Parties de campagnes gallo-romaines
En octobre 2020, une équipe d’Archeodunum a investi le nord-ouest de la commune de Crissey (Saône-et-Loire). Mission : réaliser une fouille archéologique de 3 600 m² prescrite par le Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté, en préalable à la création d’une plateforme logistique (Aubade / Comptoir des Fers). Sous les terres agricoles d’aujourd’hui, c’est une évocation des paysages campagnards d’époque romaine qui se dégage, sur un mode impressionniste.
Des drains, des fossés et des pots
Sous les trente centimètres de terre végétale retirés en début d’opération, apparaissent les stries parallèles de drains modernes – qui ont parfois recoupé les structures anciennes.
2000 ans auparavant, c’est un autre réseau qui se développe sur l’ensemble de l’emprise. Il s’agit de plusieurs fossés, répartis en deux phases chronologiques (Ier siècle apr. J.-C. ; du milieu du IIe au IIIe siècle). Limites de parcelles ou de champs, fossés drainants, bordures de chemin, les usages sont difficiles à préciser.
Elément remarquable, l’équipe a découvert des vases brisés, mais complets, dans les comblements des fossés. Pour Marie-José Ancel, responsable de l’opération, ces dépôts visiblement intentionnels pourraient bien être liés au bornage des terres : une pratique fréquemment attestée en Gaule, également mentionnée par l’agronome latin Siculus Flaccus. C’est peut-être également à cette fonction qu’il faut rapporter les pots entiers découverts lors du diagnostic.
L’insondable profondeur du puits
Un puits a été découvert à l’ouest de l’emprise. Creusé dans l’argile, il est cuvelé de pierres dans sa moitié inférieure, en partie effondrée. Sa profondeur totale, supérieure à 2,70 m, reste inconnue, car la présence de la nappe phréatique n’a pas permis de poursuivre l’exploration. L’existence de ce puits est un indice en faveur d’une occupation de longue durée.
De terre, de rouille et d’os
Les vestiges antiques, principalement des négatifs de poteaux et quelques fosses, se concentrent dans la moitié ouest de la fouille. Ils sont en partie recouverts par un vaste « remblai » de près de 200 m², riche en fragments de tuiles et objets de la vie courante datés jusqu’au IIIe siècle après J.-C. Zone de dépotoir, cette couche témoigne de la proximité d’un habitat.
Parmi l’abondant mobilier, mentionnons une patère (récipient à manche pour les ablutions) et deux fibules en bronze, des bandages de roues de char et des outils agricoles en fer, ainsi que de nombreux récipients en céramique et quelques-uns en verre. Quelques fragments d’os animaux ont également été mis au jour.
Céréales killer : un grenier incendié
Si aucun habitat n’a pu être reconnu, un petit bâtiment rectangulaire se situe à l’est, à l’écart de la zone la plus dense en vestiges. Les quatre négatifs de poteau qui en révèlent l’existence dessinent le plan d’un grenier sans doute surélevé. Dans leur remplissage, des couches charbonneuses ou rubéfiées évoquent un incendie. Grâce à un tamisage très fin, on y a retrouvé des grains de blé, d’orge et de millet, ultimes restes des céréales qu’on y stockait !
Un peu d’au-delà
Outre ces traces d’organisation de l’espace et d’activités des vivants, nos archéologues ont découvert deux tombes à inhumation dans la zone la plus riche en vestiges. La première abritait un individu adulte dont le squelette est très mal conservé – au point même qu’une tentative de datation par carbone 14 a été infructueuse ! Le corps a été enseveli dans une fosse étroite, sans aménagement ni mobilier particulier. Il est orienté la tête à l’ouest et repose sur le dos.
La seconde tombe est incertaine. Il s’agit d’un coffrage en pierres de petites dimensions, suggérant qu’il ait pu accueillir un enfant. Aucun ossement n’est toutefois conservé et il n’est pas possible d’assurer qu’il s’agisse bien d’une sépulture.
Et après ?
À l’issue du chantier, le Comptoir des Fers a repris possession des lieux pour y aménager sa plateforme. Côté archéologie, nos experts étudient l’ensemble des données recueillies (photos, dessins, objets, etc.) afin de comprendre au mieux comment on a vécu dans ce secteur du Chalonnais durant l’époque romaine. Tous les résultats sont rassemblés dans un rapport de fouille abondamment documenté.
Opération d’archéologie préventive conduite en automne 2020 sur la commune de Crissey (Saône-et-Loire), en préalable à la création d’une plateforme logistique.
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie de Bourgogne-Franche-Comté.
Maîtrise d’ouvrage : Comptoir des fers
Opérateur archéologique : Archeodunum (Responsable : Marie-José Ancel)