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Quand l’eau courante est arrivée à Lyon

La datation de l’aqueduc du Gier enfin révélée ?

Résultats d’une fouille archéologique des piliers du pont siphon de Beaunant

Comme nous vous en avions parlé récemment (article en ligne), la dernière fouille menée par Archeodunum sous la direction de David Baldassari porte ses fruits notamment par les résultats obtenus sur les bois découverts.

L’aqueduc du Gier, qui alimentait en eau la ville antique de Lugdunum (Lyon), est l’un des plus longs et l’un des mieux conservés du monde romain (86 km). Cet édifice spectaculaire se singularise, entre autres, par l’utilisation à quatre reprises de la technique de la conduite forcée, qui permet à l’aqueduc de franchir les vallées encaissées. Le siphon de Beaunant, qui enjambe la vallée de l’Yzeron entre les communes de Chaponost et Sainte-Foy-Lès-Lyon, est le plus imposant de ces quatre ouvrages. Ce pont, dont le programme de restauration est soutenu par la Fondation du Patrimoine et la Mission Stéphane Bern, franchissait le fond de la vallée à 17 m de hauteur, sur 270 m de long, supporté par une succession de 29 piles.

La datation de la construction de l’aqueduc du Gier a suscité de nombreux débats au sein de la communauté scientifique. Deux datations étaient couramment avancées, l’une sous le règne de l’empereur Claude (41-54 ap. J.-C.), la seconde sous le règne de l’empereur Hadrien (117-138 ap. J.-C.). Cette question est essentielle pour la connaissance de l’approvisionnement en eau de la ville de Lugdunum et, plus généralement, du développement l’ingénierie hydraulique en Gaule.

Pour tenter de répondre à cet épineux problème, le pont-siphon de Beaunant a fait récemment l’objet d’une fouille d’archéologie préventive. L’opération, confiée à l’entreprise Archeodunum et réalisée sous la responsabilité scientifique de David Baldassari, a été menée sur trois piles du pont. Elle a dévoilé des découvertes inédites et jusqu’à présent insoupçonnées, au premier rang desquelles se trouve la mise au jour de planches en bois de sapin employées pour l’assemblage d’un coffrage de maçonnerie. Les analyses dendrochronologiques, réalisées par François Blondel (laboratoire CNRS Artehis – Dijon), ont révélé que l’abattage des arbres dont sont issues les planches s’est produit en 110 de notre ère. C’est donc sous le règne de l’empereur Trajan (97-117 ap. J.-C.) qu’a probablement débuté la construction de l’aqueduc du Gier, sans exclure cependant qu’il ait été achevé sous le règne de l’empereur Hadrien.

La fouille a également permis de mettre en lumière une technique de construction jusqu’alors ignorée dans l’édification de l’aqueduc du Gier. Les piles du pont qui se trouvaient dans le lit de la rivière reposaient, en effet, sur un soubassement de 2 m de hauteur construits avec des blocs de taille en grand appareil de calcaire. Les plus grands de ces blocs mesuraient jusqu’à 1,40 m de long et pesaient près de 3 tonnes.

Les résultats de cette fouille, offrent aujourd’hui, la possibilité d’enrichir considérablement la connaissance de l’aqueduc du Gier et plus largement de l’archéologie lyonnaise.

Nouvelles recherches sur l’aqueduc du Gier

Vue d'ensemble de la fouille (cliché J. Pesseas)
Vue d'ensemble de la fouille (cliché J. Pesseas)
Bloc effondré (cliché J. Pesseas)
Détail de l'opus reticule qui habille l'aqueduc (cliché J. Pesseas)
Vue des bois retrouvés à la base de la pile de l'aqueduc (Cliché Archeodunum)

Une fouille d’archéologie préventive, réalisée par la société Archeodunum SAS sous la direction de David Baldassari, se déroule actuellement sur la commune de Saint-Foy-Lès-Lyon (69). Cette opération s’inscrit dans le cadre de l’aménagement de protection contre les inondations du bassin-versant de l’Yzeron porté par le SAGYRC. La fouille prescrite par le Service régional de l’archéologie de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Ministère de la Culture), concerne 3 des 29 piles du pont siphon de Beaunant qui supportait les conduites forcées acheminant l’eau de l’aqueduc du Gier à Lugdunum.

Les premières observations réalisées par les archéologues ont révélé que la pile n° 19, conservée sur 3,90 m d’élévation, reposait sur un soubassement constitué d’un assemblage de blocs de calcaire taillés en grand appareil. Les plus grands de ces blocs mesuraient 140 cm de long par 120 cm de large et 70 cm d’épaisseur. Par ailleurs, des pièces de bois ont été identifiées contre la maçonnerie de la fondation de la pile n° 18 conservée dans le lit actuel de la rivière. Ces éléments se composent d’un pieu planté à la verticale et de plusieurs fragments de planches. Les premières constatations indiquent que le bois employé pourrait être un résineux (sapin ou pin) et que ces éléments participaient à la mise en œuvre d’un coffrage associé à la construction de la maçonnerie de fondation de la pile. Cette découverte est inédite, car ces éléments, s’ils n’ont pas été trop dégradés par le temps, pourraient permettre, par le biais d’analyses dendrochronologiques ou d’analyses C14, d’obtenir de nouveaux éléments de datation pour la construction de l’aqueduc du Gier.

Rappelons que la datation de la construction de cet ouvrage majeur suscite encore aujourd’hui de nombreux débats au sein de la communauté scientifique. Deux datations sont couramment avancées, l’une sous le règne de l’empereur Claude (41-54 ap. J.-C.), la seconde sous le règne de l’empereur Hadrien (117-138 ap. J.-C) (cf. article Desbat 2011).

La fouille archéologique se déroulera jusqu’au 3 août 2018, permettant aux archéologues de collecter un maximum de données, qui après études et analyses, approfondiront les connaissances déjà acquises sur le pont siphon de Beaunant et plus généralement sur l’aqueduc du Gier.

David Baldassari

Notons que la société Archeodunum intervient depuis plus de 10 ans sur les aqueducs qui alimentaient Lugdunum, comme par exemple…

Retour sur le chantier de Saint-Aubin

Parures celtiques découvertes à Saint-Aubin (Aube) au sein des tombes de la “Gloriette”

Un torque exceptionnel orné de figures humaines (tombe féminine - 4e-3e s. av. J.-C.)
Paire de fibules en bronze ornée de corail
Détail d'un torque issu d'une tombe féminine datée du 4e s. av. J.-C.
Fibules en bronze dont une ornée de corail
Parure issue d'une tombe du 3e s. av. J.-C.

(Crédits photos : A. Mailler/Bibracte pour Archeodunum)

Monuments aux mort.e.s dans le Nogentais

En 2014, une équipe d’archéologues des entreprises Paléotime et Archeodunum a exploré un terrain de plus de deux hectares sur la commune de Saint-Aubin (Aube). Ces travaux se sont inscrits en préalable à l’extension d’un centre de traitement de déchets, pour le compte de la société SITA/Suez.

Le site occupe le flanc d’une petite colline nommée « La Gloriette », qui domine le cours de l’Ardusson, un affluent de la Seine. À cet emplacement, les archéologues ont eu la chance rare de fouiller la totalité d’une nécropole de la fin de l’âge du Bronze puis de l’âge du Fer (9e à 3e siècle av. J.-C.).

Les monuments de l’âge du Bronze et du Premier âge du Fer prennent la forme de vastes tertres circulaires, dont subsistent les fossés périphériques et des tombes à crémation.

Au Second âge du Fer, la pratique de l’inhumation prend le relais. La nécropole de « La Gloriette » abrite une quarantaine de tombes, regroupées en huit enclos quadrangulaires souvent marqués par un fossé. La plupart des défunts étaient inhumés avec de la parure et/ou des armes, dont la très grande qualité révèle le haut statut de leurs propriétaires.

Parmi ces objets, sept torques (tours de cou) en bronze sont des parures féminines. Toutes différentes, leurs ornementations sont d’une remarquable finesse. Plusieurs fibules (broches) associent le bronze et le corail. Nous présentons ici une sélection de cette joaillerie d’exception.

Bien plus tard, aux 9e et 10e siècles apr. J.-C. (époque carolingienne), à 150 m à l’est, un nouveau cimetière regroupe une douzaine d’inhumations. Aucun objet n’a été découvert dans les tombes.

Dans leur ensemble, les traces de ces monuments funéraires renvoient aux diverses manières dont les sociétés humaines se comportent à l’égard de leurs morts : crémations ou inhumations, grands monuments ou caveaux familiaux, abondance ou absence d’objets accompagnant les défunts, en sont quelques aspects.

Les grands monuments de l’âge du Bronze marquent durablement le paysage et semblent inaugurer et conférer, pour plusieurs siècles, un caractère funéraire au site. Peut-être renforcée par une occupation de même nature au sommet de la colline, la position privilégiée de ce petit cimetière structure le paysage, et affirme le prestige des vivants et leur domination sur les alentours.

Enfin, en dépit d’une très mauvaise conservation des squelettes, l’étude fine des ossements a notamment permis d’entrevoir la vie quotidienne. Dans ce domaine et pour la période gauloise, il faut signaler les traces répétées d’une usure atypique des dents, qui renvoie au travail des fibres ou du cuir.

Les élites celtiques de « La Gloriette », tant hommes que femmes, sont donc également (et peut-être avant tout) des artisans. Dans ce sens, il est plaisant de penser qu’à l’image de l’armement et de la joaillerie de qualité, parfois exceptionnelle, qui les accompagnent dans la mort, ces hommes et ces femmes ont été de leur vivant des maîtres dans leur spécialité.


Une sélection du mobilier issu du site de Saint-Aubin « La Gloriette » est présentée dans le cadre de l’exposition « Les Sénons » qui se tient du 19 mai au 29 octobre 2018 au Palais synodal de Sens et au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Troyes. Articulée autour de cinq thèmes (1. Les Sénons avant les Sénons en Europe celtique ; 2. Les Sénons entrent dans l’Histoire ; 3. Croyances religieuses, monde des morts et société ; 4. Territoire, production et consommation ; 5. Les Sénons après la conquête), cette exposition exceptionnelle offre, pour la première fois, un panorama exhaustif sur l’un des peuples les plus fameux de la Gaule, que César classera « parmi les plus puissants et qui jouit parmi les autres d’une grande autorité ».

Commune: Saint-Aubin
Adresse / lieu-dit: La Gloriette
Département / Canton : Aube (10)
Pays: France

Date de l’intervention:
du 25/08/2014 au 31/10/2014

Période(s) concernée(s): Age du Bronze ; Age du Fer ; Moyen-Age ;

Raison de l’intervention:
Extension d’un centre de traitement des déchets

Responsable d’opération: Guillaume VARENNE (Paléotime)
Etude du mobilier métallique: Amaury Collet (Archeodunum)
Etude anthropologique: David Gandia (Archeodunum)


Suivi scientifique:
SRA Grand-Est
Aménageur: SITA Dectra/SUEZ

Carte

Une nécropole et des traces d’artisanat de l’âge du Fer mis au jour à Dax (Landes)

Vue aérienne du site (Cliché Sam John - Archeodunum)
Sépulture à crémation dans une urne du premier âge du Fer (cliché Archeodunum)
Grenier du deuxième âge du Fer / Haut-Empire (cliché Archeodunum)
Fragment de sole perforée de four retrouvée au fond d'une fosse (cliché Archeodunum)

La fouille de Dax, préalable à la construction du premier « village Alzheimer » de France, a débuté le 8 novembre 2017 et s’est achevée le 16 février 2018. Menée par huit archéologues, sous la direction de Alexandre Lemaire et Stéphanie Lemaître, elle a offert un regard diachronique sur l’occupation rurale d’un secteur proche de la ville antique, à travers une fenêtre de 2,5 ha.

Les installations successives ont été conditionnées par la présence, dans l’axe médian de l’emprise de fouille, d’un fond de vallon qui draine encore aujourd’hui les eaux météoriques, conférant au secteur un caractère particulièrement humide tout au long de son histoire. Les vestiges s’étendent sur une aire chronologique qui débute à la période néolithique et s’achève à la période contemporaine, et soulignent les efforts ininterrompus des occupants pour drainer le site.

Deux ensembles fonctionnels se distinguent toutefois : à l’est du thalweg, une petite nécropole à crémations du premier âge du Fer (VIIème-VIème s. a.C.) témoigne probablement de la proximité de l’habitat d’une petite communauté (une quinzaine de tombes). A l’ouest du thalweg, les vestiges tendent à caractériser un secteur artisanal marqué par une demi-douzaine de fours démolis et par les ancrages des structures porteuses d’au moins quatre bâtiments édifiés en terre et bois, dont deux probables greniers. La chronologie et la contemporanéité des ces structures reste à établir, mais une partie des fours semble d’ores-et-déjà orienter l’activité vers la production de sel gemme (présence d’augets rectangulaires à pâte violacée par réaction chimique au contact du sel), susceptible d’ancrer l’origine des salines dacquoises dans une histoire bien plus ancienne que celle qui était jusque-là envisagée.

Alexandre Lemaire


Et retrouvez le reportage effectué pendant la fouille par la société Dia!Films pour la web-tv du département des Landes.

Une maison néolithique et des vestiges gallo-romains à Ars-en-Saintonge (Charente)

Photo du site par drone. Au second plan, le château de la Maison Ferrand (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment « naviforme » néolithique, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment carré de l’angle sud-est de l’enclos principal, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)
Bâtiment rectangulaire sur tranchées plantées de poteaux, vue par drone depuis le sud (© 3DRView / Archeodunum)

La fouille de Ars, en Charente, près de Cognac, a été conduite à la fin de l’année 2016 par Alexandre Lemaire. Préalable à la construction d’un chai par la maison Ferrand, productrice de spiritueux, elle a permis d’ouvrir une fenêtre de 7000 m². Après la phase nécessaire d’étude, nous sommes heureux de pouvoir présenter les premiers résultats de cette fouille fructueuse, qui a notamment mis au jour une maison néolithique et un enclos rural du début du Haut-Empire (Ier s. p.C.), présentant deux états successifs associé à deux bâtiments.

La maison néolithique se situe au centre de l’emprise de fouille. Il s’agit d’un bâtiment « naviforme » de 13,90 m de longueur et 5,80 m de largeur maximale. Ce type d’édifice « naviforme » fondé sur poteaux et tranchées n’est pas sans évoquer les bâtiments « en amande » ou « piriformes » du Néolithique final et du Bronze ancien mis au jour ces dernières années en Bretagne et dans le Calvados . La datation radiocarbone d’un charbon prélevé dans l’un des deux poteaux de l’entrée du bâtiment tend à valider l’attribution au Néolithique final. Enfin, le matériel lithique collecté sur le site, majoritairement en position résiduelle au sein des structures plus récentes, présente une homogénéité forte et correspond à une industrie lithique de la fin du Néolithique Centre-Ouest (néolithique récent peu richardien ou néolithique final artenacien) qui détermine un contexte favorable à l’attribution chronologique de notre bâtiment.

L’occupation du Haut-Empire se signale par un enclos fossoyé quadrangulaire, presque carré, dont le fossé occidental se poursuit en direction du nord, au-delà de la limite d’emprise. La partie enclose s’inscrit dans un espace de 60 à 70 mètres de côté, fossés compris, délimitant une surface totale de 4043 m² et une surface utile d’environ 3685 m². Les tessons collectés au sein des fossés orientent une datation centrée sur la première moitié du Ier s. p.C.. Une partition interne, matérialisée par un tronçon de fossé d’à peine 10 m de longueur, orienté nord-sud et déconnecté des fossés de ceinture, marque une limite dans l’axe médian de l’enclos.

Dans l’angle sud-est de l’enclos, un premier bâtiment correspond à un ensemble presque carré de 7,5 m par 7,65 m, délimité par des tranchées de fondation probablement destinées à accueillir des séries de poteaux. Aucun mobilier n’y a été mis au jour, à l’exception d’un anneau en fer de datation ubiquiste. Les façades orientale et occidentale du bâtiment paraissent interrompues et peuvent déterminer des points d’accès ou, plus probablement, correspondre à des sections de cloisons non porteuses, fondées plus légèrement, dans une architecture à double pans. Cinq structures en creux de petit module ont été relevées à l’intérieur du bâtiment. Le lien entre cet espace bâti et des vidanges de foyers observées à son aplomb, dans les fossés de ceinture, témoigne d’une activité culinaire liée à une consommation de coquillages et tend à inscrire le bâtiment carré dans une activité domestique.

Un second aménagement pouvant servir à enclore un espace se superpose ensuite partiellement au premier. Il s’agit d’un ensemble de structures fossoyées, essentiellement linéaires, localisé au niveau de la moitié orientale de l’enclos principal, reprenant l’axe de l’ancien fossé de partition comme limite occidentale. Identifiées comme une série de tranchées ou de sections peu profondes de fossés, ces structures paraissent dessiner un fossé discontinu délimitant un espace de forme peu ou prou trapézoïdale d’environ 1800 m². Un lot de céramiques permet une datation assez précise de l’ensemble dès le milieu du Ier s. p.C.. La mise en place du système fossoyé secondaire marque l’abandon du premier, sans que l’on puisse déterminer s’il s’agit d’une simple rétractation de l’espace originel ou d’un changement de fonction du site, par exemple au profit d’une activité agro-pastorale dénuée d’occupation domestique.

Enfin, un dernier ensemble bâti longe à la fois le fossé de partition du premier enclos et la limite occidentale du deuxième système fossoyé. Très mal conservé, il ne subsiste que par des fonds de tranchées de sablières associés à quelques ancrages de poteaux. En l’état, ce bâtiment reste non daté, mais sa bonne insertion dans les plans des deux enclos du Haut-Empire peut plaider pour leur association.

L’espace doublement enclos contenait encore deux fosses de bonnes dimensions qui se rapportent à la période gallo-romaine. L’une d’entre elles a livré de nombreux restes de malacofaune, quelques restes de céramique et amphores, ainsi qu’une petite herminette en fer assez bien conservée. Enfin, un puits, profond de 2,80 m, occupe également l’espace deux fois enclos ; son comblement terminal peut être situé dans la deuxième moitié du Ier s. p.C. et il est probable que ce puits ait alimenté en eau les deux occupations successives du Haut-Empire.

Le développement de petits établissements inscrits dans le giron agro-pastoral au début du Haut-Empire ainsi que leur abandon assez rapide, avant le Bas-empire, est un phénomène courant qui a par exemple été observé en Picardie, dans le Berry ou encore en Beauce. C’est le cas à Ars, où l’abandon ou la restructuration du premier enclos intervient dès le milieu du Ier s. p.C. et où l’occupation du site ne semble pas perdurer dans le IIème s. p.C.. Les données sur le secteur sont encore trop lacunaires pour permettre d’intégrer le site à un schéma de développement des campagnes susceptible, par exemple, de relier l’abandon de petites fermes à la mise en place de plus grands établissements. Mais avec cinq autres enclos fossoyés repérés en prospection aérienne, la mention d’une « villa », et la proximité de la voie qui reliait Saintes à Périgueux, le territoire de la commune offre de bonnes perspectives pour l’exploitation de ces problématiques.

Alexandre Lemaire (coll. Bruno Bioul)

Fouille en cours sur le site d'Auneau

Découverte d’un habitat antique à Auneau (Eure-et-Loir)

Vue d'ensemble de la cave
Potentielle aire de battage
Potentielle aire de battage

Entre avril et juillet 2017, une opération archéologique a été réalisée sur la commune d’Auneau (Eure-et-Loir), en amont d’un projet de lotissement. Située au niveau de la confluence de l’Aunay et de la Voise, la commune d’Auneau est connue pour être occupée dès le Paléolithique. Cependant la rive droite de la vallée de l’Aunay est encore peu connue, une fouille a donc été prescrite sur une surface de 15 000 m² au lieu-dit des Nonains. Elle a permis la mise au jour de quelques éléments protohistoriques et d’un habitat rural antique.

Les vestiges protohistoriques sont matérialisés par un nombre restreint de structures en creux. Ces dernières, localisées dans l’est du site, ne permettent pas d’affirmer la présence d’une occupation à proprement parlé.

L’occupation antique est présente sur l’ensemble de l’emprise et est datée du Ier au IIe siècle de notre ère. Il s’agit d’un habitat rural constitué d’un enclos maçonné et de plusieurs bâtiments. L’un de ces bâtiments correspond à une habitation à galerie de façade dont plusieurs états ont été identifiés, dont l’un avec ajout d’une pièce chauffée sur hypocauste.

Les autres bâtiments, dont trois sont accolés à l’enclos maçonné, correspondent à des bâtiments d’exploitation. Un bâtiment situé en face du bâtiment principal peut être interprété comme un porche. Les bâtiments sont de structure simple (une pièce) à l’exception d’un. En effet, une grange a pu être mise en évidence au sud-est de l’emprise, près d’une petite voie. Le bâtiment est composé d’un espace principal rectangulaire, flanqué de deux pavillons à l’ouest de ce dernier.

A l’intérieur de cet habitat, d’autres structures ont pu être mises au jour, telles que des fours, des puits, une potentielle aire de battage et des structures de combustions dont la fonction n’est pas encore identifiée. Ces dernières sont localisées dans la partie est du site et sont réparties en deux ensembles, un de quatre structures et un de six. Ces batteries ont été mises au jour sous des bâtiments agricoles et n’ont livrées aucun mobilier ni aucun indice quant à leur fonction et leur datation.

La démolition du bâtiment résidentiel et de ses bâtiments d’exploitation signe l’abandon de l’occupation.

Adélaïde Hersant

Vue de deux structures de combustion en cours de fouille
Vue de deux structures de combustion en cours de fouille
Vue de l'un des puits
Vue de l'un des puits
Vue aérienne du site
Vue aérienne du site

Des berges antiques sous le siège du CIO à Lausanne

Aménagements de quai, époque romaine (Archeodunum SA)
Dépôt d’amphores, époque romaine (Archeodunum SA)

Entre février 2016 et avril 2017, les travaux d’agrandissement du siège du Comité International Olympique ont permis d’explorer le site de Lausanne-Vidy sur une surface de 8000 m2, dans un secteur connu depuis longtemps pour sa richesse patrimoniale et partiellement fouillé entre 1984 et 2006. L’intervention a été réalisée par l’entreprise Archeodunum SA, sur mandat de la section d’Archéologie cantonale vaudoise.

Les quais de la ville romaine, dégagés sur 130 m de longueur, sont entièrement consolidés par des enrochements et des centaines de pieux en chêne, derrière lesquels sont parfois conservés des madriers horizontaux. Des empreintes de poutres et de poteaux internes, avec divers éléments de fixation, suggèrent l’existence de plateformes planchéiées. Un long entrepôt occupe une partie des quais, à proximité d’un édifice muni de pièces chauffées et de latrines. Deux jetées, découvertes à 190 m de distance l’une de l’autre, devaient délimiter un espace de navigation protégé et fonctionner comme débarcadères en période de basses eaux. Ces différents aménagements offrent une vision unique des installations portuaires qui firent la prospérité de Lousonna. Les dizaines d’amphores retrouvées sur le site témoignent aussi de cette intense activité commerciale, contrôlée par des corporations de bateliers comme celle des Nautes du Léman (Nautae lacus Lemanni). Le secteur est vraisemblablement désaffecté au 3e ou au début du 4e siècle, alors que les rives du lac sont déjà en partie ensablées.

A partir de la fin du 7e ou au 8e siècle, un cimetière se développe autour d’une église paroissiale connue uniquement par des sources écrites. Les 317 tombes fouillées en 2016 suivent des orientations variables et comportent généralement des aménagements en bois et/ou en pierre, à l’exception de quelques défunts inhumés en « pleine terre ». Aux abords de la zone funéraire, plus de 400 fosses et trous de poteaux correspondent à une occupation datée de la fin du 8e au 13e siècle, avec des bâtiments présentant pour certains des indices d’activité artisanale. Ces constructions attestent pour la première fois l’existence d’un établissement médiéval sur les rives lausannoises du lac Léman, à 3 km du siège épiscopal installé sur la colline de la Cité.

Dans la partie sud du chantier, on retrouve des aménagements extérieurs (murs de clôture, canalisations, cours pavées, etc.) appartenant aux différentes propriétés privées qui se sont succédé sur le site depuis la Réforme, jusqu’à l’actuel « château » de Vidy (1771-1776).

Romain Guichon

Dépôt de vaisselle en céramique et en verre, époque romaine (Y. André, MCAH)
Cimetière d’époque médiévale (Archeodunum SA)

Fouille d’un monastère médiéval et moderne proche de Grenoble

Base de colonne du XIIe siècle marquant le passage au transept
Vue d'une grande salle de l'aile sud, interprétée en tant que réfectoire
Vue aérienne des niveaux de sols conservés des XVIIe et XVIIIe s. dans les ailes sud et est. Cliché F. Giraud
Caveau funéraire d'une des chapelles de l'église

L’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève (Isère) a été bâti au XIXe siècle sur les vestiges de l’ancien monastère Saint-Robert le Cornillon. D’importants travaux impactent l’ensemble du prieuré, qui fait l’objet d’une vaste fouille archéologique préventive.

 

Fondé dans les années 1070 par les premiers comtes du Dauphiné, le prieuré est placé sous la dépendance de l’abbaye bénédictine de la Chaise-Dieu.

L’ensemble médiéval est organisé autour d’un cloître rectangulaire de 350 m², avec des galeries larges de 3 m. L’église est composée d’une large nef à bas-côtés divisée en 4 travées, délimitant 8 chapelles. Un transept asymétrique, au bras sud plus développé, relie l’église à l’aile orientale. Le chœur, visiblement reconstruit à la période gothique, est composé d’un chevet à pans coupés, en très grande partie récupéré.

L’aile orientale est agrandie à l’est par une série de bâtiments dont la nature n’a pas encore été identifiée. L’aile sud est composée d’une vaste salle qui pourrait correspondre au réfectoire et d’une pièce équipée d’un foyer central et d’une canalisation qui évoque des cuisines.

Un ensemble de bâtiments forme l’angle sud-ouest des bâtiments conventuels, alors que l’aile sud se prolonge à l’est, au-delà du carré claustral. Un simple mur de clôture ferme le cloitre entre ces constructions et l’angle sud-ouest de l’église.

Le flanc méridional du prieuré est longé par un important collecteur maçonné, plusieurs fois remanié.

 

Partiellement détruit lors des Guerres de Religion, le prieuré est entièrement reconstruit entre 1658 et 1660, à l’exception de l’église, sous l’impulsion réformatrice de la congrégation de Saint-Maur.

Les bâtiments conventuels reprennent en partie les fondations anciennes. Si la structure de l’église évolue peu, le cloitre est agrandi vers l’ouest et le sud et un nouveau collecteur est construit, toujours sur le flanc méridional du carré claustral. L’aile orientale concentre les fonctions liturgiques et administratives (sacristie, salle du Chapitre), l’aile sud les fonctions domestiques (réfectoire, cuisines) et l’aile occidentale les dépendances (celliers).

 

Quatre secteurs d’inhumation se distinguent :

  • Le cimetière paroissial, à l’ouest de l’église, concentre de très nombreuses inhumations.
  • Le cloître abrite des sépultures au fond des galeries.
  • L’église accueille quelques tombeaux, essentiellement dans les chapelles.
  • Le chevet de l’église polarise une aire sépulcrale dont l’étendue n’a pas encore été définie, qui pourrait correspondre au cimetière de la communauté monastique.

 

Après la Révolution, l’ensemble conventuel est acheté par le Département (1812), qui transforme le site en reste en dépôt de Mendicité puis en asile départemental d’aliéné à partir des années 1840. Les bâtiments sont alors profondément remaniés et intégrés à un ensemble pavillonnaire qui constituait l’hôpital jusqu’aux récents travaux.

Les bâtiments conventuels sont intégralement conservés. La nef de l’église est entièrement reconstruite entre 1840 et 1848, le chœur liturgique étant préservé pour servir de chapelle. Ce dernier est détruit entre 1860 et 1878 pour laisser place à un pavillon d’entrée, qui donnera à la blanchisserie de l’hôpital son aspect définitif.

Le cloitre est également détruit, une galerie étant maintenue au sud avec de nouvelles arcades. La moitié nord de l’aile ouest est détruite, afin d’aligner sa façade nord avec celle de l’aile orientale. Elle est reconstruite au XXe siècle pour se raccorder à une extension du bâtiment.

David Jouneau

Un site archéologique exceptionnel à Sainte-Colombe, le Bourg (Rhône)

Dans les faubourgs de la ville antique de Vienne se déroule actuellement une fouille archéologique préventive sur une parcelle de 5500 m², en préalable à la construction de quatre immeubles de logements. La commune de Sainte Colombe est connue depuis le XIXe siècle pour sa sensibilité archéologique, notamment après la découverte de plusieurs mosaïques témoignant de la présence de riches demeures appartenant à la colonie romaine de Vienna.

Un vaste espace public au bord du fleuve

A la suite du diagnostic réalisé par Michel Goy (Inrap), les premières investigations conduites par  Archeodunum, sous la responsabilité de Benjamin Clément, ont révélé un secteur public à l’est, en bordure des quais du Rhône, qui correspond à une vaste place dotée d’une fontaine monumentale et bordée de portiques soutenus par trois rangées de colonnes. Cet aménagement d’envergure correspond sans doute à un vaste gymnase en lien avec les Thermes du Sud qui bordent l’emprise de fouille. Il est implanté au début du IIe siècle et se développe sur une surface restituée de prés de 1350 m².
Il vient supplanter un premier espace public du Ier siècle qui prend la forme de séries de boutiques (tabernae) dédiées à la production artisanale (métallurgie, vente de denrées alimentaires, etc…) et entourant une vaste place dotée d’un bassin d’agrément. Un entrepôt vient compléter ces aménagements qui sont sans doute liés à la présence toute proche des quais du Rhône. Au IVe siècle, le gymnase est abandonné et un grenier sur plancher et vide sanitaire est implanté dans la partie nord-ouest du secteur. Enfin, une nécropole du haut Moyen-Âge comprenant une quarantaine de sépultures constitue la dernière trace d’occupation du site.

La voie de Narbonnaise et ses abords

La voie de Narbonnaise, édifiée par Agrippa autour des années 10 av. J.-C., limite cette opération à l’ouest. Elle est pavée de larges dalles de granite et longée par un portique monumental ouvrant sur des espaces à destination économique et artisanale. En fond de parcelle, une première domus organisée autour d’un petit jardin de 70 m² a été reconnue dans son intégralité. Sa décoration est soignée comme en témoigne la découverte d’un cubiculum (bureau) de 16 m² dotée d’une mosaïque dont le médaillon central représente l’enlèvement de Thalie, la muse de la comédie, par Pan, une divinité de la suite bachique.
Une seconde domus organisée autour d’un vaste jardin est en cours d’exploration plus au nord. Elle a été détruite par un incendie dans la seconde moitié du IIe siècle, préservant sa riche décoration ainsi que ses étages effondrés sur les sols du rez-de-chaussée. Cet état de conservation exceptionnel laisse présager de nombreuses et riches découvertes et permettra d’appréhender avec une grande précision la vie quotidienne dans la ville antique de Vienne.

Découvertes néolithiques et protohistoriques autour de Pontivy

Vue du fossé palissadé de Kernaud 1
Vue aérienne de l'épandage à Kernaud 2
Vue d'un des bâtiments néolithiques de Neulliac
Vue aérienne d'un des enclos de l'âge du Bronze de Neulliac

Entre le mois d’octobre 2016 et le mois de juillet 2017, pas moins de trois fouilles ont été réalisées aux abords de l’agglomération de Pontivy (Morbihan) : deux dans le cadre du contournement nord de la ville, et une actuellement en cours pour l’aménagement d’un futur parc d’activités. Ces fouilles réalisées par les équipes d’Audrey Blanchard et Mohamed Sassi ont permis de mettre au jour des occupations du Néolithique, de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer.

Sur la commune même de Pontivy, à Kernaud 1, la fouille d’une surface de 3800 m² en novembre 2016 a permis la mise au jour d’un réseau de fossés daté de la fin du second âge du Fer. Sous la responsabilité de Mohamed Sassi, les archéologues ont identifié la présence d’au moins un système d’enclos fossoyés avec une entrée et sans doute une partition interne de l’espace. En parallèle, au moins quatre bâtiments de petites surfaces (fondations comprises entre 5 et 9 m2) évoquent la présence de greniers et deux structures de combustion complètent cette occupation comprise entre le IIe et le début du Ier siècle av. J.-C d’après l’étude de la céramique. [Accès à la notice complète]

À proximité immédiate, mais sur le territoire de la commune de Cléguérec, le site de Kernaud 2 occupe une surface de 5600 m². Audrey Blanchard et son équipe ont alors repéré 70 structures et un épandage de mobilier datés de l’âge du Bronze final. Des aménagements de pierres ont également été distingués en limite d’emprise et pourraient correspondre aux restes d’un habitat. Un second décapage a permis de repérer une vingtaine de structures supplémentaires, aux abords et sous l’épandage, mais malheureusement le mobilier ne permet pas de les raccorder clairement à une occupation antérieure distincte. [Accès à la notice complète]

Enfin, à cinq kilomètres plus au nord-est, près de cinq hectares sont en cours de fouille avant l’implantation du Parc d’Activités de Saint-Caradec à Neulliac. Cette grande emprise décapée permet la découverte de multiples structures en creux, vestiges d’occupations du Néolithique et de l’âge du Bronze. Audrey Blanchard et Jimmy Ménager y dirigent la fouille de plusieurs bâtiments du Néolithique et d’enclos funéraires de l’âge du Bronze, entre autres témoignages de la Protohistoire. Ces vestiges présagent un apport d’informations importantes pour la connaissance de ces périodes en Bretagne, les bâtiments du Néolithique étant encore largement méconnus. [Accès à la notice complète]

Notons que ces dernières fouilles sont toujours en cours, mais les archéologues font déjà parler d’eux ! [Extrait de l’émission de France Inter : La Récréation du 22 mai 2017]