe siècle pour sa sensibilité archéologique, notamment après la découverte de plusieurs mosaïques témoignant de la présence de la colonie romaine de Vienne (Vienna). L’aménagement par la mairie de Sainte-Colombe d’une voirie à l’emplacement des anciens jardins ouvriers, rue des Petits Jardins, a entraîné le déclenchement d’une fouille archéologique dont les résultats dépassent de loin nos espérances quant à la connaissance de ce secteur.

Le site est caractérisé par une terrasse naturelle située le long de l’ancienne Voie de Narbonnaise et surplombant le Rhône de près de 15 m. À partir du milieu du Ier siècle apr. J.-C., cette terrasse est englobée dans l’extension urbaine de la ville de Vienne. Elle est matérialisée par une voie nord-sud dotée d’un large collecteur et bordée de part et d’autre par des ilots mêlant habitat, artisanat et édifice public.

Une vaste domus (maison romaine) occupe l’îlot central (îlot B). Elle est caractérisée par une série de pièces richement décorées et organisées autour d’un péristyle situé hors de l’emprise de fouille. Au sein de l’aile méridionale, un vaste oecus (salle de banquet) a été reconnu. Il est doté d’un sol composé de dalles de marbres colorés dessinant des motifs géométriques complexes. Une pièce d’eau composée d’un bassin et d’une fontaine vient compléter le decorum (système décoratif) de cette vaste maison aristocratique qui devait se développer sur plus de 2000 m². En façade, des espaces sont dévolus à des activités artisanales, comme la blanchisserie (fullonica) ou la métallurgie.

L’îlot septentrional est quant à lui partagé entre une vaste maison organisée autour d’un grand jardin (40 m de côté), et un bâtiment dont la destination reste pour le moment hypothétique. Les pièces de l’aile orientale de cette domus sont décorées de mosaïques. Un portique matérialisé par des colonnes d’ordre corinthien et un vaste bassin/fontaine à trois branches encadrait le jardin de cette riche demeure. La parcelle sud comporte quant à elle plusieurs pièces dont certaines étaient dotées de mosaïques ou de chauffage par hypocauste.

L’occupation principale s’étale entre le milieu du Ier et la fin du IIIe siècle, où le quartier semble être abandonné. Au IVe siècle, une petite nécropole vient s’installer dans les ruines de la maison B. Les sépultures sont creusées dans les pièces d’apparat en ruine et devaient être organisées autour d’un lieu de culte, également aménagé dans les ruines de la maison.

Benjamin Clément