Archives de catégorie : Epoque moderne-contemporaine

Bon Baisers d’Autun, Archeodunum dans la saison 2 de Mission Archéo !

Bon Baisers d’Autun

Archeodunum dans la saison 2 de Mission Archéo !

Après un épisode consacré à notre chantier de Nort-sur-Erdre, Archeodunum a une nouvelle fois accueilli l’équipe de Passé Sauvage sur un de ses chantiers. Cette vidéo ouvre la deuxième saison de la série « Mission Archéo », et nous en sommes très heureux.

Les enjeux et les coulisses, bien réels, de notre opération au cœur d’Autun sont inscrites dans une enquête d’ « archéofiction », qui va irriguer toute la saison. Cette approche est un clin d’œil à Jean Rouch et à ses ethnofictions.

Enquête archéologique à Mende

Enquête archéologique à Mende

C’est dans le cadre de la redynamisation du centre-ville de Mende, plus spécifiquement du quartier du nouveau musée du Gévaudan, que des archéologues de la société Archeodunum ont étudié deux maisons (fig. 1). Les travaux envisagés sur ces habitations, occupées du milieu du Moyen Âge à nos jours, ont conduit le Service Régional de l’Archéologie de la région Occitanie à demander une étude archéologique du bâti : une belle opportunité d’en savoir plus sur la forme et l’évolution des maisons mendoises. Durant l’hiver 2023, les archéologues ont ainsi analysé l’enchevêtrement de murs d’époques différentes, permettant de mieux faire connaître ce patrimoine.

 

Fig. 1 : Sous la salle 5, redécouverte et exploration d'une cave voûtée.
Fig. 1 : Sous la salle 5, redécouverte et exploration d'une cave voûtée.
Fig. 2 : Localisation des maisons dans la ville de Mende.
Fig. 2 : Localisation des maisons dans la ville de Mende.

Au cœur historique de Mende

Les maisons, sises aux 7 et 9 rue de la Liberté, appartiennent à la trame urbaine de Mende qui s’est formée autour d’un noyau primitif centré sur la cathédrale d’origine carolingienne (fig. 2). Au XIIe siècle, la ville couvre une superficie de plus de 8 hectares protégée par des fortifications. C’est au siècle suivant que sont construites les habitations, ainsi que l’ont démontré nos datations au carbone 14.

Ces maisons s’organisent sur six niveaux : des caves en partie sous la voirie, un rez-de-chaussée, trois étages et un niveau de combles, desservis par un escalier en vis. Les investigations archéologiques se sont concentrées sur les rez-de-chaussée et une salle du premier étage, seuls espaces impactés par les travaux (fig. 3).

Fig. 3 : Plan du rez-de-chaussée (en gris) et des caves (en bleu). Sous la salle 7, la cave déborde sous la rue de la Liberté et sous la Place au Beurre
Fig. 3 : Plan du rez-de-chaussée (en gris) et des caves (en bleu). Sous la salle 7, la cave déborde sous la rue de la Liberté et sous la Place au Beurre
Fig. 4 : Extrait du relevé au scanner 3D. L'échelle chromatique va du plus bas (bleu) au plus haut (rouge).
Fig. 4 : Extrait du relevé au scanner 3D. L'échelle chromatique va du plus bas (bleu) au plus haut (rouge).

Du laser pour étudier le passé

Cécile Rivals et son équipe ont mis en œuvre différents outils, dont un relevé par scanner 3D (fig. 4). Grâce à un rayon laser, cette technologie permet de mesurer et de restituer les volumes d’un bâtiment avec une très grande précision. Elle est particulièrement bien adaptée à l’analyse de volumes complexes, comme c’est le cas ici.

Les archéologues s’attellent ensuite à étudier les élévations des maisons (fig. 5 et 6). Ils cherchent à identifier les modifications, les ajustements et les changements de parti survenus au cours du temps et des travaux. Les matériaux, les marques lapidaires, les traces d’outils et de mise en œuvre documentent les modes de construction (fig. 6 et 7).

Fig. 5 : Salle 1. Relevé phasé du mur nord.
Fig. 5 : Salle 1. Relevé phasé du mur nord.
Fig. 6 : Salle 1. Les archéologues étudient le mur nord.
Fig. 6 : Salle 1. Les archéologues étudient le mur nord.

Porte à accolade et cave légendaire

Sous les enduits muraux récents et les faux-plafonds, plusieurs ouvertures (portes, dont une à accolade (fig. 8), fenêtres, niches) témoignent de nombreux états successifs (fig. 5 et 9). Ces ouvertures révèlent également qu’une partie du rez-de-chaussée actuel a été un espace extérieur à la fin du Moyen Âge. Il s’agissait probablement d’une rue traversant l’îlot selon un axe nord/sud, comme le laisse entendre une mention écrite de la fin du XVIIIe siècle à propos d’un conflit de voisinage.

Les investigations ont permis de redécouvrir une cave (fig. 1). En effet, un habitant de Mende nous a rapporté la “légende” de l’existence d’une cave, bouchée au milieu du XXe siècle. C’est dans la salle 5, sous une dalle de béton, qu’a resurgi un accès. Cette cave, couverte d’une voûte sur croisée d’ogives, appartient à l’état le plus ancien du bâtiment. Son comblement récent proviendrait du démontage d’un four à pain, initialement installé dans la salle 5.

Fig. 7 : Détail d'un bloc taillé. La lumière rasante fait apparaître les traces caractéris-tiques du marteau taillant.
Fig. 7 : Détail d'un bloc taillé. La lumière rasante fait apparaître les traces caractéris-tiques du marteau taillant.
Fig. 8 : Porte à accolade, bouchée ultérieurement.
Fig. 8 : Porte à accolade, bouchée ultérieurement.

Et maintenant ?

Après le départ des archéologues, les travaux ont pu se poursuivre afin que ces deux maisons du centre historique de Mende soient transformées en commerces. De son côté, l’équipe d’archéologues entreprend un long travail d’analyse des données (relevés, photographies, prélèvements, documents d’archive), afin de comprendre comment on a vécu dans ces maisons de Mende à partir du Moyen Âge. Toutes ces informations seront rassemblées dans un rapport d’étude, qui sera remis à l’État et à la municipalité.

Fig. 9 : Salle 5, mur sud, premier étage. Il s'agit du mur le plus ancien de la maison.
Fig. 9 : Salle 5, mur sud, premier étage. Il s'agit du mur le plus ancien de la maison.

Opération d’archéologie préventive conduite en 2023 sur la commune de Mende (Lozère) au 7-9 rue de la Liberté, en préalable à la restauration des rez-de-chaussée.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de la région Occitanie.

Maîtrise d’ouvrage : communauté de communes Cœur de Lozère

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Cécile Rivals)

Étude archéologique du bâti après décroutage des enduits.

Quoi de neuf à Ainay-le-Vieil ?

Quoi de neuf à Ainay-le-Vieil ?

Archéologie et restaurations au château

Depuis janvier 2020, une partie du château d’Ainay-le-Vieil (Cher) fait l’objet d’une importante campagne de restaurations.  A la demande et grâce à une aide financière de la Conservation régionale des monuments historiques, ces travaux sont accompagnés d’une étude archéologique du bâti. Il s’agit de retracer les techniques de construction du château médiéval et du logis de la Renaissance, en mettant en évidence les transformations de ces deux édifices au fil des siècles. Les résultats, très riches, apportent de nouvelles connaissances sur le système défensif du château, la datation du logis et son ornementation.

Angle nord-est du château. Le logis de la Renaissance est enveloppé d’échafaudages.
Angle nord-est du château. Le logis de la Renaissance est enveloppé d’échafaudages.

Un château au plan octogonal

Le château d’Ainay-le-Vieil est communément daté du XIIIe siècle par son architecture dite « capétienne ». Il se compose de murs de courtine crénelés d’environ 11 m de haut dessinant un plan octogonal. Neuf tours d’environ 15 m de haut, au plan généralement semi-circulaire, se dressent à la jonction de ces portions d’enceinte. Deux tours encadrent la porte d’accès au château, accessible aujourd’hui par un pont en pierre qui enjambe les douves remplies d’eau. À l’angle nord-est, on observe une configuration spécifique, avec une tour circulaire qui relie deux courtines formant un angle droit. C’est à cet endroit qu’un logis composé de deux corps de bâtiments et d’une tour d’escalier a été construit à la Renaissance.

Plan du château médiéval et du logis.
Plan du château médiéval et du logis.
Façade nord du logis de la Renaissance aménagée dans la courtine médiévale. Vue de l’extérieur, après restauration.
Façade nord du logis de la Renaissance aménagée dans la courtine médiévale. Vue de l’extérieur, après restauration.

Un vaste programme de restaurations

Les restaurations amorcées en 2020 ont spécifiquement concerné les parements extérieurs du logis de la Renaissance, ainsi que sa charpente. Trois tours et quatre courtines ont été impactées par ces travaux. Au XIXe ou au XXe siècle, l’ensemble des parements a été recouvert d’un enduit gravillonneux qui présentait des décollements importants. Il a donc été décidé de purger cet enduit et d’en réaliser un nouveau. Grâce au décroutage qui a mis à nu les murs, Camille Collomb et ses collaboratrices ont eu l’opportunité d’expertiser l’ensemble des maçonneries médiévales, d’en étudier les détails de la construction et de proposer des restitutions du château ancien.

Tour nord-est : créneau transformé en fenêtre et partie haute d’une archère.
Tour nord-est : créneau transformé en fenêtre et partie haute d’une archère.

Créneaux, archères et hourds : un château médiéval bien protégé

Tout d’abord, l’étude a révélé que, à l’instar des courtines, les tours étaient à l’origine crénelées. Ce n’est qu’après le Moyen Âge que certains créneaux ont été transformés en fenêtres, et d’autres simplement murés.
Les tours et, occasionnellement, les courtines, étaient également pourvues de hautes archères, réparties sur deux niveaux (en bas et en haut des murs). Pour les tours, chaque niveau se caractérisait par trois archères dont le plan de tir permettait de protéger les abords du château. Avec l’introduction des armes à feu, à partir du XIVe siècle, les fentes de tir du niveau inférieur ont été transformées en canonnières.
Enfin, l’étude archéologique a révélé que les tours étaient pourvues de hourds, véritables galeries en bois positionnées en surplomb des murs pour permettre de défendre les abords du château. La restitution des hourds repose sur l’identification des trous d’ancrage des poutres.

Hourds
Dessin de restitution d’un hourd (E.‑E. VIOLLET-LE-DUC, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, tome 6, p. 139).
Angle nord-est du château : charpente de la tour et du logis.
Angle nord-est du château : charpente de la tour et du logis.

1502 : la datation précise de la charpente du logis

Le logis en appui contre les murs de l’enceinte médiévale est pourvu, dès l’origine, d’une charpente à chevrons formant ferme. Une datation dendrochronologique (Ch. Perrault, C.E.D.R.E.) révèle que les arbres ont été abattus en 1502. Grâce à ces informations, on peut donc placer avec certitude la construction du logis entre l’extrême fin du XVe et le début du XVIe siècle.

Créatures imaginaires sculptées en façade de l’escalier d’honneur.
Créatures imaginaires sculptées en façade de l’escalier d’honneur.
Aile nord du logis avec sa façade agrémentée de sculptures.
Aile nord du logis avec sa façade agrémentée de sculptures.
Au sommet d’une lucarne : sculpture de singe enchaîné.
Au sommet d’une lucarne : sculpture de singe enchaîné.

De fantastiques ornements

Les façades du logis se caractérisent par de nombreux ornements. L’alternance entre des assises de pierres de taille et des bandes enduites confère un rythme horizontal à l’ensemble, équilibré par les moulurations des fenêtres. Surtout, les façades possèdent une grande quantité de sculptures dont l’ensemble est représentatif de l’époque de la construction. L’escalier d’honneur est particulièrement foisonnant avec des sculptures en bas-relief représentant une végétation peuplée de créatures fantastiques.

Un point central de l’archéologie du bâti : la coactivité entre les différents corps de métier

Lors des chantiers de restauration, différents corps de métier travaillent en parallèle : maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, couvreurs ou peintres. Cette coactivité donne lieu à des rencontres propices aux échanges de savoir-faire. Pour les archéologues, ces partages sont riches car ils permettent de confronter les pratiques actuelles des artisans avec les traces laissées par les bâtisseurs depuis le Moyen Âge. Le dialogue autour des découvertes peut également entraîner la modification du projet de restauration par les architectes, afin d’intégrer les résultats de l’étude archéologique. C’est le cas à Ainay-le-Vieil, où la présence des hourds en haut des tours a été matérialisée par des pièces de bois de section carrée placées dans chacun des trous d’ancrage.

Étude archéologique du bâti après décroutage des enduits.
Étude archéologique du bâti après décroutage des enduits.

Et après ?

Les archéologues achèvent leur mission bien avant les autres corps de métier. Une fois le chantier de restauration achevé (printemps 2022), les échafaudages sont déposés et les parements, comme neufs, sont de nouveau visibles par tous. De son côté, l’équipe archéologique s’applique à analyser les échantillons, à compiler la documentation et à rédiger un rapport d’étude qui rassemble la totalité des résultats obtenus sur le terrain. Ces nouvelles données enrichissent considérablement les connaissances sur le château et seront directement transmises au public lors des visites guidées.

Opération d’archéologie du bâti conduite entre 2020 et 2022 sur la commune d’Ainay-le-Vieil, en accompagnement du chantier de restauration du château.

Prescription et accompagnement financier : Conservation régionale des monuments historiques.

Maîtrise d’ouvrage : SCI du château d’Ainay-le-Vieil

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Camille Collomb)

Montbrison_remparts_couv

Une année d’étude sur les remparts de Montbrison

Une année d’étude sur les remparts de Montbrison

Le nez au mur et les mains dans la terre

C’est le long du boulevard Duguet à Montbrison, qu’une équipe de la société Archeodunum a réalisé une étude archéologique des remparts de la ville. Les travaux de confortation et de mise en valeur de ces murs ont conduit le Service Régional de l’Archéologie de la région Auvergne Rhône-Alpes à prescrire une étude archéologique. Durant quinze semaines, d’octobre 2020 à septembre 2021, les archéologues ont ainsi étudié une centaine de mètres linéaires de la fortification et exploré un espace intra-muros accolé au rempart.
Depuis les échafaudages, dans le sous-sol ou dans les archives, les traces recueillies documentent la mise en place des fortifications montbrisonnaises et révèlent la vie quotidienne durant le Moyen Âge et la période Moderne.

 

Le rempart et le collège Victor de Laprade vus depuis le boulevard Duguet, lors de l'arrivée des archéologues
Le rempart et le collège Victor de Laprade vus depuis le boulevard Duguet, lors de l'arrivée des archéologues
Plan général de Montbrison avec localisation de l'étude archéologique
Plan général de Montbrison avec localisation de l'étude archéologique

Grande profondeur et haute précision

L’intervention de Cécile Rivals et de son équipe a pris diverses formes. En coactivité avec les maçons chargés de la restauration, les archéologues ont investi les échafaudages et procédé à l’analyse des murs du rempart sur une longueur d’environ 100 mètres. La stabilité de la fortification faisait l’objet de mesures topographiques régulières grâce à des capteurs fixés dans les murs.
Intra-muros, dans la cour du collège Victor de Laprade, ce sont environ 75 m2 qui ont été explorés, jusqu’à la profondeur impressionnante de 7 mètres. Un dispositif de blindage a apporté toutes les garanties de sécurité pour la fouille de cet espace restreint. Une grue, constamment présente, a permis d’évacuer les déblais, et même de déposer une petite pelle mécanique dans le fond de la fouille, afin de faciliter le travail des archéologues.

Étude de la courtine du XIIIe siècle depuis les échafaudages
Étude de la courtine du XIIIe siècle depuis les échafaudages
Dégagement des fondations de la courtine du XIIIe siècle
Dégagement des fondations de la courtine du XIIIe siècle

Les fortifications : quand l’histoire se confronte à l’archéologie

La ville de Montbrison a été défendue par plusieurs fortifications successives. Au XIIIe siècle, le château et le bourg castral, situés sur la butte basaltique dominant Montbrison, étaient protégés par une enceinte circulaire. À la fin de la guerre de Cent Ans, les Montbrisonnais furent autorisés à construire un grand rempart autour de la ville. Au milieu du XVe siècle, la ville était donc protégée par une fortification longue de plus de 2 km, ponctuée de nombreuses tours semi-circulaires. Des tours semblables furent alors ajoutées contre la courtine du XIIIe siècle, qui montrait déjà des signes de faiblesse.
Ces données connues par des sources historiques ont pu être confrontées à la réalité archéologique lors de l’intervention de 2020-2021. Grâce à l’analyse interne et externe de la tour T1, les archéologues ont notamment pu étudier le mode constructif de la courtine du XIIIe siècle, le rôle de contrefort des tours semi-circulaires ajoutées deux siècles plus tard, et les constantes interventions de consolidation de ces ouvrages fortifiés.

Fouille en cours, avec à gauche, l'intérieur de la tour semi-circulaire ajoutée au XVe siècle
Fouille en cours, avec à gauche, l'intérieur de la tour semi-circulaire ajoutée au XVe siècle
Plan phasé des principaux vestiges
Plan phasé des principaux vestiges

Une occupation dense contre les remparts

Dans l’espace fortifié, c’est un habitat dense qui s’est développé, comme en témoigne le dessin réalisé pour l’armorial de Revel au milieu du XVe siècle. Une portion de maison a été retrouvée enfouie, avec une partie de ses murs et d’un sol pavé. Autre témoignage de la vie quotidienne, une canalisation recueillait les eaux usées du bourg pour les rejeter à l’extérieur de la ville, à travers le rempart.

Traces de la vie quotidienne au XIIIe siècle : habitation et réseau d’eaux usées
Traces de la vie quotidienne au XIIIe siècle : habitation et réseau d’eaux usées
Pot en céramique daté entre la seconde moitié du XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle
Pot en céramique daté entre la seconde moitié du XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle

Une phase de remblaiement

Durant la période Moderne, lorsque l’aspect défensif des remparts ne fut plus essentiel, les constructions furent rasées et l’espace intra-muros remblayé. Les terres apportées contenaient une grande quantité de déchets : carcasses d’animaux consommés, vaisselle brisée en céramique et en verre, ou encore objets métalliques, tous témoins de la vie quotidienne.
Le jardin de la famille de La Noérie, dont la maison est devenue l’actuel collège Victor de Laprade, occupait cet espace remblayé. Un belvédère fut aménagé à l’emplacement de la tour fouillée, probablement pour profiter de la vue dégagée sur les monts du Forez.

Et maintenant ?

Le collège Victor de Laprade a retrouvé l’intégralité de sa cour de récréation, tandis que les remparts consolidés vont continuer à témoigner du riche passé de Montbrison. Côté archéologie, un long travail d’analyse des données recueillies sur le terrain est en cours (relevés, photographies, objets, prélèvements, documents d’archive). Nos spécialistes se livrent à de minutieuses études, afin de comprendre comment on a vécu autour des remparts de Montbrison à partir du Moyen Âge. Tous les résultats seront réunis dans un rapport final abondamment documenté, et seront présentés au grand public sous la forme d’une conférence.

Opération d’archéologie préventive conduite entre octobre 2020 et septembre 2021 sur la commune de Montbrison (Loire), boulevard Duguet, en préalable à la consolidation et la mise en valeur du rempart.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : Municipalité de Montbrison

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Cécile Rivals)

Rempart, crimes et botanique

Rempart, crimes et botanique

Résultats de l’accompagnement archéologique à l’Orangerie de Montbard

L’ambitieux projet de réhabilitation du parc Buffon et de ses abords, porté depuis juin 2019 par la municipalité de Montbard, se poursuit. De juillet 2020 au printemps 2021, il s’est attaché à la création du pôle pédagogique et récréatif de l’Orangerie, en contrebas de l’ancien château. À la demande du Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne-Franche-Comté, les archéologues de la société Archeodunum, sous la responsabilité de Cécile Rivals, ont accompagné ces travaux.
L’intervention archéologique a été plurielle : un suivi de travaux, pour accompagner le creusement de tranchées de réseaux et de fosses de plantation et documenter les vestiges archéologiques ; une étude du bâti, pour analyser deux caves aux singuliers graffiti ; enfin, une étude documentaire, pour faire dialoguer résultats archéologiques et sources historiques. Sur les surfaces explorées, les résultats sont spectaculaires, avec notamment l’identification du rempart nord de la ville médiévale et la découverte d’une prison contemporaine de Buffon.

 

Les traces de la fortification urbaine médiévale

Cécile Rivals et son équipe ont commencé par découvrir une portion de la fortification urbaine de Montbard, dont le tracé était encore méconnu. Un tronçon du mur de courtine de cet ouvrage défensif, large de 1,50 m, ainsi qu’une tour semi-circulaire accolée ont été mis au jour en limite nord de l’emprise. Les sources écrites nous permettent de savoir que ce rempart a été édifié avant le milieu du XIVe siècle, puis largement reconstruit au début du XVIIe siècle.

Plan phasé des vestiges superposé à une vue aérienne de 2017. Fond Geoportail
Plan phasé des vestiges superposé à une vue aérienne de 2017. Fond © Geoportail
Vestiges de la tour semi-circulaire médiévale et du rempart
Vestiges de la tour semi-circulaire médiévale et du rempart

Chez Bogureau et compagnie : un îlot d’habitation de l’époque moderne

Dans l’espace intra-muros, les murs de plusieurs maisons sont apparus sous les remblais. Ces murs formaient les caves enterrées d’un îlot urbain de la fin du Moyen Âge ou de l’époque moderne. La trace de ces bâtiments a également été retrouvée dans des actes de vente de la seconde moitié du XVIIIe siècle. On dispose ainsi d’une brève description de ces maisons avant leur destruction, et on connait les noms des familles qui y ont vécu : Bogureau, Berthuot, Cochat et Varret – des ancêtres de Montbardois d’aujourd’hui ?

Un lieu d’incarcération au temps de Buffon

Nos spécialistes de l’archéologie du bâti ont étudié deux caves enterrées, découvertes fortuitement avant le début des travaux. Il s’agit de deux espaces voûtés superposés, une organisation qui témoigne de l’adaptation à la forte pente marquant ce secteur de la ville. Une troisième cave a été entrevue lors du suivi de travaux, mais il n’a pas été possible d’y pénétrer.
Ces trois caves appartiennent à un bâtiment disparu, qui a servi de prison entre 1726 et 1774. Sur les murs, les prisonniers ont laissé des traces émouvantes de leur passage, sous la forme d’un impressionnant enchevêtrement de graffiti, dessinés ou incisés. Les représentations sont très variées : portraits, bateaux, inscriptions, peignes de comptage du temps ; à la vue de quelques dessins de plantes en pot, il est difficile de ne pas penser à la proximité des grands travaux botaniques de Buffon, contemporains de ces sinistres cachots.

Bateau et comptages de temps dessinés sur le mur d’un des cachots (fausses couleurs)
Bateau et comptages de temps dessinés sur le mur d’un des cachots (fausses couleurs)
Portrait incisé dans l’enduit de la cave haute. Le personnage porte un bonnet typique des marins du XVIIIe siècle
Portrait incisé dans l’enduit de la cave haute. Le personnage porte un bonnet typique des marins du XVIIIe siècle
Plante en pot dessinée sur l’enduit de la cave haute (fausses couleurs).
Plante en pot dessinée sur l’enduit de la cave haute (fausses couleurs).

L’Orangerie de Buffon

Après avoir transformé l’ancien château de Montbard en jardin botanique, le naturaliste Georges-Louis Leclerc de Buffon s’est attaché à installer une Orangerie. Celle-ci, mentionnée à partir de 1742, se compose dans un premier temps d’une serre, d’un puits et de parterres. En 1780, elle est agrandie vers le nord, à l’emplacement de l’îlot d’habitation découvert. C’est également dans ce cadre que Buffon échange une de ses propriétés contre l’ancienne prison, à la pointe sud-est de l’Orangerie.
Ces aménagements successifs sont attestés tant par les documents anciens que par les vestiges archéologiques. L’ensemble donne l’image d’un jardin soigné, où les orangers et les citronniers plantés en pots étaient rentrés l’hiver dans des serres chauffées. Des statues et de nombreuses fleurs agrémentaient les allées plantées de sycomores.

Et après ?

Au cours du XXe siècle, les serres de l’Orangerie servent de gymnase pour l’école primaire de Montbard, tandis qu’une partie des jardins devient un parking. Aujourd’hui, le seul bâtiment encore conservé accueille le service de médiation culturelle du Musée Buffon et le siège de la Société naturaliste du Montbardois. Et, avec l’aménagement d’une aire de jeux dans un écrin de verdure, c’est une nouvelle page de l’histoire de ce secteur qui est en train de s’écrire.
Côté archéologie, nos experts étudient l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, archives) afin de comprendre au mieux comment on a vécu, libre ou enfermé, dans ce secteur de Montbard au cours des siècles. Tous les résultats sont rassemblés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Travail en cours sur les vestiges de l’Orangerie
Travail en cours sur les vestiges de l’Orangerie

Opération d’archéologie préventive conduite entre juillet 2020 et mars 2021 sur la commune de  Montbard (Côte-d’Or), au lieu-dit Parc de l’Orangerie, en préalable à la création du pôle pédagogique et récréatif de l’Orangerie.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bourgogne Franche-Comté

Chambery-musee-savoisien

Chambéry : Du couvent franciscain au Musée savoisien

Du couvent franciscain au Musée savoisien : premières découvertes d’une fouille médiévale à Chambéry

Le Musée Savoisien, musée départemental d’histoire et des cultures de la Savoie à Chambéry est installé dans l’ancien couvent des cordeliers, un ensemble classé aux Monuments Historiques accolé à la Cathédrale Saint-François-de-Sales de Chambéry. Il fait actuellement l’objet d’un ambitieux projet de rénovation porté par le département de la Savoie. Dans le cadre de ce chantier, le Service Régional de l’Archéologie a prescrit une opération d’archéologie préventive, concernant une partie du bâti et le sous-sol de plusieurs bâtiments du Musée. Cette opération a été menée pendant plusieurs mois en deux grandes phases, de 2018 à 2020, par une équipe Archeodunum sous la direction de Quentin Rochet.

Huit cents ans d’histoire chambérienne

Le couvent de Chambéry appartient à l’ordre des frères mineurs (franciscains) fondé par Saint François d’Assises (†1226), et plus tard à sa branche conventuelle. Il est construit à l’extérieur de la ville à une date difficile à préciser dans la première moitié du XIIIe siècle, avant sa première attestation en 1253. La ville, devenue capitale de la Savoie, l’englobe dans son extension et sa nouvelle enceinte urbaine dès la fin du siècle suivant. La première église conventuelle, attestée dès 1282, est remplacée au XVe siècle par une église plus imposante, l’actuelle Cathédrale Saint-François de Sales, dont le chantier principal s’étend sur près d’un siècle.

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, d’importants travaux remanient profondément les bâtiments conventuels pour leur donner leur configuration actuelle autour du grand cloître bien connu des Chambériens.  À la fin du XVIIIe siècle, la ville devient enfin siège d’évêché – le décanat de Savoie participait jusque-là de l’évêché de Grenoble – mais la place manque pour y installer cathédrale et palais épiscopal. Le choix se porte vers le seul ensemble urbain à même d’accueillir le nouvel évêché : le couvent des franciscains. Ceux-ci sont expropriés en 1777 et vont s’installer dans l’ancien couvent des Jésuites. Avec une interruption durant la période révolutionnaire, l’évêché reste dans les murs jusqu’en 1905 tandis que l’église conventuelle conserve son rôle de Cathédrale jusqu’à nos jours. L’ensemble est classé au titre des Monuments Historique en 1906 et 1911. Les bâtiments conventuels sont attribués au musée Savoisien qui ouvre ses portes en 1913.

Vue générale du cloître
Vue générale du cloître
Localisation du couvent dans le parcellaire d'ancien régime (intra muros)
Localisation du couvent dans le parcellaire d'ancien régime (intra muros)
Le couvent sur une gravure de Chambéry au XVIIe siècle
Le couvent sur une gravure de Chambéry au XVIIe siècle
Plaque de foyer aux armes de l'ordre franciscain, découverte dans un mur de la cuisine
Plaque de foyer aux armes de l'ordre franciscain, découverte dans un mur de la cuisine

Dans les murs et dans le sous-sol : le couvent du XIIIe siècle

Avant l’opération archéologique, nos connaissances sur le couvent du XIIIe siècle étaient minces, limitées principalement à quelques éléments architecturaux parmi lesquelles les baies de la salle capitulaire retrouvées dans les années 1980. L’opération a permis de reconnaître dans la construction moderne les murs érigés au Moyen Âge. Mieux encore, elle a vu la découverte des niveaux de circulations du couvent médiéval, relativement bien conservé, entre 1 m et 1,40 m sous les sols actuels.

Ainsi le sous-sol de la salle capitulaire (aile orientale – ancien accueil du musée) conservait son sol en mortier de chaux et ses enduits sur les murs gouttereaux. Le relatif bon état de conservation s’explique en partie par la brièveté d’usage de cet aménagement : dès la fin du XIIIe siècle cet espace intérieur est remblayé sur près d’un mètre de hauteur d’une épaisse couche d’argile étanchéifiant pour lutter contre les problèmes d’humidité récurrents à Chambéry. Une contrainte qui explique également le creusement après la construction du couvent de plusieurs drains sous les bâtiments. Rehaussée, la salle capitulaire communiquait avec le cloître par une porte flanquée de deux paires de baies. La pièce était équipée de banquettes latérales contre ses murs où s’asseyaient les frères pour assister au chapitre et délibérer.

À une même profondeur, l’aile nord du couvent a vu la mise au jour des aménagements du réfectoire. De grande dimension (plus de 20 m de long), celui-ci accueillait – au moins depuis le XIVe siècle – les assemblées de la ville en plus de son usage par la communauté religieuse. Un espace d’environ 1,30 m le long de ses murs périphériques était occupé par des estrades en bois et peut-être par des stalles, tandis que le centre de la pièce présente un solide sol en mortier de tuileau rouge. Sans qu’on puisse attester de leur présence dès la première construction, de hauts piliers viennent soutenir les poutres du plafond comme dans d’autres grands réfectoires franciscains (Paris, Troyes, etc.). La pièce est amputée au XVIIe siècle d’une partie de son emprise par l’agrandissement du cloître.

À la charnière des ailes nord et est, la fouille a permis de découvrir les cuisines de la communauté, au moins pour l’époque moderne : une grande pièce dotée d’une forte pile centrale pour soutenir son plafond, est équipée en cheminée et potagers. D’autres espaces du couvent ont également été fouillés (« Libraria », cour nord-ouest, etc.) et permettent d’identifier les aménagements anciens, les nœuds de circulations, et les modifications successives dans l’organisation spatiale du couvent.

Dans les élévations aussi les maçonneries témoignent des états successifs du couvent. Pour le couvent primitif, elles nous permettent d’envisager un ensemble dépourvu de ses extensions tardives (aile nord-est, escaliers de la période moderne, extension maximale de l’aile occidentale peut-être, etc.) et organisé autour d’un cloître de plus petite dimension que celui du XVIIe siècle. L’articulation de ce premier couvent avec l’église du XIIIe siècle – probablement situé à l’emplacement de l’actuelle cathédrale – nous est toutefois inconnue, la fouille n’ayant que marginalement concerné les secteurs proches de celle-ci.

Plan général des vestiges
Plan général des vestiges
Vue du sol en mortier de tuileau du réfectoire du couvent
Vue du sol en mortier de tuileau du réfectoire du couvent
Vestiges d'une probable tour interne au bâti (escalier ou clocher)
Vestiges d'une probable tour interne au bâti (escalier ou clocher)
Fouille de la petite cour nord-ouest du couvent
Fouille de la petite cour nord-ouest du couvent

Des inhumations dans les bâtiments du couvent

L’aile orientale du couvent est occupée par la salle capitulaire, la « Libraria » – une pièce voutée que la tradition érudite identifie comme bibliothèque de la communauté – et l’ancienne chaufferie du XXe siècle. Ces espaces ont livré durant la fouille un nombre important de sépultures. Une centaine d’entre-elles concernées par le projet d’aménagement ont fait l’objet d’une fouille, mais on peut estimer qu’elles ne représentent qu’une fraction des inhumations dans cette aile, peut-être un sixième. On sait également que d’autres espaces du couvent accueillent des sépultures qu’on devine nombreuses : la galerie du cloître ornée de dalles funéraires, la nef de l’église conventuelle et une partie de l’actuelle place métropole (parvis de la cathédrale).

La majorité des sépultures découvertes l’ont été dans la salle capitulaire, un espace relativement privilégié au sein de l’ensemble conventuel. Si l’église des franciscains n’est pas une église paroissiale, elle accueille parfois les laïcs, plus encore après leur mort. C’est également le cas de la salle capitulaire, dernière demeure d’une population mixte comprenant tous les âges et tous les sexes, dont un nombre significatif d’individus présentant des indices de stress de nature carentielle. Les inhumations y ont lieu entre la fin du XIIIe siècle (après rehaussement du niveau de sol) et le début de l’époque moderne. Elles se font selon deux orientations distinctes, probablement contraintes par les dalles de pavement de la pièce. L’étude des sépultures tend à montrer que la majorité des défunts, si ce n’est la totalité, a été inhumée habillée ou enveloppée d’éléments textiles comme le prouve notamment la mise au jour d’épingles de « linceul », d’autres conservent les vestiges de cercueils en bois. Les sépultures les plus tardives comportaient en outre des chapelets de facture soignée. La « Libraria » se distingue par l’inhumation dans un angle de la pièce d’un groupe constitué uniquement d’enfants et d’adolescents, sans qu’on puisse encore trancher sur les différentes hypothèses expliquant ce phénomène.

En plus des sépultures individuelles, trois caveaux ont été identifiés dans cet espace. Il s’agit de construction de grande dimension couvert de voutes en pierre et desservies par des escaliers d’accès, parfois même par un petit couloir. Seul un de ces caveaux a été concerné par l’intervention archéologique, les deux autres n’étant que très superficiellement concernés par l’aménagement du nouveau musée. L’étude anthropologique, encore largement en cours, permettra de mieux connaître cette population inhumée et d’en rechercher les logiques de recrutement.

Vue d'un des caveaux de la salle capitulaire
Vue d'un des caveaux de la salle capitulaire
Inhumations médiévales et modernes dans la Libraria
Inhumations médiévales et modernes dans la Libraria
Sépulture en cercueil d'un très jeune enfant, XVIIe siècle
Sépulture en cercueil d'un très jeune enfant, XVIIe siècle
Échantillon du mobilier mis au jour dans la salle capitulaire. Chapelet en bois, jeton de compte et sifflet de flute en os
Échantillon du mobilier mis au jour dans la salle capitulaire. Chapelet en bois, jeton de compte et sifflet de flute en os

Des latrines médiévales sous l’aile nord-est

L’aile nord-est du couvent est une construction de la période moderne, attestée au XVIIe siècle et parfois désignée comme logis de l’abbé. Sans indices sur l’occupation de cette espace avant cette construction, la découverte sous cette aile d’un bâtiment médiéval indépendant du couvent constitue une des principales surprises de la fouille. De cet édifice nous ne connaissons que la limite occidentale et les fondations, les élévations et les niveaux de sols ayant été détruits par la construction de l’aile. L’angle situé dans l’emprise de fouille comprenait toutefois une fosse de latrine maçonnée particulièrement bien conservée, scellé dans des niveaux humides par la démolition du bâtiment.

Plusieurs corpus mobiliers particulièrement intéressants ont été découverts dans cette fosse. En premier lieu les restes biologiques : graines et ossements animaux qui, à travers les études archéozoologiques et carpologiques, permettent de restituer « par le menu » l’alimentation des habitants du lieu aux XVe-XVIe siècle. La table dressée pour cette alimentation se décline dans le corpus en cruche en céramique, verres de table et écuelles en bois tournées. Ces dernières, très rarement conservées, car constituées d’un matériau périssable, constituent une découverte exceptionnelle par leur état de conservation. La fosse conservait également une partie des carreaux en céramique d’un poêle domestique de grande dimension. Ces carreaux présentent un riche décor dont chaque motif se répète sur plusieurs carreaux : casque orné d’un cimier et d’armoiries imaginaires, créatures mythiques, dames et troubadours jouant de la musique dans un jardin, décor de muraille et de tour coiffant le poêle, etc. Cet ensemble mobilier, guère conforme à l’idéal de pauvreté franciscain, désigne un habitat élitaire, bénéficiant d’une certaine aisance économique. La relation entre celui-ci et le couvent lui-même reste à définir.

Vue de la fosse de latrines médiévale en cours de fouille
Vue de la fosse de latrines médiévale en cours de fouille
Vue brut de fouille d'une des écuelles en bois découvertes dans les latrines
Vue brut de fouille d'une des écuelles en bois découvertes dans les latrines
Fragment d'un carreau de poêle figurant une dame noble jouant de l'orgue portatif devant une fontaine et un arbre
Fragment d'un carreau de poêle figurant une dame noble jouant de l'orgue portatif devant une fontaine et un arbre

Si la fouille est terminée depuis plusieurs mois, l’étude de ce site est encore très largement en cours. Elle permettra à terme de mieux comprendre l’évolution du couvent et à travers lui tant l’histoire de Chambéry que celle des établissements franciscains. Une partie significative des découvertes sera intégrée au musée Savoisien et à son parcours muséographique, qu’il s’agisse du mobilier archéologique mis au jour sous le musée ou des connaissances sur l’histoire des bâtiments dans lesquels évoluent les visiteurs du musée.

Fig. 7 : Les cinq torques de l’âge du Bronze ancien.

A Tomblaine, les colliers sont éternels

A Tomblaine, les colliers sont éternels

Découvertes des âges du Bronze et du Fer dans le bassin de Nancy

Au cours de l’automne 2020, Archeodunum a réalisé une fouille archéologique au lieu-dit « Bois la Dame », sur la commune de Tomblaine (54). Cette opération, prescrite par le Service régional de l’archéologie de Grand Est, était motivée par l’extension de la ZAC « Bois la Dame », pilotée par la société SOLOREM. Sur 30 000 m², Amaury Collet et son équipe ont exploré des vestiges des âges des Métaux, au cours des deux derniers millénaires avant J.-C.

Aux portes de Nancy, un riche environnement archéologique

Le site est localisé à l’est de Nancy, non loin du plateau de Malzéville et du Pain de Sucre. Le contexte archéologique est riche, avec en particulier des sites des âges du Bronze et du Fer, contemporains de ceux trouvés ici.

XIXe – XXe siècles : des drains, des puits, des arbres

Nos archéologues ont commencé la fouille en retirant la terre végétale à l’aide de pelles mécaniques. Au-dessous, ils ont découvert de nombreuses traces de la mise en valeur des terres agricoles entre le XIXe et le XXe siècle. Trois réseaux de drains en terre cuite strient toute la zone (fig. 1-2). Plusieurs puits et des fosses de plantations d’arbres rappellent la présence de jardins ouvriers, créés dans les années 1960.
C’est au milieu de toutes ces traces que se nichent des vestiges nettement plus anciens, puisqu’ils datent des deux derniers millénaires avant J.-C.

 

Fig. 1 : Plan général des vestiges sur vue aérienne (fond © Google Earth)
Fig. 1 : Plan général des vestiges sur vue aérienne (fond © Google Earth)
Fig. 2 : Drains récents.
Fig. 2 : Drains récents.
Fig. 3 : Vestiges des trois bâtiments superposés.
Fig. 3 : Vestiges des trois bâtiments superposés.
Fig. 4 : Plan des trois bâtiments superposés.
Fig. 4 : Plan des trois bâtiments superposés.

IIIe – Ier siècles av. J.-C. : agriculture gauloise

A l’instar des traces plus récentes, ce sont des indices d’exploitation agricole qui émergent. Le sud du site est ainsi parcouru par une série de fossés peu profonds, probables limites de champs ou d’enclos. Ils signalent la proximité d’une ferme des derniers siècles avant J.-C., repérée lors d’une fouille voisine en 2012.

VIe – Ve siècles av. J.-C. : de l’architecture et des poubelles gauloises

La destination agricole des lieux s’ancre dans un passé plus ancien encore. L’équipe a ainsi découvert des éléments architecturaux datés du milieu du premier millénaire avant J.-C. – une période encore mal connue dans la région. Au sud de la fouille, des bâtiments se sont succédé au même emplacement. Leur architecture recourt à des poteaux ancrés dans le sol, dont seuls les emplacements ont été reconnus (fig. 3). Nos archéologues pensent reconnaître trois constructions : deux habitations de 12 à 20 m², et un grenier de 5 m² (fig. 4).
Dans l’environnement de ces bâtiments, trois grandes fosses aux formes irrégulières ont été creusés pour extraire de l’argile – peut-être destinée à la construction (fig. 5). Elles ont ensuite servi de dépotoirs. Dans leur remplissage, toute sorte de déchets qui reflètent la vie domestique – et qui font le bonheur des archéologues : restes de foyer, vases brisés, fragments de meules, ossements animaux (fig. 6).

 

Fig. 5 : Fosse complexe en cours de fouille.
Fig. 5 : Fosse complexe en cours de fouille.
Fig. 6 : Fragments de poterie dans une fosse.
Fig. 6 : Fragments de poterie dans une fosse.

Début du 2e millénaire av. J.-C. : cinq colliers pour un dépôt mystérieux

C’est au sud-est de la fouille qu’Amaury et son équipe ont découvert un lot exceptionnel de cinq colliers en bronze. Ces tours de cou, ou « torques », étaient soigneusement empilés du plus grand au plus petit (fig. 7). Ils sont faits d’un jonc rigide, ouvert, dont les extrémités sont repliées. Leur forme, très courante, permet de les dater à l’âge du Bronze ancien, entre 2000 et 1600 avant J.-C.

Quant à la raison de leur enfouissement, elle reste énigmatique. Les colliers de ce type ont été souvent trouvés dans des tombes, mais telle n’est pas la situation ici. Les autres hypothèses fréquemment avancées par les archéologues sont le stockage de métal en vue de le refondre, des cachettes de marchands, des trésors associés à une personne particulière, ou encore des dépôts rituels.

Fig. 7 : Les cinq torques de l’âge du Bronze ancien.
Fig. 7 : Les cinq torques de l’âge du Bronze ancien.

Et après ?

À l’issue du chantier, la société SOLOREM a repris possession des lieux pour la suite de l’aménagement de la ZAC « Bois la Dame ». Côté archéologie, nos experts étudieront l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu dans ce secteur du bassin de Nancy durant les derniers millénaires avant J.-C. Tous les résultats seront synthétisés dans un rapport de fouille abondamment documenté.

Quant aux cinq colliers métalliques, ils ont été envoyés dans un laboratoire spécialisé. Ils y seront nettoyés et stabilisés, en vue d’une conservation optimale. Les bijoux sont éternels, ou c’est du moins à quoi s’emploient les archéologues et les services de l’Etat.

Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2020 sur la commune de Tomblaine,
au lieu-dit « Bois la Dame », en préalable à l’extension d’une ZAC.

Prescription et contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie de Grand-Est

Maîtrise d’ouvrage : SOLOREM

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Amaury Collet)

Etude de l’abbaye de Jumièges (Seine-Maritime)

Fondée en 654 par Saint-Philibert, avec le soutien de la reine Bathilde, l’abbaye de Jumièges (Seine-Maritime) est l’un des plus vastes ensembles monastiques conservé en France. Monument phare de la Normandie orientale, ces ruines pittoresques ont autant inspiré les artistes romantiques de la deuxième moitié du XIXe siècle qu’elles ont suscité de débats au sein de plusieurs générations de chercheurs (historiens, historiens de l’art, archéologues, architectes…).

Dans la continuité des travaux menés sur l’église abbatiale Notre-Dame, le Département de Seine-Maritime, propriétaire de l’abbaye, a entrepris un vaste projet de restauration de l’église Saint-Pierre, située au sud de l’abbatiale, et du passage Charles VII qui relie les deux édifices. Dans ce cadre, une étude monumentale et sanitaire a été réalisée par un groupement d’entreprises (Archeodunum SAS pour l’étude archéologique des élévations, Studiolo pour l’étude des enduits peints, h2o pour l’étude sanitaire de l’édifice).

Ces études ont apporté des compléments notables à la restitution du plan de l’église carolingienne, essentiellement au niveau du massif occidental qui était peu étudié jusqu’alors. Ce massif était constitué de deux tourelles d’escalier encadrant un porche voûté, surmonté d’une tribune ouverte sur la nef par une large baie en plein cintre. Dans les tourelles d’escalier, des paliers éclairés par des baies géminées permettaient d’accéder à des tribunes aménagées au-dessus des bas-côtés. Les nouvelles datations 14C, et leur mise en perspective avec les datations déjà réalisées par nos prédécesseurs, permettent de faire remonter la construction à la fin du VIIIe siècle, ce qui ferait du massif occidental de Saint-Pierre l’un des plus anciens d’Europe.

L’étude a également révisé la totalité de la chronologie admise pour les reconstructions gothiques. Celles-ci, concentrées sur le XIVe siècle, suivent un plan cohérent qui semble respecter une volonté de conserver les volumes de l’édifice. Pour autant, les reconstructions n’offrent pas une image homogène, une asymétrie assumée distinguant les bas-côtés nord et sud. Cette mise en valeur différente des espaces (bas-côtés, travée occidentale de la nef) illustrent probablement des fonctions liturgiques qui nous échappent encore largement.

Cette étude constitue donc un renouvellement important des connaissances sur le site lui-même et offre plus largement de remarquables perspectives pour la compréhension des édifices carolingiens.

 

David Jouneau