De ces pierres… Recherches archéologiques au prieuré de Ternay

De ces pierres, ils ont bâti leur église

Recherches archéologiques au prieuré de Ternay

L’église Saint-Mayol de Ternay (69) se dresse sur un promontoire surplombant la rive gauche du Rhône, ce qui la rend visible de loin particulièrement grâce à son clocher en briques (fig. 1). Afin d’entretenir cet édifice emblématique de son patrimoine, la mairie de Ternay a entrepris des travaux de restauration qui se sont déroulés entre novembre 2020 et décembre 2021.

À la demande du Service Régional de l’Archéologie, une étude archéologique du bâti a été réalisée conjointement à la restauration. Le chantier a concerné les extérieurs de la moitié orientale de l’église. Les archéologues ont aussi documenté des vestiges mis au jour dans les tranchées de réseaux aux abords de l’église. Ces recherches nous en apprennent plus sur les choix constructifs et sur l’histoire de l’édifice.

Fig. 1 : Vue aérienne du prieuré depuis le sud-ouest.
Fig. 2 : Plan de l’église. En rouge, les maçonneries plus anciennes (fond de plan : Sylvie Burki, géomètre-expert DPLG).

L’ancien prieuré de Ternay

L’église Saint-Mayol appartient à un ensemble prieural dépendant de l’abbaye de Cluny (fig.2). La fondation de cet établissement à Ternay remonte, d’après les sources écrites, à la deuxième moitié du Xe siècle au plus tard. L’église, quant à elle, présente des caractéristiques esthétiques qui permettent de placer sa construction au XIe ou au XIIe siècle (fig. 5). La manière dont s’est déroulé ce chantier au Moyen Âge, l’identification des matériaux et des outils utilisés par les bâtisseurs, la restitution des élévations originelles de l’église, sont autant de questions auxquelles l’équipe d’Archeodunum a tenté de répondre.

La pierre : des choix mûrement réfléchis

Les matériaux de construction sont diversifiés et révèlent un approvisionnement réfléchi, fondé sur une bonne connaissance de leurs caractéristiques techniques (fig. 4) :

  • Granite pour les pierres de taille des épaulements et des contreforts ;
  • Molasse pour celles de l’abside ;
  • Calcaire, tuf et brique pour les parties hautes ;
  • Tuf pour les voûtes, en raison de la légèreté de ce matériau.
Fig. 3 : Modillon sculpté de l’abside, représentant un acrobate.
Fig. 4 : Partie nord-est de l’églises, après restauration. On y distingue les différents types de pierre.

Deux mortiers pour deux usages

Le mortier le plus abondamment utilisé se caractérise par de nombreux graviers et cailloux (> 2 mm). Il est approprié pour les joints épais qui séparent les moellons. En revanche, les bâtisseurs ont souhaité réduire l’épaisseur des joints entre les pierres de taille. Pour ce faire ils ont utilisé une recette de mortier différente composée d’une charge sableuse (< 2 mm). Ces deux liants sont utilisés conjointement dans les murs et pour toutes les maçonneries du transept et du chevet (fig. 5), ce qui témoigne d’un approvisionnement maîtrisé du granulat, peut-être même anticipé pour tout l’édifice afin de ne pas en manquer. Il y avait donc au moins deux aires de gâchage durant toute la durée du chantier des parties orientales.

Les parties hautes des murs

Dès l’origine, les murs pignons s’élevaient légèrement au-dessus des toitures. Les parties hautes de l’église ont fait l’objet de nombreuses transformations au fil des siècles mais, au sud, la pierre sommitale du mur pignon est conservée : taillée à la manière d’un fronton dans du calcaire blanc, elle servait de socle à une sculpture aujourd’hui disparue (fig. 6).

Fig. 5 : Mortier sableux entre les pierres de taille de l’arc et mortier caillouteux dans l’appareil du mur.
Fig. 6 : Pierre sommitale du bras sud du transept.

Des traces de construction plus anciennes

À l’est, une maçonnerie passe sous l’abside. Cette structure, partiellement mise au jour au fond d’une tranchée, peut s’apparenter à un socle de fondation de l’église, ou bien être en lien avec un édifice plus ancien. Les archéologues ont mis en évidence d’autres traces de constructions antérieures. En particulier, le bras sud du transept a été construit en englobant un mur plus ancien : conservé sur une hauteur de près de 4 m, ce mur pourrait bien appartenir aux premiers bâtiments du monastère, antérieurs à la construction de l’église romane (fig. 7).

Fig. 7 : Mur ancien englobé dans la construction de l’église romane.
Fig. 7 : Mur ancien englobé dans la construction de l’église romane.

Opération d’archéologie préventive conduite entre novembre 2020 et décembre 2021
sur la commune de Ternay, en accompagnement du chantier de restauration de l’église Saint-Mayol.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Maîtrise d’ouvrage : mairie de Ternay

Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Camille Collomb)

Équipe de terrain

  • Camille Collomb* (RO)
  • Audrey Baradat-Joly (Anthropologue)
  • Auriane Lorphelin* (Archéo. bâti)
  • David Gandia* (Anthropologue)
  • Guilhem Turgis (topographe)
  • Jessy Crochat (acquisition 3D)
    * Terrain et Post-Fouille

Équipe de post-fouille

  • Alexandre Polinski – Matériaux/Lithique
  • Cécile Rivals – étude doc.